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Celle qui passe du bon temps – Maj du 05/02/19

L'actu en bref

Cette semaine, Facebook fait à nouveau la une, à la fois avec du positif, comme des plans de lutte contre la désinformation lors des élections européennes (voire même toutes les élections de 2019) ou le détail de sa “cour d’appel”, mais aussi des critiques sur ces mêmes mesures et un énième scandale lié à la vie privée, partagé avec Google. Sinon, ça bouge encore et toujours au sein de l’UE : la Commission publie les résultats des efforts sur la désinformation, et demande plus d’efforts, pendant que l’EDPB validait avec des réserves l’année passée de Privacy Shield, que les institutions s’accordaient en trilogue sur le paquet eCommerce, et surtout, que le Parlement votait pour plus d’auto-transparence. Pendant ce temps, la CNIL a officiellement gagné une présidente, Marie-Laure Denis, et deux nouveaux membres, Anne Debet et Christian Kert, pendant que sa personnalité qualifiée gagnait contre l’OCLCTIC, Google est sous le feu de l’ADLC pour ses pratiques sur AdWords, ça ne va pas bien chez Mounir Mahjoubi, Open Law lance un fonds pour le droit ouvert, le TGI de Paris devient seul compétent pour le référé fake news électorales, le Sénat demande la suspension du projet de loi justice, la Hadopi fait le point sur le piratage et le marché de la legaltech mûrit. Notons surtout une très étonnante et rare procédure de sanction lancée contre trois magistrats de la Cour de cassation pour conflit d’intérêts et de nouvelles règles de la CNIL publiées sur son site web sur la transmission de données de prospection à des tiers. On conclut sur quelques infos croustillantes : l’OCDE avance sur une taxe géants du net mondiale ; la vente de faux followers est poursuivie aux États-Unis (avec en l’occurrence une transaction comme issue), et, d’après JP Morgan, une unité de Bitcoin vaut désormais moins que son coût moyen de minage.

Faites la Maj, et à la semaine prochaine !

Après un an de scandales à tout va (le dernier datant de… cette semaine), d’auditions gênantes devant les représentations nationales, la perte d’utilisateurs actifs aux États-Unis et au Canada pour la première fois de son histoire et des pertes chaotiques en bourse, nous sommes heureux de vous annoncer que Facebook continue à obtenir des résultats financiers mirobolants : les utilisateurs sont de nouveau à la hausse, le revenu par utilisateur l’a également été, ce qui fait que Facebook a déclaré 16,91 milliards de dollars de chiffre d’affaires sur le dernier trimestre 2018, concluant une année de 30,4% de croissance.

La lassitude de la donnée personnelle

Ce succès, aussi insolent que spectaculaire, ne peut pas laisser indifférent. Son interprétation première est assez simple : si malgré les scandales, Facebook continue de croitre, c’est que ceux-ci ne sont pas suffisants pour avoir un effet sur cette croissance. Les leçons à tirer de cet enseignement, elles, sont loin d’être claires. Faut-il continuer à légiférer, réguler, condamner, si cela ne sert à rien la fin de l’année venue ? Est-ce même légitime quand on sait que Facebook compte maintenant 2,2 milliards d’utilisateurs ? À l’heure où l’on s’interroge sur l’opportunité d’un référendum, force est de constater que Facebook a remporté son plébiscite, et l’on pourrait parfaitement construire un argumentaire démocratique en faveur d’une dérégulation du réseau compte tenu de l’expression populaire qui se dégage de ces résultats.

Peut-être est-ce aussi que nous n’avons pas encore réussi, malgré le battage médiatique sur le RGPD et l’explosion du nombre de plaintes, à collectivement nous rendre compte de l’importance de garder un certain contrôle sur notre vie privée et nos données personnelles. La sagesse populaire veut que l’on ne se rende compte de la valeur d’une chose qu’une fois celle-ci perdue : son corollaire est donc que l’on ne réalise pas toujours l’importance de ce que l’on possède. Il est ainsi piquant de se dire que la loi informatique et libertés est née d’un rejet d’un projet gouvernemental de surveillance de masse, et qu’un projet similaire a récemment été concrétisé avec à peine un frémissement : après 40 ans, est-il possible que nous nous soyons lassés de la protection des données personnelles ? Si c’est le cas, il est alors plus essentiel que jamais de garantir l’effectivité des règles qui garantissent nos valeurs et de souhaiter que les géants du net, qui brassent le plus de données et ont surtout les plus grosses capacités de les recouper, soient vertueux.

Du watch time au time well spent

Comme vous l’avez souvent lu dans ces lignes, nous adhérons complètement à la 1ère loi de Kranzberg, qui postule que la technologie n’est ni bonne ni mauvaise, ni neutre : elle est ce qu’on en fait. Cet axiome induit que la technologie ne doit pas être blâmée pour des événements qui sont en fait notre fait. De la même façon, les algorithmes de Facebook ou YouTube ne sont ni bons, ni mauvais, ni neutres, mais simplement le produit des choix de leurs concepteurs. Or, ces choix sont aujourd’hui réalisés afin de maximiser le temps passé sur la plateforme, le watch time, dans l’optique que plus de temps passé = plus de publicité consommée = plus de revenus. Cependant, ce faisant, les algorithmes ont tendance à recommander le contenu le plus controversé, celui qui incitera à consommer encore plus, et si le watch time est bien maximisé, le plaisir du temps passé sur la plateforme, lui, diminue : qui regrettera, sur son lit de mort, de n’avoir pas eu le temps de regarder une vidéo complotiste de plus sur YouTube ? De la même façon, un spécialiste des transports prédit que la voiture autonome créera en fait plus d’embouteillages, puisque pour maximiser les profits, elle n’aura aucune incitation à se garer ou à rouler vite en l’absence de passager.

Dès 2015, un ancien de Google plaidait en faveur d’un changement de paradigme, le passage de la valeur watch time à la valeur time well spent : faire en sorte que la technologie n’ait pas pour but de maximiser le temps passé mais bien la qualité du temps passé à interagir avec la technique. Il serait alors nécessaire pour les entreprises en question de chercher comment à nouveau maximiser leurs profits compte tenu de ce changement de paradigme, le pari étant celui que la maximisation du time well spent sera source d’externalités positives. Et si ce n’est pas le cas, l’intérêt général vaut bien quelques baisses dans les bénéfices d’une société privée, non ?

Le Gif de la semaine


À la semaine prochaine, en n'ayant pas très chaud !