Le cours du Bitcoin flambe, et avec lui, les regrets de ne pas avoir investi plus tôt (à l’heure de rédaction de cette pensée, 1 BTC = 9698 $). De quoi faire également réfléchir certains politiciens qui souhaiteraient bien bénéficier de cette manne pour financer leurs campagnes. La Commission gouvernementale d’éthique du Kansas vient d’ailleurs d’interdire les donations en bitcoins pour ses propres élections, malgré un avis divergent de la FCC qui avait autorisé en 2014 les donations allant jusqu’à 100$. Qu’en est-il pour la France ?
Il s’agirait ainsi pour un candidat soit de percevoir directement des bitcoins, soit d’utiliser des sommes issues de la vente de bitcoins pour sa campagne.
Pour ce qui est de la perception de fonds directement en bitcoins, il faut donc se plonger dans les règles de financement des campagnes électorales. L’article L. 52-8 du Code électoral dispose que “les dons consentis par une personne physique dûment identifiée pour le financement de la campagne d’un ou plusieurs candidats lors des mêmes élections ne peuvent excéder 4 600 €“. Il faut donc (i) que la personne physique donatrice soit dûment identifiée – ce qui implique dévoiler l’adresse d’envoi des bitcoins – et (ii) que le montant du don ne dépasse pas 4 600 €. Se pose ainsi une nouvelle question : au vu de la volatilité du cours du Bitcoin, à quelle date doit-on, le cas échéant, effectuer l’opération de change pour vérifier la légalité du don ? L’article L. 330-10 du même code prévoit, pour les français de l’étranger, que le montant de 4 600 € doit être converti en devise locale au taux de change du “dernier jour du mois précédant le paiement de la dépense ou l’encaissement de la recette“. En admettant que ces textes n’excluent pas d’office un don émis dans une devise autre qu’une devise étatique officielle, on peut supposer que le même raisonnement trouverait à s’appliquer pour un don en bitcoins – ce qui pourrait faire réfléchir à deux fois certains donateurs, le cours du Bitcoin ayant par exemple progressé de 67% entre le mois d’octobre et le mois de novembre 2017.
Par ailleurs, l’article L. 52-8 dispose également que “tout don de plus de 150 € consenti à un candidat en vue de sa campagne doit être versé par chèque, virement, prélèvement automatique ou carte bancaire.” De plus, les fonds ne peuvent être perçus que par le mandataire financier du candidat et doivent être versés directement sur le compte bancaire ouvert à cet effet – c’est notamment pourquoi l’utilisation de PayPal est a priori interdite. C’est également la raison pour laquelle il semble qu’un don effectué directement en bitcoins ne puisse être considéré comme licite, pour la simple raison qu’une adresse Bitcoin n’est pas un moyen autorisé pour recevoir des dons. Il conviendrait alors de changer les bitcoins que l’on souhaite donner en euros et de transférer lesdits euros, à défaut de pouvoir verser directement des bitcoins.
Reste à déterminer si l’utilisation de bitcoins (et donc l’utilisation de l’argent issu du change) serait un motif de réformation ou de rejet des comptes par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) : outre les règles sur le financement des campagnes, la question porte donc également sur le statut du Bitcoin en France. Dans un arrêt rendu le 22 octobre 2015, la Cour de justice de l’Union Européenne a considéré que “la devise virtuelle «bitcoin» étant un moyen de paiement contractuel elle ne saurait, d’une part, être regardée ni comme un compte courant ni comme un dépôt de fonds, un paiement ou un virement“. Si cet arrêt exclut donc certaines qualifications, le statut du Bitcoin n’en reste pas moins flou au regard des règles électorales qui prévoient que le candidat peut effectuer des apports personnels ou bénéficier de produits d’opérations commerciales : il est probablement possible pour un candidat de changer des bitcoins en euros et d’utiliser ces sommes comme apport personnel, à charge pour ce candidat de justifier que les bitcoins changés ne provenaient pas de dons mais bien d’un investissement personnel.
Il est à noter qu’une question similaire (peut-on financer un parti politique en bitcoins) avait été posée directement par le Parti Pirate à la CNCCFP en 2014 : se basant sur des textes semblables, la CNCCFP avait conclu qu’en “l’état actuel des textes“, il n’était pas possible de financer un parti politique en bitcoins.
Merci à William de Blockchain Partner pour son input sur le sujet