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Celle qui ne se laissera pas terroriser – Maj du 19/03/19

L'actu en bref

Cette semaine, le web a eu 30 ans, l’occasion de comprendre la distinction entre Internet et le web, et de faire une petite rétrospective. Sinon, c’est la guerre entre Spotify et Apple : Spotify a annoncé avoir déposé une plainte pour abus de position dominante auprès de la Commission Européenne, Apple a rétorqué qu’il n’y a rien à voir, circulez, et Spotify a renchéri dans la presse et sur un site dédié. Il va sans dire que la bataille qui s’annonce façonnera de manière durable le futur des App Stores. En parlant d’abus de position dominante, la rumeur voudrait qu’une nouvelle amende record soit en préparation contre Google, cette fois pour son service AdSense. Toujours sur le sujet des brouzoufs, le projet de taxe GAFAM française fait des remous outre-Atlantique, et Legalstart est en cours de levée de 15 à 20 millions d’euros (le record pour les legaltech). Notons également la modification par Boeing du software de ses 737 Max à la suite des récents drames, une action en diffamation par l’un des instigateurs du scandale Cambridge Analytica contre Facebook, la création d’une voix artificielle de genre neutre, la révélation d’un secret de polichinelle de l’industrie que l’entrainement d’algorithmes de reconnaissance faciale se fait probablement sur vos (oui vous) photos, un nouveau record du monde de calcul des décimales de Pi et une statistique intéressante : la majorité des couples américains se seraient rencontrés en ligne. Chez nous, soulignons les inquiétudes sur les traitements de données personnelles dans l’éducation, une proposition de résolution commune européenne sur “les menaces pour la sécurité liées à la présence technologique croissante de la Chine dans l’Union et les actions possibles à l’échelle de l’UE pour les réduire“, le plan d’action relatif à la justice en ligne européenne jusqu’en 2023, des outils créés par Etalab pour accompagner l’administration sur l’utilisation d’algorithmes publics, des pistes de régulation des médias par Franck Riester, un MOOC RGPD gratuit par la CNIL, et un hackaton sur les données du Grand Débat. On se quitte sur une explication de ce qu’est l’ASMR pour que vous puissiez briller ce soir au diner.

Faites la Maj, et à la semaine prochaine !

Le vendredi 15 mars, un ultra d’extrême-droite a ouvert le feu dans deux mosquées de Christchurch, Nouvelle-Zélande, assassinant au moins 48 personnes prises par surprise en pleine prière. Comble de l’abjection, le terroriste a retransmis ses actes en direct sur Facebook, après avoir préalablement diffusé sur plusieurs réseaux sociaux un document intitulé “Le grand remplacement” afin de s’expliquer et d’inciter à la commission d’autres crimes racistes. En complément des questions sociétales que cet événement doit poser (notamment sur le port d’armes, la lutte anti-terrorisme et la gestion des conflits liés à l’immigration), il convient de s’interroger sur le rôle des réseaux sociaux.

L’homme qui murmurait à l’oreille des réseaux

Le but autoproclamé de Facebook est de nous permettre de “rester en contact avec les personnes qui comptent dans notre vie”. En pratique, cela passe bien sûr par la messagerie privée, les groupes, les événements, et la fameuse newsfeed, le fil contenant les contenus les plus susceptibles de vous intéresser. Il y a là un choix, un parti-pris de Facebook, mais aussi de la plupart des réseaux sociaux, qui consiste à proposer un espace de publication libre sans modération a priori, à la manière des forums des années 2000. Les réseaux sociaux sont ainsi, en théorie, des espaces de liberté, où la censure n’intervient que de manière réactive, et où les contenus ne sont donc pas analysés de manière systématique. Une autre conséquence de cette liberté est que le réseau ne peut se contenter de présenter les contenus par ordre ante-chronologique : puisque la publication est libre et régulière, un tri est nécessaire afin de faire remonter les informations qui “comptent” et ne pas les perdre dans le bruit du reste de la plateforme.

Concrètement, la news du mariage de votre frère/sœur postée 5 heures avant que vous ne vous connectiez à Facebook est plus importante que la photo de cheesecake d’une connaissance croisée en soirée il y a 3 ans mise en ligne il y a deux minutes, qui est ce que vous verriez si le classement était chronologique (bien sûr on espère que votre frère/sœur vous appellera pour vous annoncer la nouvelle). C’est donc au réseau de réussir à vous présenter d’abord le contenu le plus important, en se basant sur des indices comme la “viralité”, la rapidité et l’importance avec laquelle un contenu se diffuse de personne en personne et reçoit des interactions des personnes qui le visualisent. Le contrecoup est évidemment que les dérives en sont facilitées, comme le démontre l’attentat de Christchurch : l’algorithme de tri va bien entendu favoriser des contenus tels que ceux de l’auteur de l’attentat, puisque ces contenus vont forcément susciter de très fortes réactions. Ajoutez à cela une pincée de hashtags et autres buzzwords et vous avez conquis le web. Il est ainsi aisé d’abuser de la liberté et du tri algorithmique pour diffuser des images et des idées nauséabondes, et ce de par la nature même des réseaux sociaux.

Celle qui se pose des questions

Si l’on se tourne vers l’avenir, quelles conséquences tirer de ces constats ? La question est sociétale, et relève d’une balance d’intérêts à la source de la plupart des conflits politiques : plus de sécurité ou plus de libertés ? Si l’on souhaite, collectivement, prévenir la communication de tels contenus, il est impératif que les réseaux sociaux censurent les contenus à la source. C’est déjà partiellement le cas, la plupart des grands sites étant équipés d’algorithmes de filtrage lors de la mise en ligne capables de détecter certains types de contenus (pédopornographie, terrorisme) – la loi impose d’ailleurs un “concours à la lutte” contre certaines infractions. Lorsqu’un contenu passe entre les mailles du filet, force est d’admettre que les géants du net sont désormais capables de réactivité : Facebook affirme ainsi avoir supprimé 1,5 millions de vidéos des actes de Christchurch, dont 1,2 millions lors de l’upload. Malgré ces efforts, le mal a cependant été commis, et c’est donc bien l’équilibre général de notre système qui est remis en question : souhaite-t-on faire des intermédiaires du net des censeurs lors de la mise en ligne, en imposant une obligation générale de surveillance et une obligation de résultat, quitte à perdre toute liberté d’expression ?

On en parlait la semaine dernière, Zuckerberg a déjà annoncé une transition visant à mettre de côté la newsfeed pour passer à des échanges plus recentrés et plus privés. Il est possible qu’un tel changement entrainera déjà une réduction de la viralité des contenus, mais pour la seule raison qu’on aura en fait abandonné l’échange public, et des exemples récents en Inde semblent indiquer que même les conversations privées peuvent donner lieu à des échanges viraux. Une autre possibilité de solution est l’accroissement des liens entre autorités publiques et géants du net : en France, l’OCLCTIC peut déjà bloquer des contenus terroristes, sous le contrôle d’une personnalité qualifiée de la CNIL. La proposition n’est cependant pas totalement satisfaisante, notamment parce qu’elle ne concerne qu’une poignée d’acteurs de bonne volonté. Une réflexion commune est donc nécessaire pour déterminer comment aller de l’avant, en n’oubliant jamais qu’au-delà des dérives permises par le web, ce n’est que grâce à cette technologie que vous nous lisez aujourd’hui.

Le Gif de la semaine


À la semaine prochaine, avec de bons appuis !