La Maj d'

La newsletter d'actu techno-juridique : tous les mardis matin à 9h, faites la mise à jour !

En cliquant sur “S’abonner”, vous consentez à recevoir la newsletter d’Aeon (la “Maj”) chaque mardi matin à l’adresse email que vous avez indiquée. Les données saisies dans les champs ci-dessus nous sont nécessaires pour vous adresser la Maj par l’intermédiaire de notre prestataire MailChimp, et ne sont utilisées qu’à cette fin.

Vous consentez également à ce que MailChimp collecte, par l’intermédiaire d’un traceur placé dans l’email contenant la newsletter, des informations relatives à l’ouverture de cet email et à votre lecture de la Maj. Ces informations ne sont utilisées par Aeon qu’aux fins d’améliorer la Maj et son contenu, et ne sont partagées avec aucun tiers hormis le prestataire MailChimp.

Si vous souhaitez lire la Maj sans que ces informations soient collectées, notez que vous pouvez la retrouver à tout moment à cette adresse aeonlaw.eu/maj. Vous pouvez également vous abonner au flux RSS de cette page pour être averti de chaque nouvelle Maj dès sa parution, en cliquant ici !

Pour plus d’informations, consultez la Politique de Confidentialité d’Aeon en cliquant ici.


Celle qui n’est plus très open space – Maj du 28/04/20

L'actu en bref

Cette semaine, le contact tracing continue d’être le sujet de toutes les attentions : l’occasion pour le toujours excellent NextINpact de faire le point sur les différents protocoles afin d’y voir plus clair dans ce qui va suivre. En France, la CNIL et le CNNum ont accordé leur bénédiction au projet, en précisant tou(te)s deux qu’il fallait que l’application s’intègre dans une stratégie plus globale – point essentiel et dont on ne parle pas assez, notamment parce que l’application risque d’être complètement inutile sans l’appui de milliers d’enquêteurs – ce alors que des régions sont en train de se mettre à tester une app concurrente issue du secteur privé et que le gouvernement renonce à un débat et un vote parlementaire dédiés tout en s’enlisant dans un bras de fer technologique avec Apple. Pendant ce temps en Europe, la Belgique abandonne son projet d’application similaire et l’Allemagne annonce opter finalement pour une approche décentralisée alors qu’elle suivait jusqu’alors la conception française centralisée, tandis que l’EDPB publie des guidelines sur ces apps mais aussi sur la recherche scientifique dans le contexte du COVID-19. L’autre gros sujet que l’on retrouve cette semaine, c’est Amazon : le géant du ecommerce a vu sa condamnation confirmée en appel par la CA de Versailles – la décision. Pour rappel, il s’agit d’ordonner à Amazon de mieux protéger ses salariés et de restreindre ses activités le temps que cela soit fait – les entrepôts français restent ainsi fermés. Mais Amazon fait aussi la une pour une belle GAF(fe)AM : la marketplace aurait épié ses vendeurs utilisateurs pour connaitre leurs produits et lancer ses propres produits concurrents. Restons dans le monde de la tech avec d’autres news : celui du lancement d’un concurrent à Zoom par Facebook ; la création d’un fonds d’urgence pour le journalisme par Google qui annonce également durcir ses règles pour devenir annonceur afin de limiter les arnaques ; Netflix casse les records en enregistrant son meilleur trimestre ; Amazon va pouvoir racheter une partie de Deliveroo, qui risque sinon de passer en faillite ; et Twitter a perdu un contentieux dans lequel le petit oiseau souhaitait obtenir le droit de divulguer les demandes de surveillance reçues du gouvernement dans son rapport annuel de transparence. Notons enfin une étude d’économistes américains selon laquelle  de 84 à 97% des métiers juridiques pourraient être effectués en télétravail ; une petite note bien utile sur comment recevoir un recommandé en ces périodes de confinement ; la présidente du CNB pressent une reprise difficile, la Ministre de la justice a annoncé quelques mesures d’aide ; le Conseil d’État publie son rapport d’activité 2019. On termine avec une magnifique décision de la Cour suprême des États-Unis qui rappelle qu’en démocratie, le droit, en l’occurrence les codes annotés, ne peuvent faire l’objet d’une protection par le droit d’auteur. On se quitte sur une stat un peu folle : on estime que le coronavirus occupe 80% des contenus médias diffusés, constat confirmé par l’INA – du jamais vu, et cette Maj ne fait pas exception. Alors pour penser à autre chose, voici le programme des pièces de la Comédie française diffusées cette semaine – on conseille vivement Cyrano de Bergerac dimanche prochain à 20h50 sur France 5.

Faites la Maj de chez vous, et à la semaine prochaine !

Si vous aussi, à mesure que le confinement s’étire, vous avez l’impression de vivre aux côtés de Bill Murray dans un Jour sans fin et que vous en avez assez de vous demander si, aujourd’hui, la marmotte sortira ou non, vous n’êtes pas les seuls. Alors, on va vous parler d’espace, pas celui de Gagarin ou d’Armstrong, pas le cyber non plus, mais plutôt de celui qui s’est fait bousculer et dont le visage aura probablement changé à jamais dans le monde d’après, dans la zone du dehors : l’espace de travail.

La reconfiguration de l’espace de travail

Alors que le premier ministre s’exprimera devant l’assemblée pas plus tard que cet après-midi pour dévoiler les modalités du déconfinement post-11 mai, beaucoup se posent la question de savoir à quoi ressemblera leur retour sur leur lieu de travail, qu’ils sautent de joie ou l’appréhendent. Mais quelle que soit la position que l’on adopte, une chose est à peu près certaine : cela ne pourra être que différent, nous avons trop changés.

En effet, si de nombreux travailleurs n’avaient précédemment jamais goûté au télétravail, soit parce que leurs employeurs y étaient réticents, soit parce qu’ils ne pensaient pas que cela était possible, le COVID-19 a, de fait, forcé bien du monde à en faire l’expérience et la Terre ne s’est pas arrêtée de tourner. Chacun a dû, à sa propre manière et parfois avec les moyens du bord, aménager dans son espace personnel un coin pour turbiner (on ne vous dira pas que ces présentes lignes ont été écrites sur une porte de placard posée sur deux fauteuils) et trouver ses propres méthodes pour le faire dans des conditions à peu près sereines. Tout le monde a également dû apprendre à « se décoincer » devant le fait accompli que les enfants des uns et les animaux de compagnie des autres (les premiers n’étant bien évidemment aucunement assimilables aux seconds) se feront entendre ou passeront inévitablement devant la caméra au cours d’une visio-conférence. Les entreprises se sont également adaptées, certes, certaines non sans mal, pour rendre le télétravail viable en modifiant leurs processus, déployant du matériel et des nouveaux outils. On s’essayera donc à la conjecture en disant que beaucoup y ont pris goût, ou du moins ont pris conscience des avantages que présenterait le fait de travailler plus souvent de chez soi : diminuer ses déplacements pendulaires, c’est gagner le temps que l’on passait dans un métro bondé ou dans les embouteillages et pouvoir l’allouer à soi et aux autres. Il n’est donc pas inenvisageable qu’une certaine forme de télétravail devienne, à l’avenir, l’habitude de tous.

De même que le barycentre de l’espace de travail se déplacera assez probablement un peu plus vers la maison, les bureaux ne pourront rester les mêmes. Si le paradigme du monde d’avant nous amenait à voir plus de chiffre d’affaires au mètre carré dans l’open space, le hot desking et la diminution des espaces de travail individuel, celui du monde d’après nous amènera à y voir autant de lieu et d’occasion d’être contaminé et de contaminer les autres. La grande majorité des lieux de travail collectifs, mis à part les hôpitaux (mais c’est de la triche), auront besoin d’être adaptés pour garantir la sécurité sanitaire de leurs travailleurs, que les employeurs y soient éventuellement contraints par la loi ou par les demandes de leurs employés. Il en ira probablement aussi pour les espaces de coworking et leurs clients. De manière nécessaire donc, les bureaux devront être repensés pour implémenter des mesures barrières et permettre aux collaborateurs de se mouvoir et interagir tout en respectant la distance sanitaire.

La reconfiguration de la vie privée au travail

Une des conséquences indirectes du développement des espaces de travail collectifs et ouverts a été de réduire, parfois comme peau de chagrin, la confidentialité des activités des collaborateurs dont les faits et gestes se retrouvaient de facto à la vue de tous. Si le mouvement à venir sera à l’espacement et à l’abolition de la proximité physique des individus, il est envisageable que la distanciation des postes, les espaces privatifs et les bureaux individuels deviennent, aux côtés du développement du télétravail, la nouvelle norme. Corrélativement, ces nouvelles organisations de l’espace auront le bénéfice d’assurer, certes, une meilleure sécurité sanitaire mais également de permettre aux collaborateurs de retrouver l’intimité qu’ils avaient progressivement (voire totalement) perdu jusqu’alors.

Seulement, ce gain de confidentialité sera vraisemblablement compensé par l’émergence de nouvelles problématiques de vie privée propres aux moyens qui seront déployés pour aménager les espaces de travail, qu’il s’agisse de travailler à distance ou sur site.

Concernant le travail à distance, les outils qui le permettent, par hypothèse digitaux, ont déjà suscité leur lot de discussions sur la sécurité et la confidentialité des informations qui transitent par leur intermédiaire. Pour ne prendre que les plus utilisés, il a été révélé que de nombreuses applications de visio-conférence, particulièrement étudiées du fait de la sensibilité des correspondances, présentaient des difficultés au regard de la protection des données de ses utilisateurs. A ce titre, Zoom a catalysé de nombreuses critiques pour la faiblesse des mesures de sécurité qu’elle avait implémentée et la facilité avec laquelle il était possible d’en exploiter les failles et ce à un point que l’on a vu émerger un nouveau mot, le Zoombombing, pour désigner le fait de s’infiltrer sans autorisation dans une réunion distante et en troller (ou simplement écouter) les participants. De même son éditeur fait-il actuellement l’objet d’une action de groupe aux Etats-Unis pour avoir informé ses utilisateurs sur le fait qu’il transmettait certaines de leurs données à Facebook. Le recours plus fréquent au télétravail présente et présentera donc autant de risques pour la vie privée des collaborateurs d’une entité qu’il y aura d’outils de déployés.

Concernant le travail sur site, les interactions directes ne sont, hélas, pas les seules à présenter un aléa sanitaire. Une poignée de porte, un bouton d’ascenseur, une machine à café sont autant d’objets dont la manipulation collective accroit la possibilité de transmission de pathogènes. Parmi les réponses envisagées, les assistants vocaux sur le lieu de travail, en ce qu’ils permettent de transformer des interactions tactiles en interactions vocales, ont le vent en poupe. Amazon, qui s’est positionnée, non sans être critiquée, comme un acteur central dans la gestion de la crise actuelle, a d’ailleurs lancé en plein milieu de la pandémie un nouveau service au sein de son offre Alexa for business, Blueprints, permettant aux organisations de facilement créer des nouvelles interactions « maison » avec les assistants vocaux installés au sein de leurs espaces de travail. Seulement, les assistants vocaux ne sont pas les meilleurs amis de la vie privée, dans la mesure où leur fonctionnement même suppose qu’ils soient d’une manière ou d’une autre toujours « écoutant ». Le risque, avéré ou perçu, est donc que le regard des co-bureaux soit troqué pour l’oreille de l’employeur ou celle des GAFAM.

Si donc nos espaces de travail d’aujourd’hui et de demain sont voués à changer pour des raisons de confort ou de sécurité sanitaire, gageons de garder un œil sur notre vie privée, car les deux sont intimement liés.

Le Gif de la semaine


À la semaine prochaine, en préparant le déconfinement à notre manière !