Cette semaine, peu d’actualités, et les plus importantes concernent Google. Le géant de tout ce qui est numérique a en effet brièvement publié, avant de le retirer, un article scientifique arguant que, pour un calcul bien précis, il aurait atteint la suprématie quantique, ce qui signifie réussir un calcul impossible pour un ordinateur normal au moyen d’un ordinateur quantique. Bien que l’on soit encore loin de la démocratisation de ces techniques, la nouvelle est notable : l’avènement de l’informatique quantique sera un nouveau bouleversement majeur, notamment pour la recherche en intelligence artificielle et la cybersécurité. L’autre nouvelle est que la CJUE rendra plus tard dans la journée ses deux décisions tant attendues dans les affaires de droit à l’oubli : rappel des faits par NextINpact. A noter aussi la publication de la charte de fonctionnement de la Cour suprême de Facebook (retrouvez nos deux premiers articles sur le sujet de la justice privée ici et là) ; les annonces, chacune de son côté, par la Chine et la Corée du Nord de cryptomonnaies : pour la Chine, il s’agit d’un projet mondial rivalisant avec Libra, pour la Corée du Nord, d’un projet local ; Huawei sort ses deux premiers téléphones privés de Google à la suite des sanctions US ; et le gouvernement US s’attaque aux revenus de la vente de l’ouvrage de Snowden – raison de plus pour l’acheter ? Côté européen, la CNIL polonaise prononce une forte amende pour faille de sécurité sur un site ecommerce ; de nouvelles fonctionnalités sur justice.fr, le portail du justiciable, détaillées par la Chancellerie ; la liste des Next40 startups de France dévoilée ; et Qwant change de directeur général tout en continuant à entretenir de mauvaise relations avec la presse. On se quitte sur le lancement d’un nouveau blog qui vaut le coup, coupdata.fr, qui analyse l’impact de la donnée sur la société, et un petit erratum par rapport à la semaine dernière : nous n’avons pas mis le bon gif dans le mail, vous le trouverez ici. Faites la Maj et à la semaine prochaine !
Éditions précédentes
2021
décembre
Celle qui cherche Dieu - Maj du 07/12/21
Celle qui a la gueule de bois - Maj du 30/11/21
novembre
Celle qui joue à saute mouton - Maj du 16/11/21
Celle qui est née dans un train - Maj du 02/11/21
octobre
Celle qui gomme les frontières - Maj du 19/10/21
Celle qui fait des boulettes - Maj du 12/10/21
Celle qui se lit avec la voix de François Morel #2 - Maj du 05/10/21
septembre
Celle qui conte - Maj du 21/09/21
Celle qui a fait ses cartons - Maj du 14/09/21
Celle qui fait ses courses de rentrée - Maj du 07/09/21
juillet
juin
Celle qui force - Maj du 22/06/21
Celle qui répond au LRAR de la semaine dernière - Maj du 15/06/21
Celle que vous allez recevoir par LRAR - Maj du 08/06/21
Celle qui se vaccine - Maj du 01/06/21
mai
Celle qui se mange en terrasse - Maj du 18/05/21
Celle qui télégramme - Maj du 11/05/21
Celle qui pose la dernière question - Maj du 04/05/21
avril
Celle qui fait Bang Bang - Maj du 20/04/21
Celle qui se lit avec la voix de François Morel - Maj du 13/04/21
Celle qui atteste de manière dérogatoire - Maj du 06/04/21
mars
Celle dont vous êtes le héros - Maj du 23/03/21
Celle qui part en fumée - Maj du 16/03/21
Celle qui fait le guignol - Maj du 09/03/21
Celle qui bourgeonne et pétule - Maj du 02/03/2021
février
Celle qui se grattouille - Maj du 16/02/21
Celle qui ose le fenouil - Maj du 09/02/21
Celle qui vaut bien un meme - Maj du 02/02/21
janvier
2020
décembre
Celle qui se ramasse à la brouette - Maj du 08/12/20
Celle qui enfile son tablier de chef-cuisinier - Maj du 01/12/20
novembre
Celle qui ne rate pas son décollage - Maj du 17/11/20
Celle qui est élue - Maj du 10/11/20
Celle qui se reconfine - Maj du 03/11/20
octobre
Celle qui cherche comment se débarrasser de l'hydre - Maj du 20/10/20
Celle qui cherche la transparence - Maj du 13/10/20
Celle qui fait une overdose de cookies - Maj du 06/10/20
septembre
Celle qui retourne vers le futur - Maj du 22/09/20
Celle qui se pose des questions - Maj du 08/09/20
août
juillet
juin
Celle qui ne contient que de l'actu - Maj du 23/06/20
Celle qui administre avec autorité - Maj du 16/06/20
Celle qui est peut-être trop géante - Maj du 09/06/20
Celle qui n'a toujours pas adopté la Hadopi - Maj du 02/06/20
mai
Celle qui veut se concentrer - Maj du 19/05/20
Celle qui cherche la solution - Maj du 12/05/20
Celle qui remonte la pente - Maj du 05/05/20
avril
Celle qui doit se numériser - Maj du 21/04/20
Celle qui ne se lit qu'avec une connexion Internet - Maj du 14/04/20
Celle qui a le droit de savoir - Maj du 07/04/20
mars
Celle qui est citoyenne de chez elle - Maj du 24/03/20
Celle qui se lit de chez soi - Maj du 17/03/20
Celle qui se requalifie - Maj du 10/03/20
Celle qui s'efforce d'être originale - Maj du 03/03/20
février
Celle qui voit le roi nu - Maj du 18/02/20
Celle qui domine le monde - Maj du 11/02/20
Celle qui fait cavalier seul - Maj du 04/02/20
janvier
2019
décembre
Celle qui pense collectif - Maj du 10/12/19
Celle qui détient le biopouvoir - Maj du 03/12/19
novembre
Celle qui ne fera pas de blague sur les cookies - Maj du 19/11/19
Celle qui est bien de son temps - Maj du 12/11/19
Celle qui s'anarchise - Maj du 05/11/19
octobre
Celle qui ne fait pas de politique - Maj du 22/10/19
Celle qui géopolitise l'e-sport – Maj du 15/10/19
Celle qui voit midi à sa porte - Maj du 08/10/19
Celle qui paiera pas - Maj du 01/10/19
septembre
Celle un brin trop utopiste - Maj du 17/09/19
Celle qui replonge dans le bain - Maj du 10/09/19
juillet
Celle qui aperçoit des cyborgs - Maj du 23/07/19
Celle qui copie sans plagier - Maj du 16/07/19
Celle qui ne veut pas juger la haine - Maj du 09/07/19
Celle qui n'est pas commune - Maj du 02/07/19
juin
Celle qui choisit la pilule de vérité - Maj du 18/06/19
Celle dont la recette évolue - Maj du 11/06/19
Celle qui a trop chaud pour écrire - Maj du 04/06/19
mai
Celle qui retient son souffle - Maj du 21/04/19
Celle qui veut rester entière - Maj du 14/05/19
Celle dont ce n’est pas la dernière saison - Maj du 07/05/19
avril
Celle qui se lit rapidement - Maj du 23/04/19
Celle qui tire la sonnette d'alarme - Maj du 16/04/19
Celle qui refuse de déserter - Maj du 09/04/19
Celle qui est averse au risque - Maj du 02/04/19
mars
Celle qui ne se laissera pas terroriser - Maj du 19/03/19
Celle qui vit sa vie (privée) - Maj du 12/03/19
Celle qui ne veut pas aller travailler - Maj du 05/03/19
février
Celle qui est plus grenouille que bœuf - Maj du 19/02/19
Celle qui ne LOL pas du tout - Maj du 12/02/19
Celle qui passe du bon temps - Maj du 05/02/19
janvier
2018
décembre
Celle qui ravaude sa robe noire - Maj du 11/12/18
Celle qui ne veut pas oublier - Maj du 04/12/18
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Celle qui ne casse pas les machines - Maj du 20/11/18
Celle qui ne s'est pas dédoublée - Maj du 13/11/18
Celle qui souffle ses bougies - Maj du 06/11/18
octobre
Celle qui est fracturée - Maj du 23/10/18
Celle qui doit devenir verte - Maj du 16/10/18
Celle qui doit se cyber-muscler - Maj du 09/09/18
Celle qui est virtuelle, mais bien réelle - Maj du 02/10/18
septembre
Celle qui ne veut plus d'hébergeurs - Maj du 18/09/18
Celle qui ne télécharge plus de films - Maj du 11/09/18
Celle qui entre en friction - Maj du 04/09/18
août
juillet
Celle qui va devoir payer - Maj du 24/07/18
Celle qui n'est pas championne qu'en foot - Maj du 17/07/18
Celle qui est insatisfaite - Maj du 10/07/18
Celle qui n'a pas de biais - Maj du 03/07/18
juin
Celle qui ne vous recalera pas - Maj du 19/06/18
Celle qui fait peau neuve - Maj du 12/06/18
Celle qui n'est pas si innovante que ça - Maj du 05/06/18
mai
Celle qui accueille le GDPR - Maj du 22/05/18
Celle qui ne se fait pas passer pour un humain - Maj du 15/05/18
Celle qui ose dire son nom - Maj du 01/05/18
avril
Celle qui a besoin de preuves - Maj du 17/04/18
Celle qui n'est pas autonome - Maj du 10/04/18
Celle qui ne vous trolle pas - Maj du 03/04/18
mars
Celle qui défend ses pépites et taxe les autres - Maj du 20/03/18
Celle qui détient la vérité - Maj du 13/03/18
Celle qui n'est manifestement pas illicite - Maj du 06/03/18
février
Celle du retour de la conscience - Maj du 20/02/18
Celle qui vous emmène dans les étoiles - Maj du 13/02/18
Celle du côté obscur des données persos - Maj du 06/02/18
janvier
2017
décembre
Celle qui s'envole aussi haut que le Bitcoin - Maj du 12/12/17
Celle du lièvre et de la tortue - Maj du 5/12/17
novembre
Celle où l'on parle régulation - Maj du 21/11/17
Celle du Paradis (et de ses papiers) - Maj du 14/11/17
Celle influencée par la Russie - Maj du 07/11/17
octobre
La Maj d'
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Celle qui dissipe la vapeur – Maj du 24/09/19
L'actu en bref
Nous avons chez Aeon le souvenir net et chaleureux de négociations de haute volée dans la cour de récré : tel calot brillant contre ces 5 billes “oeil de chat”, ou encore l’échange de la cartouche GameBoy Pokémon Bleue contre la Rouge. Plus tard, ces mêmes négociations pouvaient se réitérer au Micromania du coin, dont le rayon “Occasion” restait le lieu de glaner une bonne affaire. Ce petit commerce a pris le tournant numérique avec l’arrivée des eBay et des Leboncoin, mais la chaleur de ces échanges ne s’est pas estompée : l’attente interminable du courrier, qui devait amener une enveloppe légèrement rebondie, contenant la petite cartouche de jeu. Et puis, Steam est arrivée.
Dispersons la fumée autour de Steam
Steam est une plateforme de vente et de gestion de jeux vidéo : elle officie non seulement comme boutique, mais également comme bibliothèque de jeux, permettant de les maintenir à jour et d’installer des modules de modification ou d’échanger avec la communauté du jeu en un clic. Créée en 2003 par l’éditeur Valve, son succès fulgurant s’explique aussi par les prix pratiqués, souvent soldés : les soldes Steam sont un sujet de meme récurrent, tant l’incitation à l’achat est forte.
L’idylle est cependant loin d’être parfaite : Steam est certes pratique à l’usage comme pour le portefeuille, elle n’en reste pas moins une plateforme de contrôle du droit d’auteur, ce qui la rend tout aussi intéressante pour les éditeurs de jeux vidéo. Avec Steam, vous ne détenez qu’une copie virtuelle du jeu, et les conditions d’utilisation précisent clairement que “Les Contenus et Services sont concédés sous licence, et non vendus. Votre licence ne vous confère aucun droit ni titre de propriété sur les Contenus et Services“. En clair, il n’y a rien d’aussi pratique et précaire que de détenir un jeu sur Steam. Cela n’a pas échappé à l’UFC Que Choisir qui, dans sa croisade contre les CGU des différentes entreprises du net (Facebook, Twitter, Google sont tombés), ne compte pas en rester là et a glané une nouvelle victoire, cette fois contre Steam, avec à son cœur des questions essentielles sur le droit d’auteur dans la société numérique.
Ménageons nos forces pour l’épuisement des droits
Nous ne le savions pas encore, mais lors de nos petits commerces de cartouches de Game Boy, nous faisions déjà du droit d’auteur. L’une des composantes des droits patrimoniaux est en effet le droit de distribution, qui permet à l’auteur de décider des canaux de vente de son œuvre. Prise littéralement, ce droit pouvait permettre à un auteur de s’opposer aux reventes d’occasion de son œuvre, n’ayant pas autorisé ce canal de distribution. C’est là que la règle de l’épuisement des droits intervient : une fois que la copie d’une œuvre protégée par le droit d’auteur a été licitement mise en circulation, le titulaire des droits d’auteur ne peut plus s’opposer à une revente de cette copie par son acquéreur. Selon l’avocat général Szpunar de la Cour de justice de l’Union européenne, “La justification en est que le droit d’auteur ne saurait primer le droit de propriété détenu par cet acquéreur sur la copie de l’œuvre en question en tant qu’objet. Par ailleurs, par la mise en circulation d’une copie de l’œuvre par l’auteur ou avec son consentement, celui-ci est réputé avoir obtenu la rémunération due au titre de cette copie“. C’est l’application de cette règle aux biens immatériels qui fait aujourd’hui couler énormément d’encre.
La question est d’abord juridique : le fait de télécharger une œuvre a typiquement été relié à une autre composante du droit d’auteur, le droit de communication au public, permettant à l’auteur d’autoriser ou d’interdire la diffusion de son œuvre à un public nouveau. Si l’échange de biens immatériels d’occasion tombe sous cette qualification, l’épuisement des droits ne peut s’appliquer, et l’auteur peut donc s’opposer à la distribution d’occasion numérique.
Le débat semble ainsi être surtout technique et économique : le numérique est-il si différent du tangible que les règles doivent s’y appliquer différemment ? En ce qui concerne la revente d’occasion, il est certain que des différences existent : la remise d’une cartouche de GameBoy fait que je m’en départis à coup presque sûr (à moins d’avoir été capable d’en extraire une copie du jeu préalablement), comment assurer cette même remise en ligne ? La réponse jusqu’à présent était principalement logicielle, les fameux DRM ou systèmes de gestion des droits d’auteur, logiciels intrusifs qui sont susceptibles de porter atteinte à la vie privée et de limiter grandement l’usage que l’on souhaiterait avoir de l’œuvre, et qui ne sont donc pas satisfaisants. La question est bien réelle et sa solution loin d’être évidente : alors que la CJUE a déjà reconnu l’épuisement des droits pour des licences logicielles, son avocat général vient de lui recommander de ne pas le faire pour des ebooks.
Une question de modèle
Un point est frappant dans ces débats : alors que la question de l’épuisement des droits numériques fait rage dans de nombreux marchés depuis plus de 10 ans, elle commence à peine à se poser pour le jeu vidéo. La raison nous semble être la différence de maturité des marchés : probablement par affinité de culture et compétences techniques, le marché du jeu vidéo a été extrêmement rapide à se numériser et à proposer des usages innovants et adaptés à la consommation numérique, notamment via Steam. La stabilité de cette adaptation au numérique a cependant entrainé une certaine forme de stagnation, et le jeu vidéo n’a pas encore pris le tournant de la fin des années 2010 : au-delà de l’épuisement des droits, Steam est également confrontée à des questions de geoblocking, les prix qu’elle propose en Pologne étant inférieurs à ceux pratiqués en France.
Selon l’avocat général de la CJUE à propos des ebooks, ces questions appartiennent probablement au passé, l’ensemble de la consommation numérique étant progressivement en train de passer au streaming et à l’accès sur abonnement, qui n’incluent pas de vente ce qui rend complexe l’application de l’épuisement des droits. Dans le jeu vidéo, Google avec Stadia et Nvidia avec GeForce Now compte bien investir ce marché et bouleverser notre mode de consommation. Nos enfants n’échangeront pas de cartouches de GameBoy mais des codes Netflix et Stadia, c’est peut-être ça le tournant numérique.
Ce qu'on lit cette semaine
C’est un petit sommet d’innovation juridique que se permet le juge du fond parisien : alors même que des discussions relatives à l’épuisement des droits autour des e-books, et partant la possibilité de les revendre “d’occasion”, sont en cours devant la CJUE, voici que le TGI de Paris, sur demande de l’association de consommateurs UFC-Que Choisir, répond positivement à une question analogue en matière de jeux vidéo. Juridiquement, la question n’allait pourtant pas de soi : l’application de l’épuisement des droits aux “objets” entièrement dématérialisés n’a rien d’évident, pas même depuis le fameux arrêt UsedSoft rendu sur les “purs” logiciels. Le débat est ici d’autant plus complexe qu’un jeu vidéo, de jurisprudence constante, ne se résume pas à son code source, et réunit d’autres objets protégés au sein d’une seule oeuvre dite “multimédia” ; quelle règle d’épuisement des droits appliquer, alors ? Le juge français a rendu sa copie ; l’éditeur de jeux vidéo Valve, visé par la décision, a quant à lui d’ores et déjà annoncé qu’il en ferait appel. Tout cela finira-t-il devant la CJUE ? La question, qui dépend de l’articulation de deux directives unionistes, mériterait à coup sûr d’être portée – et tranchée – à un si haut niveau.
Facebook confirme sa transformation en plateforme média
D’aucuns pourraient croire que Facebook tente de se racheter une conscience. Après avoir été régulièrement sous le feu de la critique pour avoir été le support de la diffusion de fakenews dans tous les sens et de favoriser le contenu qui maximise l’engagement (clickbait), le GAFAM tend une main vers le journalisme institutionnel. C’est ainsi que la firme a annoncé la création d’un onglet « News » où seront relayées des publications provenant de sources « sures » sélectionnées mais également un partenariat avec des médias français pour la production de contenu exclusif destiné à Watch, sa fonctionnalité de streaming. Que ce soit une stratégie pour accroître la rétention des utilisateurs sur sa plateforme, un moyen de palier les externalités négatives de l’économie de l’attention, la mise en place d’une relation (financièrement) plus apaisée avec les médias traditionnels, ou les trois à la fois, l’on voit bien que la frontière entre plateforme de partage et créateur de contenu s’estompe et avec elle, sûrement, celle entre intermédiaire technique et éditeur.
Comment les Etats-Unis veulent « développer l’IA à grande échelle »
Alors que les Etats-Unis viennent d’exposer leur feuille de route interarmées pour le développement de l’intelligence artificielle dans le domaine militaire (un programme similaire existe en France), le directeur de la stratégie du Centre interarmées pour l’intelligence artificielle, Marc Beall, a accordé une interview au Monde. On y apprend notamment que les efforts se concentreront sur le développement d’outils standardisés au sein des armées afin que tout le monde puisse bénéficier des avancées effectuées par chaque service, mais également sur le volet RH, que ce soit pour attirer les cerveaux et identifier les talents en interne. La défense américaine compte également poursuivre et accroître les partenariats avec les entreprises privées (coucou Project Maven) et développer un leadership en matière d’ « éthique militaire ». Si les premiers projets en développement, comme la maintenance prédictive, la réponse aux cybermenaces de bas niveau ou encore l’aide au diagnostic médical, ne concernent pas l’armement à proprement parler, les robots qui tuent sans intervention humaine semblent constituer une ligne que les Etats-Unis ne sont pas prêts à franchir. Enfin, et parce que l’union fait la force, l’armée américaine entend rendre ses outils interopérables pour les partager avec ses alliés de l’OTAN. On en partira rassuré qu’à moitié.
Dans la si séduisante expression “fake news“, il y a certes fake, mais l’on oublie souvent bien vite l’autre terme. Pourtant, la notion d’actualités mérite qu’on s’y penche, tant elle en dit sur le mal dont nous souffrons collectivement – et si, face aux fake news, la difficulté ne tenait pas tant à leur fausseté (leur caractère mensonger) qu’à déterminer ce qui, légitimement, mérite d’être érigé en information ? Nous manquons ici d’un vocabulaire approprié : la news n’est pas qu’une simple information, et ne se définit pas non plus tout à fait par son caractère d’actualité – c’est, plus exactement, l’information choisie, qui nourrit le débat public. Or, voici bien le caractère problématique de notre rapport à l’information, au-delà des trolls et de la désinformation étrangère : l’impression qu’en disposant d’une masse suffisante d’informations supposées “brutes”, nous saurons à terme mettre le doigt, par nous-mêmes, sur la vérité nue. La curation même professionnelle (d’aucuns diraient : surtout professionnelle), dans un tel univers, est nécessairement toujours suspecte de biais et d’une vague volonté de dissimulation ; nous voulons voir et savoir, encore une fois, par nous-mêmes. Face à un nombre de données et paramètres toujours plus immense, c’est pourtant le serpent qui se mord la queue : nous avons, plus que jamais, besoin de savoir faire le tri, et bien souvent de quelqu’un pour nous y aider. Cette modeste newsletter n’a pas d’autre prétention.
How China Unleashed Twitter Trolls to Discredit Hong Kong’s Protesters
C’est dans les vieux pots russes qu’on fait les meilleures soupes chinoises. Alors que tous les grands réseaux sociaux et plateformes américains sont bloqués de la Terre du Milieu, Hong Kong, du fait de son autonomie, échappe encore à la censure gouvernementale et constitue un support d’échange pour les opposants au gouvernement hongkongais pro-chinois ainsi que pour les manifestants. Et, depuis le début des manifestations, la Chine n’a pas été en reste sur le web. Twitter a récemment annoncé avoir bloqué 1000 comptes et suspendus 200.000 autres utilisés dans le cadre d’une campagne de propagande d’opinion du gouvernement chinois, ce qu’a confirmé une étude australienne. Les comptes ont pu être identifiés grâce à un faisceau d’indices : adresse IP à Beijing libérées de la censure, publications vraisemblablement automatisées qui plus est pendant les heures ouvrables des fonctionnaires, tweets identiques à d’autres qui avaient été déjà supprimés etc. Si cette opération est non sans rappeler la campagne de désinformation massive effectuée par le GRU au cours des élections américaines de 2016, les experts indiquent qu’elle est tout de même moins sophistiquée, probablement en raison du fait que le gouvernement chinois ne s’attendait pas à ce que les évènements prennent autant d’ampleur à Hong Kong et a dû réagir dans l’urgence. Quelque chose nous dit que l’on ne pourra pas faire le même constat à l’avenir.
Il semblerait que les titres de presse souffrent d’un léger cas de « faites comme je dis mais pas comme je fais ». C’est, peu ou prou, ce que l’on comprend des petites investigations de Thimothy Libert, professeur au sein d’un programme d’ingénierie axé sur la protection de la vie privée. Si les journaux en ligne font un travail de qualité dans la révélation et le suivi des pratiques limites limites de certaines entreprises en matière de protection des données, voire même de leurs fréquentes violations, l’étude de leurs propres usages montre qu’elles devraient également sérieusement revoir leurs propres copies. Ainsi Libert a-t-il pu constater que le Times, dans lequel l’article est lui-même publié, envoyait les données de ses lecteurs américains à plus de 50 sociétés différentes, y compris pour segmenter son audience selon des critères « santé » dans le cadre de ciblage publicitaire, et ignorait la configuration « do not track » des navigateurs. De manière générale, ses études tendent également à montrer que les sites des médias en ligne sont bien plus gourmands en données personnelles que les autres ou que les lecteurs sont très insuffisamment informés de la kyrielle d’entités intervenant dans le traitement de leurs données. Si cet errement s’explique par la nécessité croissante des titres de presse à recourir au ciblage publicitaire pour palier la perte de revenu liée au déclin de la presse papier et de la pratique de l’abonnement, rien ne serait pourtant gravé dans le marbre. La solution existerait même déjà dans le GDPR, avec ses PIA et son principe de privacy by design, dont l’implémentation n’empêcherait pas le business de la pub de grossir, du moins pour le Times. Si même les américains en viennent à nous envier…
Peut-on payer avec ses données personnelles ?
En voici une que, très clairement, on n’attendait plus : la fameuse directive relative aux contrats de fourniture de services numériques, qu’on avait pu à bon droit croire enterrée depuis sa première mouture en 2015, vient d’être adoptée. L’actu ne tient pas ici tant à son contenu substantiel qu’à son champ d’application, où l’on retrouve, après bien des débats, le même point de surprise : la conception des données à caractère personnel comme une “contrepartie” du contrat, en un mot le prix du service. De quoi hérisser, après tant de controverses (en particulier en France) sur une potentielle patrimonialisation des données : c’est qu’on ne paie en effet jamais qu’avec un bien, fût-il purement numéraire. Au-delà de ce présupposé (lourd), se pose, bien expliquée ici, la difficulté d’articulation de ce texte avec le GDPR : quelle peut bien être la base légale d’un tel traitement de données à caractère personnel ? On laissera le soin au lecteur de se reporter à l’article cité pour le détail – spoiler : l’exécution du contrat comme base légale est, contre-intuitivement, décevante. Après des lignes directrices qu’on croyait définitives côté CEPD, de quoi (re)donner du grain à moudre aux spécialistes.