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Celle dont ce n’est pas la dernière saison – Maj du 07/05/19

L'actu en bref

Cette semaine, Israël a annoncé avoir commis une frappe aérienne en réponse à une cyberattaque, ce qui constituerait une première dans l’Histoire dont on se serait évidemment passés, mais qui n’en reste pas moins extrêmement intéressante à méditer. La transition n’est pas aisée, mais il convient de noter également un certain nombre de nouvelles du monde de la tech : Spotify dépasse la barre des 100 millions d’abonnés, la startup de coworking WeWork lance son entrée prochaine en Bourse, Google permettra prochainement de programmer automatiquement la suppression de certaines données au bout de quelques mois, raté pour SpaceX dont la capsule Dragon (qui est censée transporter des humains) a explosé en vol, Assange a été condamné à 50 semaines de prison, Facebook permettra à des chercheurs indépendants d’accéder à ses données pour mesurer l’impact sur la démocratie, et Huawei contre-attaque en accusant les US de porter atteinte à la souveraineté européenne – notons d’ailleurs le limogeage du Ministre de la Défense britannique après les leaks sur le compromis anglais sur le cas Huawei, qui a suscité l’ire de leurs cousins d’outre-Atlantique. En ce qui nous concerne, on parlera de la sanction de l’AMF contre Iliad pour infraction boursière, de la possibilité prochaine de faire des pétitions en ligne à l’Assemblée nationale et du nouveau record de l’inflation législative, bien que les textes soient mieux appliqués aujourd’hui qu’avant, à l’exception de l’open data des décisions de justice, ce qui fait une excellente transition avec notre dernier sujet, le fait que la France est dernière en ce qui concerne l’ouverture de la justice d’après l’UE. On se quitte sur un petit site marrant, le nombre de jours depuis le dernier scandale de Facebook, les nouveaux mots de vocabulaire franchouillards pour parler de trucs tech, un site psychédélique pour générer des portraits et un poème à partir d’un mot et de votre tête, et un petit article qui parle de la feuille de route d’Open Law, sur laquelle figure vos honorables serviteurs pour un chouette projet, un procès fictif sur la privatisation de la justice. Intéressé(e) ? Contactez-nous !

Faites la Maj, et à la semaine prochaine !

Le succès d’une bonne série d’heroic fantasy (c’est la période de Game of Thrones après tout) dépend tout autant de ses personnages principaux que de ses méchants : on se souviendra longtemps de Ramsay Bolton ou de Joffrey Baratheon, pas vraiment de Meryn Trant. Il semble que les États-Unis aient récemment trouvé le grand méchant de leur propre série : Huawei. Plongée dans l’intrigue du feuilleton du moment, Game of 5G.

Épisode pilote : posons les bases

C’est un secret de polichinelle que les États-Unis et la Chine sont engagés depuis près de deux décennies dans une cyberguerre d’espionnage économique d’une très grande ampleur, sur laquelle s’appuie la guerre commerciale actuelle. Les États-Unis accusent régulièrement la Chine de tenter de (ou de réussir à) s’introduire dans le systèmes informatiques de ses entreprises, pour en voler les secrets commerciaux et les innovations technologiques. La Chine se défend le plus souvent en pointant le manque de preuves et la portée géopolitique de ces accusations : quoi de mieux pour continuer à asseoir une hégémonie culturelle que de liguer l’Occident contre le grand méchant de l’Orient ?

Voilà les prémisses de notre show, faisons maintenant entrer Huawei (prononcer le “h” en expirant, puis ou-a-ou-ey de “hey !”). Fondée en 1987 par un ancien officier de l’Armée populaire de libération, la société est à la fois l’un des plus grand producteurs de smartphones au monde (en nombre de ventes, Huawei est deuxième après Samsung et avant Apple) et l’un des plus grands équipementiers et constructeurs de réseaux de télécommunications. L’entreprise emploie aujourd’hui plus de 170 000 salariés et opère dans plus de 170 pays, en prestant ses services pour la majorité des grands opérateurs télécoms mondiaux. Nous sommes donc face à un véritable géant du numérique, dominant à la fois en B2B et en B2C : le profil idéal pour un méchant.

Si les craintes des États-Unis ne sont pas récentes, elles se sont cristallisées il y a peu autour du développement du prochain réseau de télécommunications mobiles, cinquième génération, communément nommé 5G. Le réseau 5G est censé permettre à nos équipements mobiles d’atteindre des vitesses de connexion de très haut débit, et donc de permettre la réalisation d’un monde véritablement connecté où tous les objets communiquent pour fluidifier le reste de l’activité humaine. Huawei est aujourd’hui l’une des rares entreprises déjà prêtes à déployer le nouveau réseau, et est clairement la moins chère. Vous voyez venir le scénario ?

Fin de la première saison : cliffhanger

Il est clair que notre héros (les États-Unis) ne peut pas laisser plus se développer le méchant, surtout auprès de ses alliés européens qui sont probablement trop naïfs ou pas assez compétents (rayez la mention inutile) pour déceler les véritables intentions de Huawei : équiper le plus de pays possible tout en installant des backdoors, des failles intentionnelles connues seulement de Huawei, afin de permettre à la Chine d’accéder à l’ensemble des données échangées via la 5G, et donc de changer d’échelle dans le domaine de l’espionnage industriel. Bien entendu, ces craintes sont loin d’être injustifiées : on sait bien que les entreprises chinoises sont tenues bien bridées par le gouvernement, qui parvient même à faire plier les GAFAM – on se souvient des projets de censure de Google pour être accepté en Chine. D’une manière plus générale, le droit chinois permet au gouvernement d’obtenir la communication de toutes données à des fins de contre-espionnage. Les enjeux géopolitiques du hardware sont ainsi bien réels : on oublie trop souvent qu’Internet et le monde numérique, bien qu’immatériels, dépendent entièrement d’une infrastructure physique bien réelle et qui fait l’objet de toutes les convoitises. Contrôler l’infrastructure, c’est pouvoir contrôler le réseau, et il est légitime pour notre héros de vouloir éviter la captation de ses données et de celles de ses alliés, surtout quand on ne sait pas jusqu’où vont les liens de Huawei avec le gouvernement chinois – rappelons-nous que son CEO et cofondateur était un ancien officier militaire.

Au fur et à mesure de la saison, notre série s’emballe : de simple méfiance, les doutes de notre héros se sont transformés en certitude qui a conduit à l’édiction d’un mandat d’arrêt international contre la DAF de Huawei, arrêtée au Canada l’hiver dernier et en cours de bataille judiciaire pour éviter l’extradition aux États-Unis. Récemment, c’est la fuite dans la presse britannique que le Royaume-Uni ne comptait pas fermer ses portes à l’équipementier chinois, mais l’utiliser pour certaines parties peu sensibles du réseau, qui a de nouveau suscité l’ire de notre héros : tapant du poing sur la table, il a promis de ne plus échanger avec tout allié qui aurait recours aux services du méchant, et ce pendant que le Ministre de la Défense britannique était promptement limogé. Notre saison se termine sur le rappel de la révélation il y a maintenant 6 ans par un lanceur d’alertes américain que notre héros, si prompt à décrier les pratiques de cyberespionnage chinoise, avait lui-même implanté des backdoors au sein de ses propres géants du numérique, permettant une surveillance mondialisée de l’ensemble de ses alliés. Le véritable héros de notre série est ainsi révélé : notre bonne vieille Europe. Prise entre Charybde et Scylla, elle est confrontée à un choix entre deux maux : vaut-il mieux se faire espionner par les États-Unis ou par la Chine ? La suite à la prochaine saison.

Le Gif de la semaine


A la semaine prochaine, parce que pourquoi pas ?