Après le rapport #FranceIA et le rapport de l’OPECST, la France est donc en train de produire un troisième rapport sur l’intelligence artificielle. Le but ? Faire de notre pays une grande puissance de l’IA. L’IA, c’est un domaine de l’informatique consistant à résoudre des problèmes non pas par algorithme simple (si X, alors Y) mais en tentant d’imiter les fonctionnements cognitifs humains. Depuis quelques années (compter 5-6 ans), l’intelligence artificielle connait une résurgence, après avoir été mise de côté pendant plusieurs décennies, grâce au développement du big data et la puissance de calcul des ordinateurs. En effet, les méthodes les plus courantes (machine learning et deep learning) résident sur “l’apprentissage” par la confrontation à un énorme jeu de données. Afin de garantir la place de la France sur la scène de l’intelligence (artificielle, donc), l’année 2017 aura ainsi donné lieu à plusieurs phases d’élaboration de stratégies.
Cette fois, la mission a été confiée à Cédric Villani, célèbre vainqueur de la médaille Fields ayant récemment fait son entrée au Palais Bourbon. Si l’on ne peut que louer l’intention française de se saisir d’une technologie renaissante pour devenir un leader du domaine (surtout à l’heure où certaines personnes parlent de “guerre des intelligences“), on peut se demander si produire trois rapports en l’espace d’une année est vraiment la meilleure façon de faire. Toujours est-il que Cédric Villani a rendu son état des lieux de mi-parcours et a annoncé l’ouverture prochaine d’une plateforme consultative publique. Pendant ce temps, dans le monde de l’IA, Facebook a annoncé vouloir détecter les tendances suicidaires, les géants chinois Baidu et Xiaomi travaillent ensemble pour créer de nouveaux produits intelligents, Google est capable de détecter si une personne regarde votre écran par-dessus votre épaule et les voitures autonomes de Waymo ont parcouru plus de 4 millions de miles (6,5 millions de kilomètres). Autant dire que, sans parler de guerre, il est certain que la course à l’intelligence artificielle est bien lancée : selon le dicton “rien ne sert de courir, il faut partir à point”, il est temps de partir !
Au passage, il faut également noter la brèche de sécurité ayant affecté le site de partage d’images imgur, aboutissant à la copie des données de 1,7 million d’utilisateurs, ainsi que la légalisation aux Etats-Unis des échanges de contrats à terme (futures) relatifs au Bitcoin. Enfin, c’est la période, on vous propose un calendrier de l’avent original : chaque jour, un artiste dont les oeuvres tomberont dans le domaine public en 2018.
Sinon, la semaine apporte de nouvelles nouvelles concernant les voitures autonomes : d’abord parce que le Sénat a émis des propositions pour faciliter l’arrivée de ces véhicules sans chauffeur, mais aussi parce que le procès opposant Waymo à Uber, la filiale voiture connectée d’Alphabet (la maison-mère de Google), a été le théâtre de révélations dont il n’est possible de dire si elles sont pétard mouillé ou grand désastre. En parlant de géants du web, Snapchat tente de revenir à la charge en vantant son modèle anti-fake news, tandis que le TGI de Paris a considéré qu’Alibaba.com était un éditeur de contenu, et non pas un hébergeur bénéficiant d’une responsabilité allégée. Côté régulation, Macron veut s’en prendre au porno, aux jeux vidéo et au harcèlement pour faire progresser les droits des femmes, alors que la Commission Européenne livre des clefs sur le futur de la lutte contre la contrefaçon. On vous parle également d’une jurisprudence de la CJUE relative à la copie privée (et au refus de cette exception pour une personne enregistrant des émissions pour le compte de tiers) ainsi que d’une affaire en cours devant la Cour Suprême des Etats-Unis et qui pourrait y donner lieu à un renforcement de la protection des données personnelles. Enfin, on vous propose d’évoquer la création d’une religion dédiée à l’intelligence artificielle – on ne vous en dit pas plus, sauf pour vous conseiller la lecture de l’article d’Aeon de la semaine, dans lequel Adrien vous invite à analyser les rouages de l’encadrement du profilage et de la prise de décisions automatisées en matière de données personnelles.
Faites la Maj, et à la semaine prochaine !
Ce qu'on lit cette semaine
#IA
#Régulation
#contrelabatracianisation
L’excitation est à son comble, chez Aeon du moins : Cédric Villani a présenté son bilan de mi-parcours dans le cadre de la mission sur l’intelligence artificielle que le gouvernement lui a donné la charge de diligenter. Ce que l’on peut en tirer à ce stade encore précoce, c’est une conscience de ce qu’il va falloir mettre les bouchées doubles pour rattraper le retard qui sépare la France et l’Europe des Etats-Unis et de la Chine. Ecosystème inadapté à la véritable émergence d’acteurs signifiants (certains disent même que le vieux continent ne compte que des « crapauds numériques »), anticipation de la mutation du travail, cela fait longtemps que ces problématiques sont discutées, mais l’on se réjouira de voir qu’elles remontent vers les institutions. L’on se réjouira également de voir que l’intelligence artificielle n’est pas uniquement traitée sous l’angle économique mais également éthique et environnemental, signe de ce que la complexité et la diversité de ses enjeux ne sont pas écartées. Bien évidemment, la véritable épreuve du feu aura lieu fin janvier, au dépôt du rapport de mission, et de la présentation de pistes législatives et règlementaires concrètes. Mais d’ici là, et c’est peut-être la magie des fêtes qui produit déjà ses effets, ce bilan permet d’espérer.
#e-commerce
#intermédiairetechnique
#milleetunenuits
Par ordonnance de référé, le TGI de Paris a enjoint aux sociétés du groupe Alibaba, l’Amazon chinois, de mettre en oeuvre des mesures de blocage pour faire cesser la parution d’annonces contrefaisant les marques “Lafuma”. L’on voit donc ici une application classique des critères de l’arrêt CJUE L’Oréal c/ Ebay pour qualifier Alibaba d’éditeur de contenu en considération des prestations d’optimisation d’annonces proposées mais également une illustration de ce qu’il reste possible, pour les titulaires de droits, de lutter efficacement contre la contrefaçon en ligne venant du continent asiatique. Aeon regrettera cependant que ce litige n’ait pas été l’occasion de tenter de mettre en oeuvre des mesures de blocage sur tout le territoire de l’Union Européenne, car toutes les conditions semblaient remplies.
#réseauxsociaux
#snapchat
#mavieen5secondes
#essaiedecopierçazuckerberg
On en parle pas mal chez Aeon, le phénomène de “blackbox” informationnelle est l’un des enjeux de cette décennie. Alors que Google, Facebook ou Twitter peinent à lutter contre les fake news, Snapchat se place en modèle alternatif. En critiquant les algorithmes basés sur les recommandations d’amis, le CEO de Snapchat Evan Spiegel souhaite redorer le blason de sa société qui traine en bourse et dont toutes les nouvelles fonctionnalités sont phagocytées par Facebook dans la foulée. La stratégie sera-t-elle payante ? Un article publié cette semaine par le Monde montre justement que les éditeurs français de contenus sont satisfaits du nombre de vues chez les jeunes, mais pas encore du retour sur investissement. A l’avenir de nous dire si la stratégie Snap est la bonne.
#religion
#IA
#singularité
#desbitcoinspourlaquête
Un article de l’explosif Laurent Alexandre à propos d’une nouvelle église, “Way of the future”, fondée aux Etats-Unis par un ancien employé de Google et d’Uber qui organise la vénération d’une IA toute puissante dont l’avènement serait proche avec celui de la singularité. Dans les années 1880, Nietzsche prononçait la mort de Dieu en constatant, à l’heure où le christianisme battait de l’aile, la perte de vitesse des valeurs supérieures de transcendance. Aujourd’hui, “Way of the future” ne fait que confirmer la préscience sociétale et métaphysique nietzschéenne car il ne faut pas y voir la célébration d’une véritable divinité, semblable à celles des monothéismes historiques, mais, en sous jacence, la simple célébration de l’homme . Car, si la machine est un dieu et qu’elle est créée par l’homme, qu’est-ce que l’homme sinon un super-dieu? Après l’homo sapiens sapiens, l’homo deus deus, dieu est définitivement mort.
#internet
#Régulation
#pasleporno
Dans un discours prononcé à l’occasion de la journée de la lutte contre les violences faites aux femmes, Emmanuel Macron a émis le souhait de voir les pouvoirs de régulation du CSA étendus à internet. Comme à chaque fois qu’il est question de réguler internet, quelqu’en soit la manière, l’on voit poindre à l’horizon l’éternel débat protection vs. liberté d’expression. Alors qu’aujourd’hui, internet est en moyenne consulté aussi longtemps que la télévision est regardée, la volonté est compréhensible, mais l’on s’interrogera cependant sur les modalités de mise en oeuvre d’un tel contrôle sachant qu’à l’inverse de la télévision, le secteur du net est peuplé d’une kyrielle d’acteurs et qu’un simple VPN localisant un appareil en dehors de la France permet aisément de contourner toute restriction territoriale.
#copieprivée
#droitsvoisins
#exceptions
#laRAIcommechezlamamma
La CJUE enfonce le cloud : exit le jeu de l’exception de copie privée pour le service qui propose à ses utilisateurs d’enregistrer pour eux des émissions de télévision italiennes à heure indiquée, dès lors que celui-ci assure lui-même la captation desdites émissions. Autrement dit : l’acte litigieux tient moins ici de la reproduction que de la communication au public, insusceptible de couverture par la fameuse exception. Pas de quoi extrapoler aux services de stockage en cloud de contenus fournis par les utilisateurs eux-mêmes, donc, le raisonnement de la Cour se nouant autour de la captation du signal italien par le service lui-même – difficile pour autour de s’empêcher d’y voir un énième refus, quitte à louvoyer, d’appliquer la copie privée à ces supports d’un nouveau genre.
#voitureautonome
#PI
#secretsd'affaires
#techindustry
#nejamaissortirlatêtedel'eau
Il y a eu du nouveau dans la bataille judiciaire des titans américains. Dans le cadre du procès opposant Waymo, filiale d’Alphabet, et Uber au sujet d’un vol allégué de secret d’affaires de la première par la seconde, il a été découvert tout de go qu’Uber avait créé un département dédié à l’acquisition de business intelligence mais aussi qu’elle avait mis en place un système organisant la suppression de communications clefs pour empêcher qu’elles ne puissent être produites un jour en justice. La révélation est encore trop récente pour être réellement signifiante, car il est in fine question de pratiques usuelles au sein des grands groupes, mais l’on voit mal comment Uber pourra sortir entièrement indemne. Affaire à suivre, donc.
#PI
#followthemoney
#l'europedesidées
Pas de “droit dur” dans ce nouveau paquet IP de la Commission Européenne, mais beaucoup d’informations utiles à destination des législateurs nationaux, des juges et, surtout, des acteurs privés. Que ce soit “en négatif”, par l’harmonisation de la lutte contre la contrefaçon dans et hors de l’Union, ou à l’inverse par une incitation positive à l’investissement dans l’innovation via une politique clarifiée en matière de brevets standards, la Commission affiche en effet une certitude : tout dépend de la coopération et de l’engagement des entreprises européennes concernées. Jusqu’à en encourager, peut-être, les mécanismes de sanction privée dans le cadre de certains contrats..? On y réfléchit, et on vous en parle très bientôt sur Aeon.
#voitureautonome
#vroumvroum
#fast&autonomous
La chambre haute du Parlement français s’empare une fois de plus d’un sujet de nouvelles tech sous la forme d’un rapport d’information, et c’est bienvenu : alors que les prospections n’en finissent pas de se multiplier quant au régime de responsabilité adapté et à la question non moins épineuse des données personnelles, la commission sénatoriale formule ici une série de propositions à la fois affirmées et pragmatiques, afin que ce sujet n’échappe pas à son tour aux économies européennes. Favoriser les tests et la coopération, pousser les positions du (pas si) vieux continent dans le reste du monde : le chantier est vaste – mais à cette lecture, on a envie d’y croire.
#privacy
#géolocalisation
#USA
#pénal
#surveilleretpunir
Back to basics à la Cour Suprême américaine : quelle application donner au 4ème amendement, qui limite les moyens d’investigation en matière pénale, dans le contexte de technologies qui permettent la géolocalisation continue et permanente du suspect ? L’affaire vise “tout simplement” l’accès à des relevés détaillés d’un opérateur téléphonique, qui permettent de retracer l’intégralité des mouvements du titulaire de la ligne concernée, en l’absence du fameux “mandat” cher aux séries US. Pas de décision à ce stade, mais une certitude : les juges suprêmes s’inquiètent, et à juste titre, du trop-savoir des autorités gouvernementales. Quant à la motivation, on voit ressurgir avec intérêt la fameuse théorie patrimoniale de la propriété des données, qui décidément fleurit mieux sur le sol américain que par chez nous.