Pendant que les algorithmes de prédiction des résultats de la Coupe du Monde des plus prestigieuses banques du monde échouaient lamentablement à ne serait-ce que s’approcher du résultat de la compétition, le seul pronostic à peu près recevable nous vient du jeu vidéo Fifa 2018, seul à correctement prédire le parcours de la France et sa victoire en finale (même si, dans ce cas, c’était au bout de penaltys contre l’Allemagne). L’occasion de se demander : la France, en jeu vidéo et en eSport, ça donne quoi ?
Une grande nation d’éditeurs
Les nouvelle sont également bonnes du côté vidéoludique : la France est un grand pays de production de jeu vidéo. Elle compte tout d’abord l’un des plus grands éditeurs du monde : Ubisoft. Avec des titres comme Rayman, Beyond Good and Evil ou Assassin’s Creed à son actif, le studio montpelliérain fait partie des plus grands producteurs de la Terre. Au-delà de cette gigantesque machine, qui a failli faire l’objet d’une opération de rachat hostile par Vincent Bolloré et qui est également à l’origine d’un des leaders du jeu vidéo sur mobile, Gameloft, la France compte également un certain nombre d’autres éditeurs plus petits mais tout aussi reconnus sur la scène gaming – on peut ainsi citer Quantic Dream (Beyond: Two Souls, Heavy Rain), Arkane (Dishonored), Dontnod (Life is Strange) ou encore Ankama (Dofus). Le secteur reste vivace : la jeune entreprise Voodoo a réalisé en mai la plus grosse levée de fonds pour une entreprise française depuis 2015 (200 millions), tandis que la startup Oh Bibi vient de lever 21 millions d’euros.
D’après le Syndicat des éditeurs de logiciels de loisirs (SELL), le marché a connu une croissance de 18% l’année dernière, pour un chiffre d’affaires record de 4,3 milliards d’euros, et le secteur emploie logiquement plusieurs milliers de personnes. C’est pour protéger cette nouvelle “exception culturelle” à la française que de nombreuses aides ont été développées pour les éditeurs de jeux vidéo : dès 2008 ont ainsi été instaurés un crédit d’impôt et des aides sélectives à la création qui feraient de la France, d’après le CNC, “un territoire particulièrement attractif pour les investisseurs et les entrepreneurs du monde entier“.
D’excellents eSportifs
Et en plus de produire d’excellents jeux, la France est également une nation d’excellents e-athlètes. Le jeu vidéo se pratique depuis de nombreuses années de manière compétitive et professionnelle (ce que l’on nomme le eSport), et la France a d’ailleurs été l’un des premiers pays à le reconnaitre juridiquement par le truchement des article 101 et 102 de la Loi pour une République numérique, qui créent un statut de joueur professionnel.
De la même manière que l’on célèbre le nom du prodige Kylian Mbappé, les eSportifs tricolores ont aussi droit à leur heure de gloire. Dans un sport traditionnellement dominé par la Corée du Sud et la Chine, la France a eu quelques grands joueurs qui sont nos “bleus” numériques. Le plus connu est certainement Bertrand “ElkY” Grospellier qui, après avoir été un grand joueur du jeu de stratégie StarCraft, a été tout aussi grand au poker. La suite de StarCraft, sobrement intitulée StarCraft 2, a vu le jeune Ilyes “Stephano” Satouri être l’un des meilleurs joueurs du monde, ce qui fut également le cas de Yoan “ToD” Merlo sur WarCraft 3. En jeu de foot, Bruce “Spank” Grannec a été quatre fois champion du monde, sur deux jeux différents, et est l’un des joueurs les plus titrés de l’histoire. Enfin, la France excelle également dans les jeux en équipe, et notamment sur l’un des jeux les plus populaires aujourd’hui, League of Legends : Bora “YellOwStaR” Kim aura ainsi été dans une équipe championne du monde, avant de créer la section eSport du PSG (dont il ne fait plus partie), tandis que Paul “sOAZ” Boyer est l’un des plus anciens joueurs toujours en activité au plus haut niveau.
In fine, Allez les Bleus, qui sont champions que le terrain soit un stade de foot, une planète extraterrestre lointaine ou une faille dans un monde fantastique !
Ce qu'on lit cette semaine
#donnéespersos
#cjue
#témoinscoupables
Les jurisprudences les plus riches d’enseignements naissent quelquefois des espèces les plus inattendues, pour ne pas dire les plus improbables. Au menu de la CJUE ce jour-là : la communauté des témoins de Jéhovah endosse-t-elle une responsabilité au sens du GDPR, solidairement avec ses représentants “porte à porte” ? La réponse est oui (voir l’arrêt). Après avoir écarté l’argument tiré de la liberté religieuse (qui ne fait pas, à bon droit, obstacle à l’application de la réglementation données personnelles) et de l’activité “domestique et personnelle” du prédicateur, la Cour précise quelques leçons d’importance pour la qualification du responsable de traitement : indifférence de l’accès aux données (déjà relevée par le G29 en son temps) et de l’absence de consignes écrites et précises données aux membres par la communauté concernant le traitement. Ce dernier point surprend toutefois quelque peu : l’organisation générale d’une activité collective, même sans prise de position sur les modalités du traitement, ni aucune incitation en réalité à mener un traitement, suffirait donc à se voir imposer cette qualification. Après son récent arrêt sur l’administrateur d’une page fan Facebook, la CJUE semble en réalité plus que jamais voir dans le régime de la co-responsabilité un pratique instrument d’opportunité. Rien d’étonnant à cela, à vrai dire : les autorités de contrôle n’ont-elles pas de longue date insisté sur le caractère “fonctionnel” de la notion de responsable de traitement ?
#donnéespersos
#reconnaissancefaciale
#lasciencedesrêves
Nos émotions sont-elles des données à caractère personnel ? A s’en tenir aux lignes directrices d’interprétation de la notion, dès lors qu’elles peuvent être objectivées : oui, très probablement. L’occasion pour le Linc, le laboratoire d’innovation de la CNIL, tout en nous renseignant sur les derniers progrès en matière d’analyse des émotions par lecture des micro-signes faciaux (ou des intonations de la voix, aussi), de rappeler que de tels procédés présentent de lourds enjeux non seulement éthiques et sociétaux (c’est l’évidence même), mais aussi juridiques : selon la finalité qu’ils poursuivent et les circonstances précises de l’activité dans laquelle ils s’inscrivent, ces systèmes devront s’imposer un certain nombre de règles et de garde-fous, afin d’éviter des usages par exemple discriminatoires ou illégitimes. La catégorie de “profilage” au sens du GDPR est bien sûr ici de toute première pertinence, et le consentement a toute sa place. Face à l’immensité des applications possibles, gageons que le principe de Privacy by design trouvera là également un terrain d’élection passionnant.
#reconnaissancefaciale
#microsoft
#Régulation
#àquandlesusecases?
Toute la Silicon Valley, et en particulier les GAFAM, se mettent à faire dans l’amende honorable. Après les tumultes que Google a connus à la suite de la découverte que ses outils d’IA étaient utilisés par l’armée américaine et la publication de lignes directrices internes pour l’utilisation et le développement de l’intelligence artificielle, c’est au tour de Microsoft de communiquer les siennes pour ce qui concerne une technologie différente quoique liée : la reconnaissance faciale. En réaction à la révélation de ce que certaines solutions du géant du numérique reconnaissaient mieux les visages blancs que ceux d’autres couleurs de peau et qu’elles pouvaient potentiellement être déployées pour le contrôle des frontières, le CEO de Microsoft, Brad Smith, a publié un post identifiant plusieurs pistes de régulation. Malgré l’affichage officiel d’une conscience de ce que le développement de la reconnaissance faciale peut enfreindre certains droits fondamentaux (si tant est qu’on ait pu en douter), en suggérant, principalement, la création d’une commission d’expert bipartisane et la favorisation de l’autorégulation de l’industrie, il est difficile de ne pas résumer cette prise de position à du « y a qu’à, faut qu’on ».
#russiahack
#électionsaméricaines
#maquillécommeunreceleurdedonnéesvolées
Official shots fired. Vendredi dernier, alors que Vladimir Putin s’apprêtait à clore la coupe du monde de football sur le weekend mais surtout qu’il allait rencontrer le président américain à Helsinki ce lundi 16, le procureur américain Robert Mueller a publié son réquisitoire à l’encontre de 12 individus soupçonnés d’avoir participé à la manipulation des élections américaines de 2016 sous l’influence directe du gouvernement et de l’armée russes. Le réquisitoire identifie ces personnes comme étant des agents du renseignement mais également s’attarde sur la manière dont s’est déroulé le hacking parallèle (de haute voltige) du Comité National du Parti Démocrate et celui du personnel de la campagne de Hillary Clinton. Il y a peu de chance que la procédure aboutisse, car l’on imagine mal que les hackers se précipitent dans la limite territoriale de la juridiction américaine pour se faire arrêter mais le niveau de détail des informations détenues par l’avocat général accroit la certitude de ce que la candidate démocrate n’a pas été aidée. Reste bien entendu entière la question de savoir quel était le degré de connaissance de Donald Trump et de son entourage de toutes ces opérations, et des manœuvres éventuelles qu’il aurait pu avoir entreprises pour cacher le tout. Le procureur américain a probablement déjà quelques infos, affaire à suivre.
#IA
#psychologie
#monchatbotbienaimé
Pour demain la cobotique universelle : sommes-nous vraiment prêts pour un avenir fait d’IA omniprésentes ? Il ne s’agit pas ici de craindre les prises de décision automatisées, ou encore les biais des algorithmes, mais bien les faiblesses de notre propre rapport aux “robots” tout particulièrement, ces IA à forme (physique) humaine ou familière, ou encore aux chatbots. En simulant nos interactions humaines les plus quotidiennes, voire en dépassant leurs limites (en termes de disponibilité ou de bienveillance, par exemple), les intelligences artificielles vont indéniablement modifier notre rapport au monde et à nous-mêmes – à notre “être au monde”. Selon Serge Tisseron, psychiatre spécialisé dans l’étude des nouvelles technologies, ces micro-révolutions s’opèreront vraisemblablement autour de plusieurs “pôles” structurants de cet être au monde : désir, mémoire, culpabilité, solitude… Pas de remède ni même vraiment d’alerte dans l’absolu – le tout sera, à tout le moins, selon le précepte d’Hannah Arendt, de “penser ce que nous faisons”.
#objetsconnectés
#certification
#ENISA
#parcimonie
Nouveau markup de la proposition de règlement sur l’agence de la cybersécurité unioniste (ENISA) par le Comité de l’industrie, de la recherche et de l’énergie du Parlement européen. Deux sujets sont principalement à l’honneur et abordés sous l’angle de la rationalisation de l’allocation des moyens. Cette version tente ainsi une approche ventilée de la certification de la sécurité des objets connectés en ouvrant la possibilité de l’autocertification pour ceux les moins risqués tout en maintenant le recours à des organismes tiers pour les autres, afin de limiter la fréquence des procédures, onéreuses, d’audit. L’on y trouve également la conservation d’une logique de collaboration de l’agence unioniste avec les agences nationales, faute pour cette première de pouvoir avoir les ressources matérielles de s’ériger en agence régionales unique. Prochain rendez-vous au mois d’octobre où le rapport sera débattu en séance plénière devant le Parlement pour adoption.
#facebook
#storytime
#doyouevencodebro
Le début des années 2000. Les bleus ont été sacrés au championnat de l’Euro après avoir remporté leur première coupe du monde deux ans plus tôt, l’on mettait en circulation une monnaie du même nom. La guerre en Irak débutait. Cela semble déjà si loin, et pourtant ce sont aussi les années qui ont vu naître cette société, qui 24 ans plus tard, deviendra un pilier central de nos vies digitales : Facebook. Il s’agit là d’un retour dans l’enfance, non pas d’internet mais d’un certain internet, celui des réseaux. Par une série d’entretiens, cet article nous replonge dans l’effervescence qui a vu le basculement entre un internet des pages et un internet des gens, la création du phénomène social qu’est la viralité en même temps que Facebook se construisait dans un chaos tel que l’on se demande comment il a pu voir naître un si grand empire. Nostalgiques des Napster et autres Myspace s’abstenir.
#youtubeur
#société
#nopainnogain
La célébrité sur Internet, nouveau mal du siècle ? C’est ce que tend à suggérer cette enquête du Monde auprès d’une série de youtubeurs et streamers sur Twitch : là où d’aucuns sont prompts à traiter par le mépris ce “nouveau métier” rémunéré via la monétisation des vidéos, les intéressés rappellent que le rythme de production effréné, la pression des commentaires et de la communauté pas toujours bienveillante, enfin l’absence de cadre de travail quotidien peuvent créer une “spirale infernale”, expliquant sans doute le grand nombre de traitements pour dépression dans ce milieu. Des constats regrettables qui ne sont pas sans rappeler les interrogations sur le mythe (aujourd’hui bien entamé) de la libération par le statut d’auto-entrepreneur, et l’atomisation du travail en freelance à travers les plateformes “à la Uber”. Sans même parler du paradoxe désormais bien connu de l’hyperconnectivité et du sentiment d’isolement, en marge et comme corollaire de ses nouveaux métiers, la société de l’information a clairement su inventer, aussi, son lot de nouvelles précarités.