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Celle qui n’a toujours pas adopté la Hadopi – Maj du 02/06/20

L'actu en bref

Cette semaine, on va encore devoir vous parler de sujets un peu évoqués les semaines : la loi Avia contre la haine en ligne et la responsabilité des plateformes du web. Loi visant à lutter contre les contenus haineux en ligne d’abord, parce qu’Aeon a joint sa voix à celle de Wikimédia France, de TechIn France, de la Quadrature du Net et même, fait rarissime, de l’Electronic Frontier Foundation, sans oublier celles des 60 sénateurs à l’origine de la saine : nous pensons en effet que les dispositions de la loi Avia qui réforment le formalisme de la notification aux hébergeurs, et en particulier l’obligation de tenter de communiquer préalablement avec l’auteur des contenus, portent atteinte à la fois au principe du contradictoire et au droit au recours effectif, ce que nous venons de faire valoir aux membres du Conseil constitutionnel dans une contribution que nous publions. Toujours dans le sujet de la responsabilité des plateformes du web, on ne peut pas ne pas dire 2 mots sur le bras de fer Trump-Twitter : alors que le réseau social avait jusque là résisté à agir contre le plus twittos des présidents en exercice, la plateforme au petit oiseau a apposé sur un tweet du président américain une bannière renvoyant vers des “faits” (sous-entendant pas très implicitement que le président avait tweeté des fake news). Quelques jours plus tard, Twitter a franchi une étape de plus en restreignant l’accès à un tweet de Trump (relatif aux événements tragiques de ces derniers jours) susceptible d’attiser la haine. Cela a conduit Donald Trump à adopter un décret présidentiel visant à restreindre l’application de la “clause du bon Samaritain” du régime de responsabilité des hébergeurs américain, qui permet aux réseaux sociaux tels que Twitter de prendre de bonne foi des mesures de contrôle des contenus sans perdre leur régime de responsabilité limitée. Affaire à suivre, sachant que le décret donne également à la FCC, présidée par un proche du président, pour poser les bases d’une réforme du texte, que l’attitude à avoir fait débat parmi les grandes plateformes, Mark Zuckerberg ayant jusqu’à présent tenu bon sur sa position que ce n’est pas à Facebook “d’arbitrer la vérité”, que du côté européen on soutient Twitter et que le sujet est déjà devant les tribunaux américains. Sinon, l’heure tardive de parution nous permet de vous relayer la consultation publique sur le Digital Services Act, qui vient d’être lancée par la Commission ; StopCovid devrait être officiellement là mais semble avoir du retard après avoir été validée par le Parlement et la CNIL mais pas par le barreau de Paris ; la CNIL irlandaise prépare une première décision (très attendue #mieuxvautdeuxansaprèsquejamais) contre Twitter ; la personnalité qualifiée de la CNIL rend son 5ème rapport ; un sondage IFOP mené à la demande de Doctrine donne des billes sur l’effet de la crise sur la transformation numérique de l’activité des professionnels du droit. On se quitte sur une minute spatiale, SpaceX étant devenue la première entreprise privée à transporter des humains dans l’espace – on en profite pour vous laisser avec ces deux infos capitales : l’urine humaine sera essentielle à la vie sur la Lune et le sexe dans l’espace, c’est probablement très compliqué. Pour savoir si ces infos vous seront utiles, rendez-vous sur ce splendide simulateur d’amarrage à la station spatiale internationale.

Faites la Maj, et à la semaine prochaine !

À presque onze ans (le 12 juin prochain !), la Hadopi en est à peine à sa pré-adolescence, mais elle a pourtant connu déjà bien des crises. La récente décision du Conseil constitutionnel sur cette AAI polémique est l’occasion de nous pencher sur les débats qui l’entourent depuis sa naissance, toujours à la croisée de plusieurs droits et libertés de nature fondamentale.

Le projet de naissance

On retrouve à l’origine du projet Hadopi la lutte centrale des premières années d’avènement d’Internet, celle entre ses créateurs et premiers utilisateurs, mus par une envie de décloisonner les échanges de tous types, y compris culturels, et les titulaires de droits de propriété (intellectuelle), bien décidés à les faire valoir y compris sur les réseaux de télécommunications, quels qu’ils soient. La Hadopi est née du postulat que ces deux positions étaient inconciliables, et du choix de défendre les droits de propriété intellectuelle.

Cependant, dès les débats autour de la grande sœur de la loi Hadopi, la loi Dadvsi de 2006, une proposition de nouveau mode de gestion des droits promettait de permettre un compromis entre libre consommation et juste rémunération des ayants droit : la licence globale. Son principe général est simple : imposer une taxe (a priori, sur tous les abonnements Internet) pour en redistribuer le montant aux ayants droit au pro rata du téléchargement de leurs œuvres. Largement inspirée du fonctionnement de la redevance pour copie privée, la licence globale avait ainsi pour but de rendre licite le partage et le téléchargement massif d’œuvres en prenant le contre-pied de la réflexion jusque là : plutôt que de vouloir limiter et contrôler la diffusion de chaque copie d’une œuvre sur un réseau numérique, ce qui reviendrait à tenter de repousser un tsunami avec ses mains, il s’agissait d’accompagner la vague pour surfer dessus et en tirer autant de bénéfices que possible.

La proposition n’a cependant pas su convaincre l’industrie culturelle, et le résultat est donc notre petite Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet, dont l’objectif premier reste la lutte contre le téléchargement non autorisé via la fameuse “riposte graduée“. Rétrospectivement, le rejet de la licence globale par l’industrie culturelle prête à rire jaune : en 2018, le streaming représentait 47% des revenues de l’industrie musicale. Permettre l’accès à un catalogue virtuellement illimitée pour une somme modique prélevée mensuellement, le principe des services de streaming rappelle étrangement le principe de la licence globale – qui sait, si les débats s’étaient déroulés autrement, peut-être que Spotify serait en fait un service d’État !

Les disputes parentales du début

La riposte graduée, en ce qu’elle consiste à identifier de potentiels auteurs de téléchargement non autorisé et leur notifier par email puis par courrier la commission de l’infraction, est par essence sujette à polémiques : si l’on comprend le bon sentiment sur laquelle elle se fonde (une forme de droit à l’erreur permettant de redresser la barre et de ne pas être sanctionné immédiatement), elle implique de surveiller les réseaux et d’obtenir, outre les coordonnées des personnes concernées, des données d’usage d’Internet.

La principale pierre d’achoppement des débuts de la Hadopi a cependant été autre : à l’origine, le projet de loi prévoyait de permettre à la Haute autorité de suspendre l’accès à Internet des personnes en infraction à l’issue de la dernière étape de la riposte graduée. Dans le débat entre défenseurs d’un Internet libre et ouvert et ayants droit, le législateur avait ainsi tranché, allant même jusqu’à empêcher d’accéder à Internet s’il le fallait.

Le Conseil constitutionnel a ainsi eu une première occasion de se pencher sur le cas Hadopi lors de la saisine a priori, pour proclamer dans une décision essentielle pour le droit du numérique “qu’en l’état actuel des moyens de communication et eu égard au développement généralisé des services de communication au public en ligne ainsi qu’à l’importance prise par ces services pour la participation à la vie démocratique et l’expression des idées et des opinions, ce droit implique la liberté d’accéder à ces services“. Tout en proclamant ainsi un droit d’accès à Internet découlant de la liberté d’expression (et en censurant donc la faculté confiée à une AAI de suspendre ce droit sans intervention judiciaire), le Conseil constitutionnel a validé l’essentiel du dispositif Hadopi, qui naissait peu de temps après, dans une ambiance délétère.

La crise de pré-ado

La vie de la Hadopi depuis n’a pas été un long fleuve tranquille : critiques sur son efficacité, surtout au regard de son budget, menaces de suppression, et désormais perspective de fusion avec le CSA, la Haute autorité continue à ne pas laisser indifférent.

Surtout, le débat continue sur la proportionnalité du dispositif de riposte graduée et ses implications au regard de l’objectif poursuivi, en particulier à l’ère post-Snowden et RGPD. C’est dans ce contexte que la Quadrature du net a remis sur le tapis le sujet de la proportionnalité du dispositif au regard du droit à la vie privée et à la protection des données personnelles. Pour ce faire, elle a d’abord demandé au Premier ministre d’abroger le décret régissant le traitement de données personnelles nécessaire pour l’activité de sanction de la Hadopi. Le Premier ministre n’ayant pas répondu à cette demande, la Quadrature a saisi le Conseil d’État d’une demande d’annulation de ce rejet implicite de sa demande, et en a profité pour poser une QPC relative à la constitutionnalité des pouvoirs d’enquête de la Hadopi, arguant que l’atteinte que ceux-ci portent à la vie privée était disproportionnée par rapport aux objectifs poursuivis, la lutte contre la contrefaçon.

Par sa décision, le Conseil constitutionnel parvient magistralement à censurer des dispositions et donner raison à la Quadrature tout en ne changeant absolument rien pour la Hadopi : le Conseil constitutionnel considère que la faculté pour la Hadopi de se faire communiquer “tous documents” est disproportionnée, et limite les données qu’elle peut demander aux fournisseurs d’accès à Internet aux seules coordonnées de la personne concernée (identité, adresse postale, adresse électronique, numéros de téléphone). C’était cependant déjà la pratique de la Haute autorité, qui se considère confortée dans sa mission. Beaucoup de bruit pour peu de changements : une véritable crise de pré-ado pour la Hadopi, dont nous continuerons à suivre la tumultueuse croissance.

Signé Aeon


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Loi contre la haine en ligne : contribution extérieure d’Aeon à la saisine du Conseil constitutionnel

La loi visant à lutter contre les contenus haineux sur Internet a été adoptée en lecture définitive par l’Assemblée nationale le 13 mai 2020 et a fait l’objet d’une saisine du Conseil constitutionnel par 60 sénateurs. Aeon avait déjà soulevé des questions relatives aux enjeux soulevés par ce texte dans deux éditos de la Maj (ici et ). Après avoir pris connaissance des arguments portés par la saisine des sénateurs, mais aussi des contributions extérieures de Wikimédia, LQDN, l’EFF et TechIn France, il nous a semblé que nous pouvions utilement les compléter. En effet, nous pensons que les dispositions de la loi Avia qui réforment le formalisme de la notification aux hébergeurs, et en particulier l’obligation de tenter de communiquer préalablement avec l’auteur des contenus, portent atteinte à la fois au principe du contradictoire et au droit au recours effectif, ce que nous venons de faire valoir aux membres du Conseil constitutionnel dans une contribution que nous publions.

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Le Gif de la semaine


À la semaine prochaine, en espérant que le skate valait le coup !