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Celle qui fait cavalier seul – Maj du 04/02/20

L'actu en bref

Cette semaine, nos hautes juridictions ont fait du bruit : le Conseil constitutionnel a reconnu la protection de l’environnement, “patrimoine commun des êtres humains“, comme objectif à valeur constitutionnelle susceptible de légitimer des atteintes à d’autres droits et libertés (en l’espèce, la liberté d’entreprendre) pendant que le Conseil d’État mettait de l’ordre en politique avec l’annulation de la circulaire Castaner et le rejet des recours contre les élections européennes. Nos juridictions du fond n’ont pas été en reste avec une décision de blocage d’un site contrefaisant rendue, une fois n’est pas coutume, sur le fondement de la LCEN plutôt que du CPI – voir notre article comparant les deux fondements, et ce alors que se prépare aux prud’hommes une confrontation intéressante relative au licenciement des journalistes membres de la “Ligue du LOL” – relire notre édito. On note aussi la 2ème plus grosses amende RGPD, qui nous vient cette fois d’Italie pour de la prospection commerciale abusive à près de 28 millions d’euros ! Sinon, Etalab fait le bilan d’une année 2019 bien chargée ; l’EDPB publie des guidelines sur le traitement de données persos dans des vidéos (qui vise aussi la vidéosurveillance) ; la CNIL publie un guide RGPD pour développeurs – sa version Github – et quelques mots sur le Brexit ; la plateforme cybermalveillance.gouv.fr publie son premier rapport annuel sur les cyberattaques dont elle a été saisie – le phishing reste majoritaire ; et l’AFJE publie son enquête annuelle sur la rémunération des juristes d’entreprise. Côté tech, la Cour suprême de Facebook est en train d’être finalisée – l’occasion de relire nos articles sur la justice privée et surtout de prendre vos places pour cette conférence à laquelle participera Adrien ; le sujet de la 5G continue à créer de la dissension, cette semaine avec la décision britannique de ne pas bannir Huawei ; l’antivirus Avast vend les données de ses utilisateurs à des tiers ; l’ONU a été victime d’une cyberattaque l’été dernier, gardée secrète ; et la startup française ManoMano lève 125 millions d’euros. On se quitte sur les photos les plus précises et haute résolution du Soleil jamais prises et sur ce petit hack de Google Maps : en se promenant lentement avec un chariot de 99 smartphones connectés à Google Maps, un allemand a donné l’impression à Google qu’un énorme embouteillage avait lieu… retranscrit sur Google Maps !

Faites la Maj, et à la semaine prochaine !

La semaine dernière était historique a bien des égards. Cela n’aura échappé à personne, le 31 janvier à minuit heure de Paris, l’Union Européenne, à mi-chemin entre regret et soulagement que le pansement soit enfin (partiellement) retiré, a perdu une de ses étoiles. S’il n’est plus question de se demander si le Brexit est pour un mieux ou pour un pire, il est nécessaire, pour chacune des parties prenantes, de se projeter déjà dans l’après et de « move on », comme le disent nos anciens frères d’union. Et moving on ils font, les anglais, comme l’a illustré l’annonce toute récente par le Royaume-Uni qu’il ne cèderait pas aux pressions américaines incessantes de fermer l’accès au marché de l’infrastructure de la 5G à Huawei, la bête noire de l’outre-atlantique. Petite discussion de la signification de cette décision du UK de faire cavalier presque seul dans cette guerre froide de la tech qui oppose les États-Unis et la Chine.

De quoi parle-t-on quand on parle de la 5G ?

La 5G fait référence à la cinquième génération de standards pour la technologie mobile. Son déploiement permettrait d’atteindre des débits de connexion de plusieurs gigabits seconde (vs. un débit descendant maximal théorique de 123 mégabits seconde avec la 4G actuelle), tout en préservant un taux de latence extrêmement bas et une meilleure distribution du signal.

Si l’arrivée de la 5G n’engendrera pas de changement de paradigme technologique en tant que tel, il ne s’agit « que » d’une amélioration des capacités existantes, son infrastructure permettra un saut qualitatif et quantitatif d’envergure à même d’accueillir la manne d’objets connectés à venir devant rendre nos vies et nos villes plus smart tout en offrant la possibilité pour le cloud computing de devenir encore plus puissant. Une telle infrastructure est en effet la condition sine qua none, par exemple, pour pouvoir sérieusement accueillir une quantité importante de véhicules autonomes devant interagir ensemble au quart du quart du quart de secondes et échanger une grande quantité de données dans tous les sens et ce en permanence.

Bien évidemment, puisque l’on parle de produits technologiques de pointe et d’équiper des régions entières, les fournisseurs potentiels capables de répondre à la demande des nations ne se trouvent pas sous le sabot d’un cheval. C’est ainsi qu’il existe actuellement sur le marché qu’un nombre restreint d’équipementiers parmi lesquels les pays devront choisir pour les accompagner dans leur chemin vers la sacro-sainte connectivité : les scandinaves Ericsson et Nokia, le coréen Samsung, le chinois ZTE et… le super chinois Huawei.

Du fait du caractère restreint des candidats potentiels, les États doivent accepter, de fait, de se placer en situation de dépendance technologique à l’égard d’une entreprise étrangère s’ils souhaitent pouvoir déployer la 5G sur leurs territoires, ce qui pose, à l’évidence, des problématiques de sécurité intérieure, de défense et de souveraineté numérique. C’est pour cette raison que les États-Unis craignent que la Chine, par l’intermédiaire de son plus gros fournisseur télécom, Huawei, acquiert un avantage majeur si ce dernier termine par équiper la grande majorité du réseau 5G mondial.

Pourquoi Huawei cristallise toutes les craintes

Plusieurs raisons peuvent expliquer pourquoi Huawei se retrouve à l’épicentre de la guerre de la 5G.

La première série de raisons tient au fait que Huawei plus que toute autre entreprise chinoise entretient une relation particulière avec le gouvernement chinois. En effet, son fondateur et une grande partie des membres de sa direction sont des anciens de l’armée chinoise ce qui laisse présager la possibilité d’une collaboration de l’ombre entre l’équipementier et l’Etat de la Terre du Milieu. Le risque est donc que les appareils 5G de Huawei puissent être utilisés à des fins d’espionnage, pour manipuler les données qui y sont échangées voire même que puissent y être installés des dispositifs permettant d’interrompre les communications et mettre à genou un pays entier. Par ailleurs, comme toute entreprise chinoise, Huawei serait légalement soumise à certaines obligations de coopération en matière de renseignement, dont celles de ne pas divulguer les injonctions de communiquer qu’elle aurait reçues en ce sens (ça vous rappelle pas les gag orders du Foreign Intelligence Surveillance Court américain ? Prism quand tu nous tiens…).

La seconde tient au fait qu’à bien des égards, le « choix Huawei » est celui le plus économiquement sensé. Les prix pratiqués par le géant chinois sont les plus concurrentiels, notamment en raison de subventions importantes de l’Etat chinois (ce qui pose également des questions de loyauté de la concurrence), et Huawei fournit déjà une grande partie des équipements 3G et 4G actuels. Choisir un autre fournisseur nécessiterait ainsi de renoncer à capitaliser sur les infrastructures déjà déployées, ce qui engendrerait des coûts supplémentaires et des délais de déploiement plus longs.

Les États sont donc pris en tenaille entre la possibilité de bénéficier de conditions économiques avantageuse et le risque de faire rentrer un loup dans leurs bergeries.

La perte de l’influence américaine

Si le déploiement des produits 5G Huawei à travers le monde permettrait à la Chine d’acquérir, déjà en soi, un avantage géopolitique et économique significatif face aux États-Unis, les intérêts de ces derniers sont également directement menacés. En effet, les États-Unis ont conclu un certain nombre d’accords de coopération internationale en matière de renseignement, au premier rang desquels se trouve le traité UKUSA, signé en 1946, avec l’Australie, le Canada, la Nouvelle-Zélande et le Royaume-Uni et instaurant le petit groupe du chuchotement que l’on nomme communément les « Five Eyes ». Il est donc d’une importance cruciale pour les États-Unis que le déploiement des réseaux 5G permette de maintenir la fiabilité, l’intégrité et le secret des échanges entre les « Five Eyes » pour prévenir le risque de compromettre cette coopération d’intelligence. L’Australie et la Nouvelle-Zélande se sont rapidement rangés derrière la position américaine en interdisant Huawei de leur marché et le Canada est pour l’instant resté muet sur la question. Seulement, la décision récente du Royaume-Uni de permettre aux fournisseurs à hauts risques (comprendre Huawei) d’équiper les parties non essentielles de son réseau de 5G met en péril l’équilibre du système instauré par les États-Unis.

S’il ne s’agit pas non plus pour le Royaume-Uni de prendre une position opposée à son allié privilégié et de longue date, sa décision est le signe que les États-Unis ont perdu une part significative de leur influence sur l’échiquier mondial, et ce au sein même de ses partenaires historiques. En témoigne également le contenu des lignes directrices de la Commission Européenne sur la sécurité des réseaux 5G, publiées quasiment en même temps que l’annonce du UK, lesquelles recommandent une approche raisonnée de la gestion des risques plutôt que d’interdire Huawei des marchés unionistes. N’en déplaise donc aux anciens leaders de l’ordre mondial, leur partie a l’air d’être finie.

Le Gif de la semaine


À la semaine prochaine, si l'on arrive à sortir de la boite !