Cette semaine, on a une bonne et une mauvaise nouvelle. On commence par la mauvaise : cette Maj est la dernière de l’année. Il n’y aura pas de Maj le 26 décembre pour cause d’intoxication à la dinde aux marrons (ou au foie gras vegan, selon les goûts). On se retrouve donc en 2018 pour les bonnes résolutions, qui comprendront évidemment la lecture hebdomadaire de la Maj.
La bonne nouvelle, c’est qu’Aeon a eu l’honneur de recevoir le prix Christian-Hazard du Cyberjuriste de l’année ! Ce prix est remis chaque année par l’ADIJ, Association pour le Développement de l’Informatique Juridique, afin de récompenser un effort de publication en droit des nouvelles techs. Merci à l’ADIJ, et merci à nos lecteurs !
La météo n’a pas été bonne pour les géants du net cette semaine – c’est une véritable dépression atmosphérique qui frappe la quasi-totalité des grandes entreprises du Web. On signale ainsi une tornade économique emmenée par la DGCCRF à l’encontre d’Amazon : le géant du e-commerce est visé par une enquête pour des pratiques anticoncurrentielles contre les entreprises œuvrant sur sa marketplace, tandis que Bruno le Maire demande au tribunal de commerce Paris d’imposer une amende de 10 millions d’euros.
Il faudra également faire attention à la zone d’instabilité frappant Facebook : on signale une convergence de cumulonimbus autour du réseau, qui traverse une zone de turbulences existentielles et vient tout juste de recevoir une mise en demeure de la CNIL pour ses échanges de données avec WhatsApp. Comme vous le verrez dans la sélection d’articles à ne pas manquer, Facebook doit même faire face à une bise venue d’anciens cadres.
Le temps n’est pas meilleur pour Uber, sous le souffle d’une enquête ouverte par la justice américaine dans le cadre de l’affaire Waymo, ou pour Netflix pour qui le mistral arrive sous la forme de la concurrence de Disney et de critiques sur le profilage actif des utilisateurs.
Pas d’éclaircie en vue
Et il n’y a pas d’anticyclone non plus pour Google, qui était l’objet du Tribunal pour les Générations Futures organisé par le magazine Usbek & Rica la semaine dernière. Si l’entreprise s’est prêtée au jeu en étant représentée sur scène, il n’en reste pas moins que le tribunal devait se prononcer sur un éventuel démantèlement de cette société qui est désormais bien plus qu’un simple moteur de recherche.
En fait, il semble bien que la météo est orageuse pour l’ensemble des géants du net, qui doivent faire face à une pression croissante du public et des régulateurs. Les révolutions technologiques à l’origine de la croissance fulgurante des géants de l’Internet ne sont plus source d’émerveillement mais de questionnements, et il semble que l’on aperçoit au loin une nébuleuse porteuse d’un message : With great power comes great responsibility.
L’actu en bref
Cette semaine, la blockchain a été utilisée pour aider les sans-abri, Jean-Yves le Drian a présenté la stratégie internationale de la France pour le numérique, la FEC (AMF américaine) s’est intéressée aux cryptomonnaies mais pas trop, tandis que la composition du CNNum a fait débat et que deux nouvelles exoplanètes ont été découvertes grâce à une IA de Google. Pour finir, le site résumant les recherches Google de l’année est sorti, et le mot clef de l’année pour la France est… Aeon Johnny.
À ne pas rater cette semaine
Sinon, on vous conseille donc la lecture du résumé du Tribunal des Générations Futures et des confessions d’un ancien cadre de Facebook. La semaine a encore été très chargée pour la CNIL que l’on n’arrête plus : outre un rapport sur l’éthique de l’intelligence artificielle, la commission a également sorti un avis sur le projet de loi RGPD qui a été rendu public. Pour rappel, le règlement européen pour la protection des données personnelles qui entre en vigueur le 25 mai 2018 laisse aux États membres de l’UE des possibilités de légiférer sur un certain nombre de points. C’est donc une nouvelle loi CNIL dont le but est de compléter le RGPD qui est dans les tuyaux et qui doit idéalement être adoptée avant le 25 mai. Autant dire qu’il n’est pas trop tôt.
On vous en a parlé, et c’est fait : la neutralité du net est enterrée aux États-Unis. Ou peut-être pas, car beaucoup de personnes considèrent n’avoir perdu qu’une bataille, mais pas la guerre, qui s’organise sur de multiples fronts. En d’autres nouvelles, le Conseil constitutionnel a de nouveau censuré le délit de consultation des sites terroristes, tandis qu’une étude mondiale montre une dégradation de la liberté sur le web. On conclut cette semaine avec un excellent guide de Wired pour développer votre cybersécurité personnelle et une étude de l’impact du développement de l’IA sur les métiers du droit. C’est Mathias qui a l’honneur de terminer cette année 2017 avec une contribution qui tombe à pic puisqu’elle vous guide dans l’obtention d’un consentement conforme aux exigences du RGPD.
Faites la Maj, profitez des fêtes, et à dans deux semaines !
Ce qu'on lit cette semaine
#GAFAM
#google
#mocktrial
#tourdechauffe?
#çafaitdumondedanslasalle
Débriefing du faux procès intenté à Google par les sémillants Usbek & Rica, dont nous vous proposions nous-mêmes à l’époque un live tweet endiablé. Au programme : abus de position dominante, traitement illicite de données à caractère personnel, “transhumanisme” (allez comprendre) et fraude fiscale ; sans grande surprise, le géant de Mountain View ne s’en sort pas trop mal. Il n’en reste pas moins le sentiment que le groupe, dont certains voudraient carrément “se débarrasser”, a pris une place plus qu’utilitaire dans nos vies : à la fois référence culturelle omniprésente et charmant compagnon de route, ces articles et faux procès témoignent de notre relation ambivalente à celui qu’on aime détester (et inversement ?).
#GAFAM
#réseauxsociaux
#société
#fakenews
#lepouvoirdeslikes
Une attaque en règle contre les réseaux sociaux, au premier rang desquels Facebook, est menée de façon même pas concertée par plusieurs anciens employés ayant vu et vécu “l’envers du décor” : ces applications, expressément conçues pour provoquer l’addiction, auraient des effets désastreux aussi bien sur l’individu que sur le corps social. On pense évidemment aux fake news, au cyber-harcèlement, aux bulles informationnelles… Surtout, Sandy Parakilas, ancien responsable Privacy chez Facebook (depuis passé chez… Uber) dénonce l’illusion de l’auto-régulation, principe au coeur des mécanismes actuels du GDPR comme du Privacy Shield. Vu l’ampleur du sujet, la règle de droit étatique (ou même supra-étatique) semble-t-elle pour autant la meilleure réponse ? Rien n’est moins sûr.
#donnéespersos
#cnil
#gdpr
#ànoëlçafera5mois
Mieux vaut tard que jamais : le gouvernement dévoile enfin son projet de loi de loi “Informatique & Libertés” troisième version (1978, 2004, 2017 !) ; la CNIL n’a quant à elle pas perdu de temps, en revanche, en publiant le même jour son avis sur le texte en question. L’occasion de rappeler que la réforme n’inclut pas seulement aussi le fameux GDPR, mais également la moins connue directive (UE) 2016/680 en matière de données pénales ; face à un chantier d’une telle envergure, le régulateur déplore que le projet de loi demeure pointilliste, et renvoie à une ordonnance ultérieure et à ses décrets d’application la vraie grande refonte globale du texte de droit national. A moins de six mois du 25 mai, on ne peut qu’opiner.
#IA
#demainc'estaujourd'hui
#kantetl'algorithme
La CNIL, décidément en tête de l’innovation techno-juridique, présentait également cette semaine son rapport sur la régulation de l’intelligence artificielle. Fruit d’une consultation nationale de plusieurs mois, celui-ci va bien au-delà de la simple question des données personnelles, pour formuler des recommandations opérationnelles concrètes, au centre desquelles l’éthique, discipline définitivement échappée aux cénacles de la philosophie universitaire, se taille la part du lion. Deux principes sont également mis en exergue : celui, déjà bien connu des plateformes, de loyauté, et celui de “vigilance/réflexivité”. Le tout en présence de l’incontournable Cédric Villani, dont on attend avec impatience le rapport de sa propre mission.
#internet
#libertés
#maisvousn'aurezpas...
#florentpagny
De la même façon que Reporters Sans Frontières émet chaque année un classement reconnu sur l’état de la liberté de la presse dans le monde, l’ONG Freedom House a publié son rapport annuel sur l’état de la liberté sur le net, et le résultat n’est pas joli joli. En effet, selon le rapport, la liberté est en chute de manière générale pour la septième année consécutive, avec notamment au programme une augmentation des attaques physiques contre les activistes et journalistes, une augmentation de la censure mobile, et l’immixtion dans les élections via les réseaux sociaux – le rapport estime ainsi que les tactiques de désinformation auraient joué un rôle important lors des élections dans au moins 18 pays. Un rapport assez inquiétant donc, qui fait écho aux questions qui se posent sur le lien entre la démocratie et le développement d’Internet.
#cybersécurité
#lavieprivée(pasque)pourlesnuls
Un vademecum en trois parties pour les protéger tous : c’est ce que propose le site Wired, en distinguant (de façon un peu artificielle) l’utilisateur lambda, la personne publique et l’espion confirmé, afin de proposer à chacun une série de mesures (plus ou moins faciles) à mettre en place pour garantir sa cybersécurité. Mots de passe, cryptographie, vidéosurveillance : le spectre est riche, et si tout ne vous est pas utile, vous apprendrez du moins sûrement quelques idées neuves sur l’état des techniques – pour devenir, un jour, le nouvel Edward Snowden ? Pensez à nous quand vous croiserez Jean-Michel Jarre.
#terrorisme
#libertédecommunication
#ledroitd'abord
Nouvelle sanction du législateur qui tente d’élargir son cyber-arsenal en matière d’infractions liées au terrorisme : le délit de consultation de sites faisant l’apologie du terrorisme est encore une fois censuré, emportant abrogation de l’article 421-2-5-2 du Code pénal à date de publication de la décision du Conseil. De façon intéressante, ce dernier se réfère à la “liberté de communication” pour distinguer entre l’adhésion “passive” à une idéologie, fût-elle terroriste, et la commission en pratique d’actes relevant de la loi pénale ; manière subtile de signifier au gouvernement et aux assemblées que non, le délit d’opinion, sur Internet comme ailleurs, n’est toujours pas prêt d’entrer dans le droit français…
#legaltech
#IA
#maispropose-t-illecafé
Tour d’horizon des solutions qui bouleversent déjà la vie des cabinets d’avocats : de la recherche juridique à l’optimisation des fameux templates de contrats, l’intelligence artificielle est à l’oeuvre, et n’attendra pas demain pour forcer la révision de nos habitudes. Outre l’argument classiquement darwinien (“s’adapter pour ne pas disparaître”), l’article pointe une dimension critique de l’IA, particulièrement pertinente dans ce domaine : celle des data sets, de la richesse desquels dépend le succès de l’algorithme. Un dilemme à l’évidence pour certains cabinets, dont les bases de know-how constituent un atout majeur dans la seule mesure où elles restent privées ; un appel du pied, aussi, d’autre part, pour le législateur : à quand le véritable open data des décisions de justice ?