Il y un an, 1 bitcoin était égal à 768 $. A l’heure où nous écrivons ces lignes, 1 bitcoin est égal à 17 201,06 $. Bulle qui ne va pas tarder à exploser, à l’instar de la bulle Internet des années 2000, ou ascension fulgurante qui n’est que le début d’une croissance encore plus impressionnante ? Comme très souvent, la solution n’est ni toute blanche ni toute noire, mais probablement un peu des deux.
Comprendre la technologie
Joe Kennedy, père du fameux président américain, disait avoir évité le krach boursier de 1929 en vendant ses titres peu avant la chute de la bourse. Ce qui lui a mis la puce à l’oreille ? Son cireur de chaussures lui donnait des conseils en investissement, ce qui était le signe que le marché était trop populaire pour son propre bien. Il est probable qu’il y ait un effet similaire à l’œuvre, mais peu importe : le succès du Bitcoin est surtout dû à la reconnaissance de sa valeur intrinsèque. Rappelons-le, il s’agit du premier exemple de blockchain décentralisée, technologie adossée à une cryptomonnaie et qui permet d’échanger de la valeur sans intermédiaire ou tiers certificateur : jusqu’à la création de Bitcoin, tout échange devait être validé, que ce soit par les banques (centrales ou non), Visa ou Mastercard, ou plus récemment PayPal. Au contraire, une transaction Bitcoin n’est pas validée par un tiers de confiance mais par l’ensemble des acteurs du réseau, et ce grâce à des opérations de chiffrement. Cela rend en plus cette désintermédiation totalement fiable : si les news de vols de Bitcoins sont nombreuses (encore une cette semaine), il ne s’agit jamais d’une faille du réseau lui-même mais des acteurs du réseau. Depuis maintenant 8 ans que la technologie existe, personne n’a réussi à la percer.
Un régulateur méfiant mais intéressé
Et petit à petit, l’oiseau fait son nid. De nouvelles itérations de blockchain naissent, comme Ethereum, qui permet d’automatiser la logique contractuelle, et surtout, le régulateur s’y intéresse. Cette semaine, une ordonnance prévue par la Loi Sapin II a ainsi permis l’échange de titres non cotés via des blockchains, tandis que la bourse de Chicago a commencé à autoriser les échanges sur les contrats à terme sur le Bitcoin. Et pendant ce temps, le nombre de startups dans le domaine ne fait que croitre, toujours plus innovantes. Si la Chine et la Corée ont banni les ICOs (des levées de fonds adossées à des cryptomonnaies), la blockchain et le Bitcoin en particulier y sont en revanche en plein boom. Ainsi, quelle que soit la réalité sur le cours actuel du Bitcoin, peu importe en somme : la technologie, elle, est bien là, et a priori pour un long moment.
L’actu en bref
Cette semaine, on a parlé de la future introduction de Xiaomi en bourse, Facebook a lancé Messenger pour les 6-13 ans, Apple a annoncé accepter de payer les 13 milliards réclamés par l’UE tout en maintenant son appel, tandis qu’Oracle a continué sa guéguerre avec Google et Google sa guéguerre avec Amazon. A noter aussi : la refonte du CNNum avec Mme Marie Ekeland à sa tête, la création d’un tribunal d’instance unifié pour Paris pour le 14 mai 2018 et l’ouverture de la plateforme consultative sur l’IA de Cédric Villani.
A ne pas rater cette semaine
On parle donc bien entendu blockchain et bitcoin, avec un article sur la première intervention aux États-Unis d’un gendarme des marchés financiers sur une ICO, le décryptage de l’ordonnance blockchain et une excellente tribune sur la situation actuelle. Sinon, l’actu est encore chargée pour la CNIL : outre la publication d’un document pour (dé)conseiller sur l’achat d’enceintes connectée, elle a participé à la session plénière du G29 et au bilan du Privacy Shield, cet accord qui permet et encadre un grand nombre de transfert de données personnelles aux États-Unis. Le bilan n’est pas très positif et laisse présager de futurs développements. C’est également la semaine des épisodes de Black Mirror devenus réalités : la Chine déploie la reconnaissance faciale à tout va, tandis que la Corée du Sud envisage le développement d’une armée de drones. On parle également d’un arrêt de la CJUE qui valide, dans le cadre d’un réseau de distribution sélectif, l’interdiction faite à un distributeur agréé de vendre les produits de luxe via un intermédiaire de type plateforme (Amazon, en l’occurrence) – comprendre que la CJUE est d’accord pour dire que vendre du Chanel sur Amazon, ça fait cheap. On conclut sur le triste constat que le sexisme est bien présent dans la Silicon Valley, y compris pour les fondatrices de startups. Enfin, Adrien vous propose de réfléchir à la notion de sous-traitant de données personnelles appliquée à la blockchain, tandis qu’Hugo vous invite à remettre en question l’acronyme “GAFA”.
Faites la Maj, et à la semaine prochaine !
Ce qu'on lit cette semaine
#bitcoin
#économie
#monnaiescryptiques
#getrichordiemining
Une analyse pondérée de l’évolution récente et des perspectives offertes par le bitcoin, qui a l’élégance de ne céder ni au défaitisme ambiant de “la bulle”, ni à la fascination béate du pionnier : si le bitcoin n’est effectivement pas encore une “vraie” monnaie, et n’est peut-être pas appelé à le devenir, le soubassement technologique qui a permis sa naissance et continue d’en faire le système d’échange le plus fiable et sécurisé à ce jour, lui, restera. De ce point de vue, la multiplication des cryptomonnaies n’est pas tant le symptôme d’un effondrement prochain que la preuve du succès de cette technologie révolutionnaire et encore en voie d’amélioration. C’est un conseiller référendaire à la Cour des comptes qui le dit, et il n’est pas le seul, n’en déplaisent à certains économistes classiques.
#bitcoin
#USA
#ico
#rendsl'argent
La Securities and Exchange Commission (commission américaine de contrôle des marchés financiers) n’aura pas trop tardé à mettre en oeuvre sa toute nouvelle “cyber-unité”, créée en septembre dernier : un duo d’associés québécois se voit ainsi poursuivre du chef de tentative d’escroquerie pour avoir ferré quelques 15 millions de dollars d’investissement sur un énième avatar de cryptomonnaie, le “Plexcoin“. Les fonds ont été gelés en urgence afin de protéger les investisseurs, auxquels les prévenus promettaient rien moins qu’un rendement de 1300% sous un mois. La SEC fait également oeuvre de prévention, en publiant un guide destiné à identifier et éviter les arnaques aux initial coin offerings.
#IA
#vieprivée
#gareauxselfies
#notblackmirror
Une fois n’est pas coutume : la Chine nous donne matière à penser du haut de ses quelques longueurs d’avance, en multipliant les usages de la reconnaissance faciale depuis le paiement au supermarché jusqu’au contrôle des délits routiers. Une technologie dont on ne doit désormais pas tant douter de l’efficacité que de sa viabilité morale à l’échelle de nos sociétés : les algorithmes existent, et ils fonctionnent ; ils sont cependant concentrés entre les mains d’une minorité d’acteurs, et questionnent sérieusement notre droit fondamental à la vie privée – un principe d’importance très relative pour les citoyens de l’Empire du Milieu, qui accueillent sans difficulté et même avec enthousiasme ces nouveaux outils. Choc des civilisations ?
#privacyshield
#g29
#unanettoutessesdents
#pasceluidecaptainamerica
Parmi les nombreux documents issus de la prolifique réunion plénière du G29 fin novembre, voici donc le premier rapport sur le décidément très contesté Privacy Shield. Un anniversaire un peu tristoune, puisque (il fallait bien s’y attendre) les réserves sont lourdes et nombreuses : sont notamment visées l’absence de supervision claire et méthodique de l’application des principes de la sphère de protection par les entreprises ayant déclaré y adhérer, de même que les possibilités encore peu contrôlées de capture et utilisation des données par les administrations publiques dans le cadre de la loi FISA et de l’executive order 12333. Un Safe Harbor bis, qui suivra le même destin que son prédécesseur ? Le G29 parle (déjà) de saisir la CJUE, et certaines associations ne l’ont pas attendu… au risque de voir à nouveau une immense quantité de transferts rendus rétroactivement illicites.
#vieprivée
#objetsconnectés
#iot
#laviedesautres
“OK Glogle” – où quand la CNIL joue avec les marques pour ne vexer personne… officiellement. Il faut dire que la domotique (surtout celle du géant de Mountain View) est à l’honneur en cette période de fêtes ; l’occasion pour le régulateur de rappeler quelques basiques en matière de protection de la vie privée. Des conseils à destination du public plutôt qu’un outil réglementaire, même de soft law – on peut regretter, comme ici Nextinpact, que de vraies bonnes pratiques ne soient pas précisément recommandées aux fabricants de ces petites boîtes magiques (notamment pour la mise en oeuvre du privacy by design et de l’obligation d’information), alors que les flux de données à caractère personnel (potentiellement sensibles) pourraient à l’usage devenir colossaux.
#harcèlementsexuel
#société
#weinsteinàlasiliconvalley
#c'estpasdrôle
La troisième étude annuelle State of Startups s’est aventurée dans l’une des zones d’ombre de cet univers parfois fantasmé à l’excès : sans trop de surprise, le milieu de la tech et de l’innovation n’échappe pas au sexisme et aux infractions qui vont avec. Le harcèlement sexuel y serait fréquent et en tous cas “plus répandu” que les médias ne le décrivent, selon ses victimes ou leurs connaissances. Rien de complètement spécifique à cet univers sans doute, si ce n’est la solution majoritairement proposée par les femmes, selon lesquelles le problème serait moins important si l’investissement se féminisait. Harcèlement, position de pouvoir et argent seraient donc corrélés ? Ici encore, on ne s’en étonnerait pas trop.
#concurrence
#distribution
#plateformes
#leboncoinoulebonmarché
Peut-on se servir d’Internet pour déroger aux règles d’un réseau de distribution sélective de produits de luxe ? C’est en substance la question qui été posée dans un énième arrêt Coty Germany (au moins le 3ème d’après notre compte), entreprise allemande qui, non contente de donner du fil à retordre à la CJUE, est également à la tête d’un tel réseau. Les règles fixées étaient claires : la vente de produits Coty Germany sur Internet n’était possible que si effectuée via le site vitrine d’un distributeur agréé, ou du moins sans l’intervention visible d’un tiers non agréé. Pour la CJUE, cette restriction à la libre concurrence est licite et conforme au TFUE car objective, proportionnée et appliquée à tous les distributeurs, tout en ne constituant pas une interdiction générale de vendre sur Internet – c’est ainsi l’occasion pour la Cour de détailler sa jurisprudence Pierre Fabre Dermo-Cosmétique. Il n’est donc pas possible pour un distributeur agréé de vendre des produits soumis à de telles restrictions sur Amazon, dont l’intervention dans le processus de vente est généralement plutôt explicite.