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Celle qui conduit un tramway sans freins – Maj du 30/10/18

L'actu en bref

Cette semaine était une semaine de gros sous : on pense évidemment aux 34 milliards de dollars payés par IBM pour le prestataire cloud Red Hat et à la levée de 1,35 milliards de dollars par l’éditeur de jeux vidéo Epic Games (Fortnite), mais aussi aux 312 millions de dollars de profit de Tesla, pour la première fois de son histoire, aux 432 500 dollars payés pour une oeuvre faite par une IA, qui était estimée à 8 000, à l’amende de 500 000 livres (maximum de l’époque) contre Facebook pour la violation de données Cambridge Analytica et à la validation par la Commission Européenne du rachat de GitHub par Microsoft (7,5 milliards). Ces beaux montants sont l’une des raisons pour lesquelles Bruno Le Maire continue son lobbying pour une taxe sur les géants d’Internet, tandis que YouTube continue la fronde contre l’article 13 de la Directive droit d’auteur. En d’autres news, Canal+ a mis fin aux négociations sur la nouvelle chronologie des médias, ce qui semble aller à l’encontre de la volonté du nouveau Ministre Franck Riester ; Orange se fait taper sur les doigts par l’ARCEP ; le Japon permet aux cryptomonnaies de s’autoréguler ; et voici les grandes tendances de l’eSport en France. Enfin, mentionnons la clôture de la mise en demeure de la CNIL contre Direct Energie (#Linky) et l’ouverture d’une nouvelle mise en demeure contre Singlespot, du changement à la DINSIC, et fêtons les 18 ans du site service-public.fr – on a tous déjà consulté des fiches dessus. On se quitte sur deux liens très amusants : Merriam Webster vous propose de retrouver les mots introduits dans la presse écrite votre année de naissance, et, semaine de gros sous oblige, ce petit jeu vous propose de dilapider la fortune de Jeff Bezos (156 milliards).

Faites la Maj, et à la semaine prochaine !

Vous conduisez un tramway qui arrive vers un embranchement. Sur la route que vous suivez, 10 personnes sont attachées, que le tramway renversera si vous ne changez pas de route. Sur l’autre branche, une seule personne, mais la bifurcation implique donc que vous fassiez le choix conscient de renverser cette personne plutôt que les 10 autres. Que choisissez-vous ? Et que choisiriez-vous si la personne seule était la personne la plus chère à vos yeux ? Ce dilemme classique, dit “du tramway“, aurait été inventé par la philosophe Philippa Foot en 1967, et a fait l’objet de nombreuses études jusqu’à être remis au goût du jour aujourd’hui de manière très concrète : comment déterminer ce que ferait une voiture autonome dans un tel cas ?

Le dilemme de la voiture autonome

C’est en tout cas des questions similaires que le MIT a posé à la planète entière, en variant les plaisir : les divers scénarios comprenaient des personnes âgées, des enfants en bas âge, des femmes enceintes, des délinquants, et faisaient fluctuer le nombre de vies mise en balance, tout en jouant sur les règles du code de la route – les personnes n’étaient plus attachées sur des rails mais en train de traverser un feu, parfois vert, parfois rouge.

L’intérêt de l’exercice est multiple, mais l’une de ses qualités primordiales à notre sens est de montrer qu’au-delà de toutes les attentes, légitimes, qui sont placées sur l’IA lorsqu’elle vient remplacer l’homme, certaines issues restent déterminées par nos choix à nous. C’est tout l’enjeu de ce dilemme de la voiture autonome : le “choix” de la voiture de percuter telle ou telle personne ne viendra a priori pas de son apprentissage mais bien des règles qui lui auront été inculquées par nous – à moins que l’on ne conçoive un jeu de données d’apprentissage comprenant toutes les caractéristiques de millions d’accidents de voiture et qu’on laisse l’algorithme en tirer des inférences inexplicables. Cette solution, une forme de justice arithmétique, pourrait avoir ses mérites, tout le monde étant logé à la même enseigne. Elle aboutirait cependant à reproduire des biais certains et surtout manquerait fortement en sécurité juridique, et serait donc le fléau des assureurs – il est plus probable, ou en tout cas pragmatique, de penser que la solution des règles fixes sera celle qui prévaudra.

Coder le droit, trouver une éthique universelle

Cela implique de réussir à transcrire en code des règles éthiques ou des règles de droit qui ne sont pas de purs syllogismes. Comment écrire “tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer” en code ? Les ouvertures permises par de telles règles font partie de l’essence même de notre droit, puisque c’est grâce à elles que l’on a pu élaborer des régimes juridiques variés mais cohérents et prévisibles. Elles rendent cependant le travail de transcription difficile.

À supposer que l’on règle ce problème, reste ensuite celui d’écrire des règles de droit ou d’éthique qui conviennent à tout le monde. L’étude du MIT montre que les réponses apportées au dilemme de la voiture autonome changent grandement selon les régions du monde. Certains auteurs arguent, sur le fondement que l’éthique est relative, que seuls les droits fondamentaux peuvent servir de base à la régulation de l’IA, alors que ces droits ne sont pas plus universels que l’éthique. Et, en bon miroir artificiel qu’elle est, l’IA nous renvoie ainsi à nos propres questionnements : avant de trouver une régulation à l’IA, encore faudrait-il trouver des principes sur lesquels nous nous entendrions tous.

Le Gif de la semaine


À la semaine prochaine, en profitant du beau temps !