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Celle qui refuse de déserter – Maj du 09/04/19

L'actu en bref

Cette semaine commence, une fois n’est pas coutume, avec un erratum relatif à la semaine dernière : c’est le CSPLA, accompagné de la HADOPI et du CNC, qui est chargé d’une mission sur la transposition des dispositions de la directive droit d’auteur relatives au filtrage de contenus, et non le CSA – merci à Rémi ! On embraie sur la news de la semaine, le changement majeur dans la rédaction des arrêts de la Cour de cassation – pour plus de détails cf le dossier de presse. Dans notre rubrique Facebook hebdomadaire, tout le monde veut répondre à Mark Zuckerberg : Paula Forteza (par ailleurs chargée d’une mission sur l’informatique quantique), l’EFF, plein de journaux comme la Harvard Business Review ou le Wall Street Journal, et, notre préférée, l’ICO (CNIL anglaise), et ce alors que les données de 540 millions de comptes ont été retrouvées sur des serveurs Amazon. A propos d’Amazon, notons des avancées dans son projet d’Internet par satellites et dans le divorce entre Jeff et MacKenzie ; plus largement sur la tech, il faut retenir que des mouvements louches ont eu lieu dans la sphère Bitcoin, le prince Harry et sa femme Meghan ont battu des records sur Instagram tout en dépossédant un homme de son pseudo, Slack fera son entrée à la bourse de New York cet été, Lego se reconvertit en plateforme de cours de code pour jeunes, on peut hacker une Tesla avec des stickers, le comité éthique de Google est dissout après une semaine d’existence, le G7 a adopté une résolution sur le cyberespace, et la Californie a adopté une réglementation de protection des données personnelles. De notre côté, notons une communication de griefs de la Commission à plusieurs acteurs du jeu vidéo dont le géant Valve, une décision du Conseil constitutionnel qui retoque une partie des dispositifs de contrôle d’AirBnB, une décision du Conseil d’État qui confirme qu’en dehors de la période électorale, les chaines peuvent inviter qui elles veulent, Nicole Belloubet qui s’oppose à l’anonymat sur Internet, plus de régulation à Paris pour les trottinettes électriques, une plainte contre le framework RGPD de l’IAB, les claviers Azerty ont une nouvelle norme AFNOR, et les règles éthiques pour l’IA de l’UE ont été publiées en version définitive, après consultation. On se quitte sur ces trois mots : Baba is you!

Faites la Maj, et à la semaine prochaine !

Le plus étrange, dans cette fameuse tribune publiée la semaine dernière par Mark Zuckerberg, est probablement le moment où celle-ci intervient : alors que des articles revenaient il y a quelques semaines à peine sur les efforts de lobbying de Facebook pour contrer l’émergence de nouvelles réglementations de protection des données personnelles, pourquoi appeler aujourd’hui à la régulation forte ? On peut y voir deux mouvements concomitants.

L’équivocité de l’intermédiaire

Si nous ne sommes pas fans de l’acronyme GAFAM, force est de constater que l’ensemble des géants du net sont dans une position assez semblable au regard des contenus traités par leurs plateformes et services : aucun n’est éditeur ou producteur. Qu’il s’agisse des moteurs de recherche, des réseaux sociaux ou encore des places de marché en ligne, tous ont construit leurs services sur le principe de la mise en relation, de l’intermédiation, de l’agrégation et du partage de contenus. Le succès de ces services démontre leur utilité et la valeur ajoutée qui est bien créée par les géants du net : face à l’accroissement toujours plus rapide de la masse d’informations disponibles, les intermédiaires de classement et de tri sont nécessaires pour permettre d’y voir plus clair. Les sceptiques peuvent tenter de retrouver des images et des vidéos de ce qu’était la recherche sur Internet avant Google, lorsque des annuaires de liens étaient dressés à la main et qu’il suffisait d’écrire 50 000 fois le mot “maj” en blanc sur fond blanc pour être le premier résultat.

Le caractère équivoque de cette situation n’apparait que lorsque des contenus illicites émergent : il est bien évident que l’on ne peut alors accuser l’intermédiaire d’être responsable de la création du contenu illicite, mais les questions continuent de se poser en ce qui concerne sa diffusion. C’est pour tenter de trouver un équilibre entre protection des intérêts de la société à ne pas voir se propager des contenus illicites et liberté d’expression que le régime de la responsabilité limitée de l’hébergeur a été conçu, afin que les intermédiaires ne puissent être inquiétés qu’en cas d’inaction fautive, après signalement. En pratique, le régime implique souvent de placer l’hébergeur dans une position de juge temporaire de la licéité du contenu : l’hébergeur est ainsi à la fois tiers neutre et départiteur. Il semble que cette double casquette est désormais remise en cause par les hébergeurs eux-mêmes, Zuckerberg appelant explicitement à ce que lui soit ordonné le retrait de contenus par une autorité administrative indépendante : “les décideurs publics me disent souvent que nous avons trop de pouvoir en matière d’expression, et franchement, je suis d’accord“.

La déresponsabilisation du déserteur

La solution pourrait effectivement permettre d’endiguer la propagation des contenus illicites, mais cela se ferait certainement au détriment de la liberté d’expression et d’information, voire de la protection de la vie privée : il n’y a qu’à voir le nombre de voix qui s’élèvent aujourd’hui au sein du gouvernement pour critiquer le pseudonymat pour comprendre à quel point confier à une autorité seule la charge de la censure générale sur Internet serait un choix liberticide. Alors que Facebook et les autres géants du net sont en cours de collaboration avec la Commission Européenne pour travailler à la conception et la mise en œuvre de codes de bonne conduite pour la lutte contre la désinformation et les contenus illicites, la tribune de Mark Zuckerberg ressemble surtout à une désertion. Le pendant du régime de responsabilité limitée de l’hébergeur, qui relève d’une certaine tolérance envers l’erreur et d’une acceptation des risques, est que les principaux concernés doivent collaborer, sinon le régime est voué à l’échec.

C’est bien tout le but du développement des codes de conduite, des chartes éthiques et des mécanismes d’autorégulation : les règles impératives, que l’on appelle “droit dur”, sont déjà en place, et seuls des coups de pouce et des incitations bien placées semblent nécessaires pour garantir le bon fonctionnement du système. Appeler aujourd’hui à ce que des tiers fassent les choix de retrait de contenus, c’est surtout baisser les bras et jeter l’ouvrage avant d’y avoir apporté les dernières touches, pourtant les plus essentielles. Que Zuckerberg ne s’y trompe pas : si l’implication des géants du net dans la lutte contre les contenus illicite diminue, alors la tolérance envers l’erreur et le risque diminuera aussi, et la société sera en droit d’exiger une obligation de résultat. Pas sûrs que cela soit plus sûr juridiquement pour les hébergeurs.

Le Gif de la semaine


À la semaine prochaine, avec un nouveau type de taxi !