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Celle qui cherche la solution – Maj du 12/05/20

L'actu en bref

Cette semaine, on va peu à peu se déconfiner, comme notre institution judiciaire dont le plan de relance est dévoilé… ou pas si vous travaillez chez Google ou Facebook, confinés jusqu’en 2021, ou si vous ne travaillez plus chez AirBnB, qui licencie un quart de ses salariés. Toujours dans notre rubrique confinement, on enchaine avec un petit erratum : la semaine dernière, on mentionnait un vote symbolique du Sénat, qui a rejeté le plan de déconfinement du gouvernement et non pas la loi de prorogation de l’état d’urgence comme nous l’avions indiqué – loi de prorogation qui a d’ailleurs été globalement validée par le Conseil constitutionnel. Autres points COVID-19 : on fait le point sur les attestations de déplacement dérogatoire ; la France est de plus en plus seule dans ses choix techniques pour StopCovid, qui devrait sortir aux alentours du 2 juin, mais reste moins seule que l’Inde, qui impose le recours à son app nationale ; ce petit rappel de la CNIL sur ce que les employeurs peuvent et ne peuvent pas faire n’est probablement pas de refus ; le gouvernement a supprimé sa page “désinfox coronavirus” à la suite du tollé qu’elle a généré ; et la reconnaissance faciale est en test à Châtelet-les Halles pour détecter si le masque est porté (mais pas détecter qui sont les individus le portant). Sinon, pas mal d’infos dans le monde de la tech : abandon du gigantesque projet de smart city de Google à Toronto ; Amazon qui se pourvoit en cassation contre la confirmation en appel de sa sanction sur la gestion de la crise sanitaire dans ses entrepôts tout en subissant un départ tonitruant d’un VP mécontent du limogeage de critiques internes ; en plus de faire également partie des entreprises de la tech licenciant massivement, Uber et Lyft doivent faire face à une action en justice de l’État de Californie pour non-conformité avec sa loi qualifiant de salariés la plupart des indépendants ; Facebook a dévoilé les 20 premières têtes de sa Cour suprême, et c’est peu dire que le casting est prestigieux et intéressant ; la legaltech ROSS est accusée de vol de données par Thomson Reuters ; TikTok va faire l’objet d’une enquête par la CNIL néerlandaise ; la loi de Moore est morte, vive la loi de l’efficience – l’optimisation des algorithmes d’IA permet de diviser par 2 tous les 16 mois la puissance de calcul nécessaire pour entrainer de nouveaux modèles ; et Elon Musk refait le buzz en menaçant de sortir Tesla de Californie si la société n’est pas autorisée à se déconfiner en avance et en souhaitant donner un nom pour le moins exotique à son nouveau bébé (habituellement on fait pas trop dans le people mais là…). On se quitte avec une petite touche juridique : intéressante plongée dans les conséquences d’une récente décision coup de tonnerre de la plus haute juridiction allemande, qui s’oppose frontalement à la CJUE et à la BCE et qui force la présidente de la Commission européenne à menacer de sanctions son pays d’origine ; l’EDPB sort des guidelines sur le consentement dans le RGPD qui enfoncent un clou de plus dans le cercueil des cookies walls ; et la loi Avia contre la haine sera vue en lecture définitive demain 13 mai. On se quitte sur The Office en conversations Slack et sur une chasse d’eau pendant une plaidoirie par téléphone devant la Cour Suprême des États-Unis.

Faites la Maj, et à la semaine prochaine !

Après presque deux mois, nous sommes désormais à nouveau autorisés à pointer le bout de notre nez dehors sans attestation sur l’honneur. Pour beaucoup d’entre nous, le déconfinement ne va cependant pas être très marquant : le télétravail reste privilégié s’il est possible, et les mesures de sureté de base nous incitent à limiter nos déplacements et rencontres. Il n’en reste pas moins qu’une nouvelle étape est franchie dans notre lutte contre le COVID-19, qu’on peut collectivement s’en féliciter, et qu’on peut nous aussi commencer à penser au “monde de demain“.

Demain n’est pas pour aujourd’hui

L’expression est arrivée très tôt dans le débat public, pour faire office de lumière au bout du tunnel et nous permettre de tenir le confinement : l’épreuve n’est que temporaire puisque le monde de demain est à quelques pas de là. Désormais déconfinés, le monde de demain nous attend dans l’ère post-COVID-19, dont on ne sait pas trop quand ou comment elle surviendra. On retrouve en tout cas assez souvent l’idée que la pandémie pourrait constituer un point de rupture, qu’il y aura un avant et un après. Il est probable que cela sera partiellement le cas, au moins pour ce qui est des fameux “gestes barrière” qui rentreront dans notre quotidien, mais rien ne garantit que cette crise sanitaire sera notre déluge de Noé nous permettant de faire table rase et de repartir à zéro dans un monde où les inégalités, la crise écologique ou la crise de représentativité des élus auront été balayées par un grand mouvement de renouveau. Nous ne sommes pas convaincus qu’il faille une catastrophe biblique pour nous mettre en position de régler ces problèmes.

Demain ne sera pas forcément binaire

Quelle que soit la nature de ce monde de demain, il reste pertinent de poser la question de la place que devra y prendre le numérique. La problématique est d’autant plus essentielle que le numérique est déjà mobilisé comme un bâton de berger pour nous guider vers ce monde de demain : la RATP va vérifier si nous portons des masques grâce à la reconnaissance faciale, Amazon déploie des caméras thermiques dans ses entrepôts pour s’assurer que ses employés n’ont pas la fièvre, et on ne parle plus des interminables discussions sur les apps de traçage de contacts, désormais obligatoires en Inde.

Ce recours à la technologie comme moyen de limiter la propagation du virus remet au goût du jour la critique du solutionnisme technologique par le biélorusse Evgeny Morozov. Pour le penseur, le monde moderne s’est construit autour d’une idéologie qui consisterait à voir des problèmes dès lors qu’une solution technologique existe. Selon lui, en se concentrant ainsi sur la seule possibilité de créer une innovation qui changerait la donne face à une situation donnée, nous nous attelerions à résoudre des problèmes qui n’en sont pas : nous serions biaisés par le fait que nous possédons un marteau en nous mettant à voir des clous partout, même quand il n’y a rien à clouer. Ce faisant, nous risquons de perdre certaines facettes de notre constitution qui étaient essentielles à notre bien-être et à notre survie, notamment une certaine dose d’incertitude et de hasard qui non seulement donnent du sel à la vie mais sont également les conditions essentielles de l’évolution.

La crise sanitaire a permis de redorer l’image d’un État providence dont la cote était en berne : les attentes sont même redevenues tellement fortes que certains parlent désormais de rechercher la responsabilité des élus et du gouvernement pour ne pas avoir réagi de la bonne manière. Dans ce contexte, il serait facile pour la société civile comme pour le gouvernement de rechercher dans la technologie une baguette magique qui permettrait de résoudre tous nos problèmes. La technologie, le numérique, l’innovation sont la bonne réponse à de nombreuses problématiques ; encore faut-il avoir pris le temps de chercher la cause des symptômes plutôt que de s’atteler à vouloir ne traiter que ces derniers. La mise en œuvre d’une solution technologique pour régler un problème entraine souvent la mise en balance entre plusieurs libertés fondamentales, qu’il est absolument nécessaire de prendre en compte avant d’avancer.

Le télétravail grâce au recours au cloud et à la visioconférence a ainsi permis à de nombreuses entreprises de maintenir leur activité pendant le confinement : un problème, la continuité de l’activité à distance, a trouvé une bonne solution technologique. On peut même regretter que cette solution pertinente et efficace n’ait pas été plus largement déployée à tous les secteurs qui pouvaient en bénéficier, et notamment à celui de la justice qui nous intéresse particulièrement et dont il ressort clairement qu’il souffre d’un gouffre technologique. Cela ne signifie pas pour autant qu’il est désormais permis et justifié de collecter l’ensemble des données sanitaires de toute la population pour résorber l’épidémie. On ne sait pas quel sera le monde de demain, mais nous sommes sûrs d’une chose : il n’a pas à être totalement binaire.

Le Gif de la semaine


À la semaine prochaine, en buvant du café déconfiné !