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Celle qui ne veut pas juger la haine – Maj du 09/07/19

L'actu en bref

Cette semaine, les femmes étaient à l’honneur, non seulement avec la fin de l’excellente Coupe du monde de foot, mais également avec une série de nominations à de hauts postes : Chantal Arens, présidente de la Cour d’appel de Paris, devient première présidente de la Cour de cassation, tandis que Christine Lagarde et Ursula von der Leyen devraient être confirmées à la tête de la BCE et de la Commission. Une semaine également d’actu judiciaire : la CNIL anglaise (l’ICO, nom très embêtant quand on traite aussi de blockchain) annonce son “intention” d’imposer une amende de plus de 200 millions d’euros à British Airways (le concept d’annonce de potentielle amende nous laisse perplexes #procèséquitable mais le montant faramineux montre que l’ère RGPD est désormais bien installée) ; Facebook prend une nouvelle amende, cette fois de 2 millions en Allemagne pour mauvaise application de la loi sur les contenus haineux ; Samsung France est mis en examen pour pratiques commerciales trompeuses à la suite d’une plainte sur la dichotomie entre ses actions et ses engagements éthiques, une première ; la Belgique est condamnée à une astreinte de 5000 € par jour pour non transposition d’une directive européenne sur Internet ; les tribunaux vont connaitre d’une nouvelle affaire Molotov, cette fois contre TF1 et le Conseil d’État considère que les relevés de comptes ouverts par les députés pour leurs frais de mandat ne sont pas des documents administratifs. Notons aussi niveau politique l’augmentation des pouvoirs d’enquête de l’ADLC qui aura désormais accès aux fadettes, la relance de la taxe Google Images par une mission confiée au CSPLA, des changements dans la justice universitaire qui remettraient en cause son indépendance, un point sur les projets du vice-président pirate du Parlement européen et la sortie du rapport annuel du Conseil d’État et des recommandations de la Commission sur l’IA. Sinon, petit point sur ce qu’est le browser fingerprinting et comment y échapper (l’occasion de se reposer la question de si ce genre de techniques doit faire l’objet d’un consentement ePrivacy), huit gros industriels français s’allient sur la recherche en IA, l’ADLC britannique met le rapprochement Amazon-Deliveroo en pause, la police frontalière chinoise installe des trackeurs sur les téléphones des touristes, Google avance sur son projet d’Internet grâce à des ballons à air chaud tout en ouvrant le code source de son robot à robots.txt, et ce alors qu’un troisième “bébé CRISPR” serait né en Chine. On se quitte sur les 40 ans du Walkman et sur une question : combien de temps parviendrez-vous à tenir sur ce site ?

Faites la Maj, et à la semaine prochaine !

Comme vous l’avez peut-être déjà lu dans ces lignes, nous ne croyons pas à la liberté d’expression incontrôlée comme elle le serait aux États-Unis, où, bien que les injures raciales soient permises, la diffamation, elle, est bien pénalisée. Pour autant, le projet de loi contre la haine en ligne actuellement débattu au Parlement nous semble aussi peu souhaitable que la perspective de n’avoir aucun cadre à la liberté d’expression.

La colère des faibles

La haine, c’est la colère des faibles… Si j’étais rémouleuse, je me méfierais…” écrit Alphonse Daudet dans les lettres de son moulin. La notion de haine a fait l’objet de maintes études de philosophes et de psychiatres, mais peu de définitions nous semblent toucher le cœur du sujet aussi profondément que celle-ci. On y apprend que la haine est un sentiment, associé par Daudet à une absence de contrôle de soi, qui laisse craindre un passage à l’acte. Cette définition cristallise bien ce qui nous parait si contestable dans le projet de loi contre la haine en ligne : en l’absence de passage à l’acte et de commission d’une infraction (de presse, comme l’injure raciale, ou non), la haine reste une idée, une émotion, dont l’expression ne devrait relever que de ce domaine. Imposer le retrait de discours de haine qui ne relèvent pas d’une infraction, c’est basculer d’une société de la responsabilité (chacun est responsable de ses actes et en répond ex post, en comptant sur cette responsabilité pour que les raisons d’intervenir soient limitées) à une société de la prévention (on recherche l’infraction 0, quitte à déresponsabiliser les personnes et brider leurs libertés). C’est tout le délicat équilibre de la définition de la liberté, qui n’existe que si elle est cadrée, mais qui disparait lorsque le cadre est trop restreint.

Le danger que nous évoquons n’est pas une chimère : en témoigne le déluge d’amendements qui visaient à ce que soient retirés sans autre effort de qualification juridique, entre autres, les discours d’agribashing, d’apologie de l’antisionisme ou encore relatifs à l’apparence physique d’une personne. Il semble que fort heureusement, malgré les pressions de nos parlementaires, seuls des propos faisant déjà l’objet d’une infraction pénale seront concernés par la loi. On en vient ainsi au second, et principal, problème de cette loi : l’obligation de retrait sous 24h. La loi contre la haine en ligne souhaite en effet renforcer les obligations déjà existantes pour les hébergeurs de retirer des contenus manifestement illicites, en imposant aux opérateurs de plateformes (et non plus aux simples hébergeurs) de retirer sous 24H les contenus toujours manifestement illicites, mais relevant de certaines catégories de discours. Les sanctions en cas de non respect peuvent monter jusqu’à 4% du chiffre d’affaires mondial. Outre les risques évidents de surcensure associés à des dispositifs aussi restrictifs, et donc incitatifs à faire plutôt trop que pas assez, c’est l’incitation à la justice privée qui est la plus décriée dans ce texte.

Signé Aeon : notre feuilleton de l’été « Jugé(e) par une plateforme ? Justice privée à l’ère du numérique »

En effet, le texte fait une fois de plus des hébergeurs (et ici, des plateformes, de manière plus générale, alors que les qualifications d’hébergeur et d’opérateur de plateforme se recoupent mais ne se recouvrent pas) les censeurs du manifestement illicite, état de fait que nous critiquions déjà avant qu’il ne soit assorti des conditions, délais et sanctions sus-cités. Les députés ont même fermement rejeté l’idée d’introduire un contrôle ex ante du juge étatique avant décision de retrait d’un contenu. Nous sommes bien face à un choix délibéré du législateur de confier aux entreprises du web le soin de qualifier juridiquement des contenus, et en conséquence, de les maintenir en ligne ou de les retirer.

Il s’agit donc d’une compétence quasi juridictionnelle, que l’on peut qualifier de justice privée, et qui fait écho à d’autres mécanismes de résolution des litiges mis en œuvre par les entreprises du net, comme par exemple le projet de “Cour Suprême” de Facebook ou l’interface de médiation d’AirBnB. Ça tombe bien, ce sujet d’actualité brûlante est celui du feuilleton de l’été que nous vous proposons : une série d’articles explorant cette justice privée dont le développement s’est considérablement accéléré avec le numérique, et ce avant un grand tribunal fictif organisé en novembre prochain avec Open Law. Prêt(e)s à binger ? C’est par ici :

Jugé(e) par une plateforme ? | Épisode 1 : Il était une fois la justice d’Internet

Le Gif de la semaine


À la semaine prochaine, sans en louper une !