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Celle qui combat d’autres virus – Maj du 31/03/20

L'actu en bref

Cette semaine, bien qu’également soumise à des mesures d’exception et en quasi-arrêt, la justice nous a offert quelques décisions qui valent le détour : dans une décision en 6 paragraphes, le Conseil constitutionnel a tranquillement considéré que les circonstances exceptionnelles pouvaient justifier à une dérogation à la procédure d’adoption d’un projet de loi organique, pourtant inscrit dans la Constitution ; le Conseil d’État a rendu 3 nouvelles ordonnances de validation de la politique actuelle, tandis que le TA de Guadeloupe a fait l’inverse et a enjoint au CHU de Guadeloupe de passer commande de chloroquine ; ce qui fait que la décision du Conseil d’État annulant l’amende de la CNIL contre Google en application de l’arrêt de la CJUE de septembre dernier en passerait presque inaperçu.

Sinon, ça fait deux semaines qu’on sent le sujet monter – c’était même le sujet de l’édito de la semaine dernière : les libertés individuelles sont-elles le prix de la lutte contre le coronavirus ? La mayonnaise a pris et cette semaine, c’est un tsunami d’articles sur le sujet qui s’est abattu sur nous, en voici un petit florilège : Jean-Baptiste Jacquin du Monde qui note la dérogation à la Constitution ; l’excellent New York Times qui note le recul de la protection de la vie privée et prévient que les mesures peuvent rester ; même constat chez The Economist et la MIT Tech Review ; NewStatesman parle de bio-surveillance mais c’est notre ami le très excellent Adrien Basdevant qui parle de biopouvoir et de Foucault – nous en parlions d’un point de vue concurrence il y a 3 mois, une éternité ; l’avocat Benjamin Pitcho s’interroge sur la nécessité du régime d’exception dans le Figaro ; le Défenseur des Droits en fait de même sur franceinfo ; Yuval Noah Harari fait le même constat dans le Financial Times ; et l’on peut aussi citer Telerama, un autre article du Monde ou encore Libé. Reste à voir si cette mobilisation aura un effet ou non.

En d’autres news, mais toujours sur l’épidémie de COVID-19, les prêts garantis pour l’État pour la trésorerie des entreprises commencent à être accordés ; Bercy recense aussi les mesures dédiées aux startups et les offres pour permettre aux commerçants de passer au 2.0 et ajouter un “e” à leur métier ; l’épidémie donne lieu à des cyberattaques (les hôpitaux de Paris ont d’ailleurs été touchés) et Forbes fait le point sur les “cyber-pompiers”, cf sujet de l’édito ; le New York Times publie un splendide travail de dataviz pour expliquer comment le virus s’est propagé ; l’arrivée du virus en Afrique fait craindre le pire ; le Canard Enchainé se publie pour la première fois en ligne ; Google annule ses blagues du 1er avril à cause du coronavirus ; la CNIL annonce se pencher en priorité sur les demandes d’autorisation de recherche et reporte sine die sa délibération définitive sur les cookies.

Enfin, on note la parution du décret Datajust qui permet l’utilisation d’intelligence artificielle pour créer une nomenclature de l’indemnisation du préjudice corporel sur la base des données des décisions de justice ; une action d’Uber contre la ville de Los Angeles pour ne pas avoir à lui donner ses données d’utilisation ; et le choix de Qwant pour remplacer Google sur le nouveau Huawei. On se quitte avec deux idées d’occupation, faire un cours d’informatique pour juristes donné par Harvard ou regarder des pièces de la Comédie Française diffusées tous les soirs sur son site Internet, et on vous laisse sur des pochettes d’album remaniées pour respecter les distances de sécurité, un site bien rigolo pour savoir quand vous allez craquer, un autre pour savoir où vous pouvez partir, et les conseils de la ville de New York pour avoir des relations sexuelles COVID-friendly.

Faites la Maj, restez chez vous, et à la semaine prochaine !

Alors que vient de s’achever la deuxième semaine du confinement national, que l’on a appris, sans grande surprise, que celui-ci était là pour durer et que vous êtes désormais rompus à la représentation graphique des fonctions exponentielles, nous espérons, avant toute chose, que vous et vos proches vous portez bien.

Le Covid-19, ainsi qu’évoqué par le premier ministre ce weekend, révèle le côté lumineux de l’humanité avec toutes les formes de solidarité qui s’organisent mais également son côté obscur. Car, en ces temps difficiles et tandis que l’attention du monde entier est focalisée sur la gestion de la pandémie, la tentation d’un individualisme sombre est grande. Aussi, certains voient dans le chaos mondial, une opportunité de pousser leurs intérêts ou de jouer un coup. Théorie des jeux oblige, chaque acteur peut être tenté de laisser les autres prendre à leur charge le coût de la coopération et de la résolution de la crise, dont il bénéficierait, et gagner un avantage en faisant cavalier seul. Juste avant-hier, des missiles ont été interceptés au-dessus de la capitale de l’Arabie saoudite alors que les Nations-Unis avaient demandé à ce que soit respecté un cessez le feu mondial. Au matériel comme à l’immatériel, le Covid-19 n’a pas engendré l’interruption de l’activité cybercriminelle.

Un risque accru de cyberattaques

La pandémie actuelle laisse de nombreux acteurs dans un état de particulière vulnérabilité. Les entreprises, tout d’abord, en ce que le fait même qu’une quantité plus importante de leurs collaborateurs travaillent à distance génère un risque cyber accru mais également parce que nombre d’entre elles ont dû s’adapter dans la précipitation sans vérifier la sécurité de leurs dispositifs de télétravail. Les particuliers également, en ce qu’il est possible d’exploiter la crainte générée par le Covid-19 et la prévisibilité de nos comportements à son égard. Ainsi, une entreprise de sécurité informatique estime-t-elle que le risque qu’un terminal soit infecté d’un logiciel malveillant en consultant un nom de domaine associé au coronavirus est augmenté de 50% comparé aux autres noms de domaine. Ainsi encore de cette autre entreprise qui a révélé que certains sites de visualisation de l’évolution de la pandémie téléchargeaient silencieusement un programme sur les terminaux des internautes pour siphonner leurs données.

Enfin, les entités publiques, et en particulier dans le domaine de la santé alors qu’elles déplacent la quasi-totalité de leurs ressources dans la prise en charge des patients, la recherche, la gestion effective de l’épidémie ou l’assistance à la population, sont également particulièrement exposées. Il y a deux semaines, l’un des plus gros hôpitaux et laboratoires de test sur le Covid-19 de République Tchèque a dû éteindre tout son système d’information et repousser toutes ses opérations chirurgicales urgentes à la suite d’une cyberattaque. De même, le Département de la santé et des services sociaux américain a récemment été la cible d’une tentative d’attaque par déni de service. Plus récemment et proche de nous, l’APHP a été victime d’une attaque similaire, sans pour autant (et heureusement), que son infrastructure soit affectée.

Ces comportements, sur lesquels nous nous accorderons bien volontiers pour dire qu’ils sont tellement scandaleux qu’on en retournerait, au moins, notre table de rage

ノಠ益ಠ)ノ彡┻━┻

nous invite à s’interroger sur la possibilité même qu’il puisse y avoir, dans le monde de la cybercriminalité, une éthique.

De l’évanescence de l’éthique dans la cybercriminalité et de la force de celle dans la cybersécurité

Bleeping Computers, un media en ligne, particulièrement bien connecté il faut l’avouer, a pris l’initiative de demander aux grands groupes de cybercriminels dans le domaine du ransomware (rançongiciel pour les toubonnistes) s’ils continueraient de cibler les hôpitaux et autres organismes de santé publique pendant la pandémie. La totalité des groupes ayant répondu à cette sollicitation ont soit indiqué qu’ils ne ciblaient jamais les hôpitaux, house policy, soit, à tout le moins, qu’ils s’interdiraient de le faire tant que la crise sanitaire mondiale ne serait pas passée, certains d’entre eux allant même jusqu’à affirmer qu’ils fourniraient gratuitement une clef de décryptage aux organismes éventuellement atteints par accident ou ricochet.

S’il est, quelque part, heureux de constater que ces organisations affichent une telle position, rien ne permet de déterminer les motivations véritables qui les animent. Une vision optimiste pourrait nous amener à considérer que, même chez les cybercriminels, il existerait un certain nombre de limites morales infranchissables dont le fait de ne pas empirer une crise sanitaire mondiale ferait partie. Une autre, plus économique et real politik que la première, relèverait que les black hats sont certes mués par le profit individuel, mais également par un instinct de survie. Et, en effet, quoi de plus dangereux pour un hacker, en cette période de pandémie, que de s’attaquer à l’objet qui concentre actuellement tous les efforts des Etats, au risque de susciter une réponse massive de ces derniers pouvant aller jusqu’à la mobilisation de l’élite de leurs forces spéciales ?

Que l’on soit plutôt chèvre ou chou, toujours est-il que nous ne pourrons jamais savoir si ces organismes tiendront parole, que tous les acteurs de la cybercriminalité agissent selon des équilibres coûts/bénéfices et des systèmes de valeurs différents les uns des autres, et que, de fait l’on constate que les cyberattaques n’ont pas cessé avec le développement du Covid-19 (si vous pensez Chine, Corée du Nord ou Russie, vous n’êtes pas seul).

Mais, comme les règles basiques de narration l’imposent, pour toute histoire où il y a des très méchants, il faut aussi qu’il y ait des très gentils. Ces très gentils, ce sont ces 400 experts en cybersécurité de 40 pays différents qui se sont portés récemment volontaires pour former la Covid-19 CTI League, dont le but est de collaborer pour tenter de neutraliser toute cybermenace qui chercherait à exploiter les bouleversements engendrés par la pandémie et de protéger en premier lieu les établissements de santé et autres infrastructures essentielles.

Si la menace du virus plane, dans la rue comme sur Internet, vous pourrez vous rassurez à l’idée qu’aux côtés de nos bienfaiteurs qui se battent sur le plancher des vaches, d’autres œuvrent à les couvrir du cyberespace.

Le Gif de la semaine


À la semaine prochaine, avec d'autres tours de magie !