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Celle qui joue pour gagner – Maj du 26/03/19

L'actu en bref

Cette semaine, comment ne pas parler de la troisième amende pour pratiques anticoncurrentielles imposée par l’UE à Google en deux ans ? La stratégie du bâton porte à 9 milliards la somme due par Google à l’UE, pendant que sa principale instigatrice, Margrethe Vestager, annonce sa candidature à la présidence de la Commission. La tactique semble porter quelques fruits puisque Google a annoncé des changements de ses pratiques sur Android, tout en étant félicité avec Facebook et Twitter pour de nouveaux efforts fructueux dans la lutte contre la désinformation. On continue avec l’actu européenne avec un accord du Parlement sur une directive sur la protection des consommateurs, les conclusions de l’avocat général à propos du consentement aux cookies (pas un hasard si elles sont publiées quelques jours après l’article de Mathias), et le vote aujourd’hui de la Directive droit d’auteur demain, sur fond de discorde, d’accusations de deals secrets et de lobbying mais pas forcément de ceux qu’on croit. Côté tech, notons la très belle levée de Doctolib qui devient une licorne, l’escalade du marché de la contrefaçon avec la France comme deuxième victime mondiale, un pivot d’Apple vers les services, Uber rachète un concurrent au Moyen-Orient, encore du contentieux sur des vols de secrets d’affaires dans les voitures autonomes, et la polémique Facebook de la semaine : l’enregistrement de mots de passe non chiffrés. Enfin, du côté de chez nous, la loi justice a été partiellement validée par le Conseil constitutionnel qui reconnait un principe de publicité des audiences et du prononcé des décisions et a été promulguée en conséquence, il y aurait un projet de loi anti CLOUD Act, et la loi de lutte contre la cyberhaine ne plait pas au CNNum. On se quitte sur un très bon rapport sur l’état de l’IA en Europe et sur un projet de resto de sushi imprimés en 3D en fonction de votre “ID santé”, parce que pourquoi pas.

Faites la Maj et à la semaine prochaine !

La plus grosse polémique de la semaine autour de Google n’aura pas été à propos de la troisième amende pour pratiques anticoncurrentielles de la Commission Européenne. C’est au contraire l’annonce de la sortie d’un nouveau service, dans un nouveau domaine pour Google, qui aura suscité le plus de commentaires, pour une grande partie négatifs. Les géants du net sont-ils condamnés à la mauvaise presse ? Plongée dans Google Stadia.

Rien de nouveau sous le soleil

Le marché du jeu vidéo, qui pèserait dans les 138 milliards de dollars, est aujourd’hui dominé par quelques acteurs qui captent la majorité de la valeur en produisant des jeux, en organisant des compétitions et en vendant du hardware. C’est dans ce contexte qu’après avoir effectué un recrutement de très haute qualité, Google a annoncé un nouveau service, dénommé Stadia (notons au passage que Google est donc capable de choisir des noms qui ne sont pas complètement descriptifs – Docs, Sheets,Play…), qui consiste à héberger et faire tourner des jeux sur son extrêmement puissante infrastructure, et à retransmettre l’image en ultra haute définition sur n’importe quel terminal équipé de Chrome/d’un Chromecast, le tout avec la possibilité d’y ajouter une manette connectée au WiFi pour réduire la latence. La promesse : ne plus avoir besoin d’investir dans une console ou un ordinateur cher et encombrant, à condition de disposer d’une connexion Internet de qualité. L’idée n’est pas totalement neuve : plusieurs startups œuvrent déjà à dissocier le gaming du coûteux matériel pour le moment requis pour pouvoir profiter de ce nouvel art dans de bonnes conditions. On peut notamment citer les français de Shadow, qui semblent leader ce marché naissant.

Pourquoi, dans ces conditions, autant de retours négatifs ? Il semble que la majeure partie des critiques peuvent être adressés à Shadow de la même manière qu’à Google. Beaucoup de commentateurs dénoncent en effet la disparition de la propriété d’une copie du jeu, permettant de continuer à y jouer sans dépendre du bon vouloir d’un tiers – mais rien de spécifique à Google, le premier concerné étant d’ailleurs plutôt la plateforme catalogue Steam de Valve. Est également critiqué le fait qu’une connexion Internet très haut débit sera requise, délaissant une partie de la population : à nouveau, rien qui différencie Google des autres acteurs du secteur. Itou pour ce qui est des incriminations relatives à la neutralité du Net : si Netflix prend 15% de la bande passante mondiale, combien en prendra Stadia (ou Shadow) si le service rencontre le succès escompté ?

De la concurrence en tant que géant

En définitive, tous ces arguments ne sont que des prétextes à la seule critique que l’on ne peut faire qu’à Google : quid de la concurrence ? La question n’est pas sans poser de difficultés, la première étant qu’il ne s’agit pour l’instant que d’un procès d’intention : si le casier du géant en la matière est loin d’être vierge, rien n’indique pour l’instant que la firme bloquera la concurrence au lancement de son produit, et ce a fortiori parce qu’il s’agira d’une arrivée sur un nouveau marché. Ce qui sous-tend cette préoccupation est en fait la conviction que le service sera une réussite – il s’agit de Google après tout, qui n’a quasiment rien raté à part Google+ – et, de par la seule force de frappe de l’une des entreprises les plus puissantes de la Terre, écrasera le reste du marché. La véritable problématique est donc beaucoup plus profonde et peut être résumée ainsi : peut-on interdire à un géant de se lancer dans un nouveau secteur pour préserver la concurrence sur ce secteur ? La solution serait paradoxale : le droit de la concurrence a pour but d’éviter les manœuvres visant à restreindre la concurrence, mais pas à punir un acteur qui connait la réussite et tente de la connaitre ailleurs. On en revient ainsi à la logique de démantèlement, initiée aux États-Unis pendant la première moitié du 20ème siècle : l’atteinte à la concurrence existe de par la seule force de frappe d’un acteur devenu tellement puissant que seuls les acteurs de la même taille peuvent rivaliser, et seule la dissociation des activités est de nature à assurer une libre concurrence.

Au-delà de ces inquiétudes légitimes et des débats sur le rôle du droit de la concurrence, l’annonce de Google, qui sera bientôt rejoint par Microsoft sur ce marché, est également à mettre en parallèle avec celles d’Apple et de ses nouveaux services. On constate ainsi un pivot de la plupart des géants du web vers la prestation de services et la diffusion de contenus, la question restant celle de la rémunération de ces services. Si la solution évidente semble être celle de l’abonnement à la Netflix/Spotify, il n’est pas du tout évident que des géants de la pub s’en contentent. Il est ainsi aisé d’imaginer l’intégration de publicités au sein de ces contenus – impossible de mettre de la publicité dans un jeu vidéo sur une console, mais possible sur Stadia. En allant plus loin, on peut même imaginer que, sur le modèle des épisodes interactifs qui font leurs débuts sur Netflix, les géants du net utilisent leurs plateformes de distribution de contenus pour faire des études de marché en implémentant des choix et des décisions à intérêt marketing au sein contenus diffusés, ce qui mène à se dire que la véritable question de ce pivot est celle de la confiance : comment s’assurer de l’intégrité du contenu diffusé ?

Le Gif de la semaine


À la semaine prochaine, avec nos salutations ventousées !