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Celle où le droit libère – Maj du 27/02/18

Pendant que la presse s’obstine à ne parler que de la bulle spéculative autour des cryptomonnaies (probablement parce que c’est le sujet le plus simple à traiter), d’autres travaillent à faire en sorte que ces innovations et les nouvelles pratiques qui les accompagnent bénéficient d’un cadre juridique favorable tout en étant protecteur. C’est notamment le cas de l’Autorité des Marchés Financiers et des 82 répondants à sa consultation publique sur les ICO.

I-quoi ?

L’AMF fait en effet partie des régulateurs hyperactifs (d’une manière positive) sur le sujet des cryptomonnaies et de leurs usages, et ce n’était donc pas une surprise de voir l’Autorité lancer une consultation publique sur cette nouvelle forme de levée de fonds que constitue l’Initial Coin Offering, ou ICO. Le principe de l’ICO est de combiner le principe du crowdfunding à la création d’un service utilisant une blockchain (une forme de registre décentralisé) : le porteur du projet émet des des jetons (tokens) avant la sortie du service et les vend afin d’atteindre un objectif d’investissement. Le porteur du projet lève ainsi des fonds tandis que les acheteurs bénéficient d’une primauté d’accès au service et des avantages que les tokens en question offrent. Ces avantages varient en fonction des services, mais ils servent généralement soit à interagir avec le service et la blockchain nouvellement créée, soit à avoir des droits politiques ou financiers relatifs à l’entreprise en gestation.

Pour faire court : tout cela est très innovant, très difficile à expliquer en peu de mots, et surtout, très peu encadré. Pourtant, la pratique des ICO se développe partout très rapidement, et les montants levés explosent au fur et à mesure. Un exemple récent : Telegram, l’application de messagerie sécurisée, prépare une ICO qui devrait dépasser les 2 milliards de dollars.

La régulation, un inhibiteur ou un catalyseur

L’attitude des régulateurs face à ces nouveautés est extrêmement intéressante. Certains pays sortent directement la bride et raccompagnent l’étalon vers l’écurie : c’était le cas de la Chine et de la Corée du Sud pendant que la bulle spéculative était au plus haut, il y a quelques mois – la rumeur court que l’interdiction d’effectuer des ICO actuellement en vigueur dans ces deux pays devrait être prochainement assouplie. Mais d’autres pays, comme les États-Unis ou la France, adoptent une attitude d’intérêt circonspect propice à une innovation contrôlée. C’est ainsi qu’à plusieurs reprises, l’AMF a émis des consultations publiques pour tester la température de l’eau et obtenir les avis des acteurs concernés. Le dernier résultat en date, la consultation ICO, devrait ainsi permettre la rédaction de règles validées par les praticiens du secteur et conformes aux attentes des marchés, tout en garantissant le respect des normes essentielles que l’AMF compte faire respecter (lutte anti-blanchiment et financement du terrorisme, protection des investisseurs, lutte contre la fraude et l’évasion fiscales, etc).

C’est alors que le droit apparait comme le catalyseur de l’innovation plutôt que comme son inhibiteur : les règles de droit peuvent servir à interdire comme à autoriser. En délimitant un cadre d’action là où n’existait auparavant qu’un vide juridique, on créé de la sécurité juridique qui permet le développement de la technologie. On en revient au rôle même du droit : toutes ces règles contraignantes, toutes ces interdictions n’ont pour seul but que d’assurer la liberté et la vie en société. Il en va de même pour le développement technologique et l’innovation : la régulation n’est pas forcément synonyme d’interdiction, au contraire !

L’actu en bref

Cette semaine, on a beaucoup parlé blockchain et ICO : le Venezuela a annoncé sa propre ICO, l’AMF a également publié une qualification juridique des produits financiers dérivés sur cryptomonnaies, l’AMF Suisse, la FINMA, a aussi donné son avis sur le sujet, des hackers ont infiltré Tesla pour miner des cryptomonnaies, le CSPLA a rendu un rapport sur l’impact de la blockchain sur la propriété littéraire et artistique et l’Assemblée Nationale a lancé une mission d’information sur la blockchain. Également hyperactive, la CNIL a publié une petite FAQ sur le devenir des labels post GDPR et mis à jour ses guides PIA. En ce qui concerne les news sur l’IA, notons un rapport cosigné par de nombreuses organisations dont l’EFF et OpenAI sur les potentiels usages pernicieux de l’IA, la création par Google d’une IA permettant de déceler les maladies cardiovasculaires en un coup d’oeil et le départ d’Elon Musk d’OpenAI pour éviter les conflits d’intérêts. Enfin, notons que Qualcomm a refusé de se faire racheter pour 148 milliards et que Jeff Bezos construit une horloge géante dans une montagne qui devrait fonctionner pendant 10 000 ans.

À ne pas rater cette semaine

Sinon, on parle aussi pas mal des GAFAM : on vous propose un très long et bon article du NYT sur le droit de la concurrence et Google, un article sur la tentative d’Apple d’acheter autant de cobalt que possible en prévision de sa prochaine pénurie (on ne parle pas assez souvent de l’impact écologique de la tech) et un point sur les dernières propositions en matière de réforme des géants du net. Dans la lignée du rapport d’OpenAI sur les risques de l’IA, on vous suggère également la lecture d’une opinion sur les liens entre démocratisation de l’IA et impact sur la société, ainsi qu’un avis de la CNIL norvégienne sur les liens entre IA et vie privée. On conclut la sélection de la semaine par une séquence droit d’auteur, avec le souhait des majors d’augmenter le périmètre de la copie privée au stream ripping et un bel arrêt d’Assemblée Plénière qui considère que la signature d’une feuille de présence équivaut contrat de cession de droits d’artiste-interprète. On se quitte avec une petite Shower Thought d’Adrien qui vous invite à vous demander si le GDPR interdit ou non les prises de décision automatisées.

Faites la Maj, et à la semaine prochaine !

Signé Aeon


#gdpr

#donnéespersos

#c'estquiquichoisit


Prises de décision automatisées dans le GDPR : interdiction de principe ou simple droit de la personne concernée ?

L’article 22 du RGPD est le siège d’une controverse d’interprétation majeure, depuis que le Groupe de travail de l’article 29 a laissé entendre qu’il prévoyait une interdiction, assortie d’exceptions, de certaines prises de décision automatisée. Le texte suggère en effet plutôt, plus modestement, un simple droit d’opposition au bénéfice de la personne concernée. Forgez-vous une opinion avec cette shower thought signée Aeon !
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Le Gif de la semaine


A la semaine prochaine, avec étonnement