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Celle qui enfile son tablier de chef-cuisinier – Maj du 01/12/20

L'actu en bref

Cette semaine, le gouvernement nous a servi un magnifique fiasco législatif, mijoté pendant plusieurs jours à feu doux, accompagné d’une délicate petite sauce aux airelles pour cacher les (nombreuses) imperfections de cuisson. Alors on enfile son tablier et on se lance dans la recette 👨‍🍳 :

  1. Épluchez et coupez en fines lamelles un fait divers d’actualité comprenant des violences contre des policiers (attention, il s’agit bien de violences sur des policiers, celles commises par les policiers feraient tourner la sauce). Ce fait divers servira de justification au reste de la recette, il est donc essentiel de bien le découper pour pouvoir l’étaler sur une surface aussi large que possible au fond de la marmite.
  2. Très rapidement, préparez une proposition de loi pour répondre dans l’urgence à ce fait divers de manière législative parce qu’on sait que la conception du droit est un processus rapide en réponse à l’actualité. La proposition de loi peut être rédigée par le gouvernement et discrètement transmise à un parlementaire qui la portera, l’essentiel étant de passer par une initiative parlementaire et non une initiative gouvernementale, qui prendrait trop de temps parce qu’il faudrait consulter le Conseil d’État et réaliser une étude d’impact afin de s’assurer de la qualité du texte à venir. Pour notre recette, il est impératif d’aller vite et mal.
  3. Si à cette étape votre proposition de loi ne suscite pas d’émotion par quelques dispositions liberticides, vous avez tout faux : jetez l’ensemble et recommencez en prenant bien soin de limiter la liberté d’expression, notamment sur Internet. Quelques mots clefs utiles : “haine en ligne“, “transparence [des algorithmes]“, “éthique“, “permis Internet“, “zone de non-droit“.
  4. Face aux critiques dont vous faites désormais l’objet, tentez de rattraper le coup en déglaçant grâce à des amendements de circonstance déposés par l’exécutif (qui révèle donc son rôle de chef cuisinier) que votre majorité (les commis de cuisine) votera sans broncher : les termes “manifestement“, “dans l’intention de“, “sans préjudice” vous permettent de garder la lettre du texte mais de faire semblant que vous recherchez un équilibre gustatif avec les libertés. Attention également à bien prendre soin de créer de nouvelles notions juridiques subjectives pour rendre le tout bien compliqué à mettre en œuvre en pratique, comme “l’intégrité psychique” ou le “but malveillant“.
  5. Si la sauce commence à déborder de la marmite (par exemple, si votre proposition est tellement attentatoire à la liberté d’expression que Le Figaro descend en manif’), il faut baisser un peu le feu en poussant plus loin la recherche de l’équilibre avec les libertés. Vous pouvez par exemple proposer la réécriture complète des dispositions litigieuses par une commission externe (l’équivalent de commander un Uber Eats alors que votre moitié vous a préparé un petit plat). Attention tout de même, vos commis de cuisine risquent de mal le prendre.
  6. Vous pouvez à tout moment si la cuisson continue de tourner annoncer une “suspension” pour ensuite préciser qu’il s’agit en fait d’une “réécriture complète, ce toujours sans porter la moindre considération à vos équipes en cuisine et aux procédures pourtant constitutionnelles d’élaboration des lois (inutile en effet de se préoccuper de ce que le Sénat fera, quel que soit leur choix vous pourrez toujours imposer le vôtre par le biais de vos commis de cuisine). En gros on prend les mêmes et on recommence, mais d’une manière différente – par exemple dans le projet de loi “séparatismes” ? (Nota : passer par un projet de loi est une modification de la recette mais ça peut quand même marcher, il suffit de ne pas se soucier des avis que vous recevrez, comme dans le cas de la loi contre la haine en ligne).
  7. En attendant, vous avez réussi à cristalliser les critiques contre un ingrédient de votre sauce, et vous pouvez faire adopter tranquillement le reste, qui n’est pas mieux écrit ou moins attentatoire aux libertés.

Essayer cette recette, c’est l’adopter ! Si vous avez bien suivi ces étapes, il ne vous reste plus qu’à attendre la huitième et dernière : un retoquage complet du texte par le Conseil constitutionnel, pour pouvoir dire que vous avez essayé de protéger la population mais que votre texte a été mal compris par les juges. Si ça vous arrive, vous êtes prêt(e) pour Top Chef !

Après cette petite mise en bouche, passons à des actus plus intéressantes, avec 3 news du Conseil d’État : un rempilage sur l'(in)action du gouvernement en matière environnementale, avec une injonction de démontrer que des actions ont été prises pour répondre aux engagements des accords de Paris ; une décision mi-figue mi-raisin sur les aménagements de la justice en période de COVID, avec suspension du recours à la visio pour les assises et les cours criminelles mais maintien des autres dispositions, y compris les restrictions d’accès aux audiences pour le public, acceptables uniquement si les journalistes sont toujours admis afin de permettre une certaine publicité – décision qui fait grincer les dents du Ministère de la Justice car il semble que la formation consultative du CE avait, elle, validé le recours à la visio… 😬 ; et enfin l’expérimentation de débats oraux pour les affaires les plus importantes, une première pour la haute juridiction habituée à n’entendre que ses rapporteurs publics. On continue avec pas mal de news #donnéespersos : la CNIL prononce une amende de 3 millions d’euros pour le groupe Carrefour pour divers manquements, et ce malgré la bonne coopération des sociétés aux contrôles et à la mise en place de correctifs ; la CNIL qui publie aussi une FAQ sur le télétravail #nevertoolate (ce alors qu’un accord sur le télétravail est en passe d’être trouvé avec les partenaires sociaux) et ouvre deux consultations publiques, l’une sur l’exercice des droits via un mandat et l’autre sur la gestion locative ; toujours dans le thème on note la lettre de l’EDPB sur le sujet des cookie walls et la décision du CE de juin dernier. Du nouveau du Parlement européen aussi avec une directive ouvrant des actions de groupe aux consommateurs européens et une résolution appelant à un droit à la réparation des appareils électroniques ; à noter aussi la proposition de la Commission d’un Data governance Act, première étape de la stratégie des données de l’UE, qui promeut l’accès à des données publiques jusque là inaccessibles du fait de certains droits. On note aussi un rapport sur les enjeux législatifs de l’IA en matière de propriété intellectuelle par la Commission EU ; l’annonce de la fusion entre Syntec Numérique et Tech in France pour créer une giga association de représentation des entreprises de la tech françaises ; et l’élection de Julie Couturier au bâtonnat du barreau de Paris pour 2022.

Quelques notes tech pour le dessert : Buzzfeed va racheter le Huffpost et Salesforce va probablement racheter Slack ; YouTube, le CNC et Arte vont mettre en avant des contenus culturels sur la plateforme ; et de belles GAF(fes)AM d’Amazon et Apple : Numérama nous résume tout ce qui ne va pas avec Amazon, notamment les récentes accusations d’espionnage de ses salariés, tandis qu’Apple est condamnée en Italie pour pratiques anticoncurrentielles (10 millions) et doit gérer un cas de corruption – son directeur sécurité aurait acheté un permis de port d’armes avec des iPads.

Si vous n’avez pas le ventre plein, n’hésitez pas à jeter un coup d’oeil au site du Conseil constitutionnel dédié aux 10 ans de la QPC, et sinon digérez bien pour faire la Maj la semaine prochaine !

Le Gif de la semaine


À la semaine prochaine, sur le toit du monde !