La Maj d'

La newsletter d'actu techno-juridique : tous les mardis matin à 9h, faites la mise à jour !

En cliquant sur “S’abonner”, vous consentez à recevoir la newsletter d’Aeon (la “Maj”) chaque mardi matin à l’adresse email que vous avez indiquée. Les données saisies dans les champs ci-dessus nous sont nécessaires pour vous adresser la Maj par l’intermédiaire de notre prestataire MailChimp, et ne sont utilisées qu’à cette fin.

Vous consentez également à ce que MailChimp collecte, par l’intermédiaire d’un traceur placé dans l’email contenant la newsletter, des informations relatives à l’ouverture de cet email et à votre lecture de la Maj. Ces informations ne sont utilisées par Aeon qu’aux fins d’améliorer la Maj et son contenu, et ne sont partagées avec aucun tiers hormis le prestataire MailChimp.

Si vous souhaitez lire la Maj sans que ces informations soient collectées, notez que vous pouvez la retrouver à tout moment à cette adresse aeonlaw.eu/maj. Vous pouvez également vous abonner au flux RSS de cette page pour être averti de chaque nouvelle Maj dès sa parution, en cliquant ici !

Pour plus d’informations, consultez la Politique de Confidentialité d’Aeon en cliquant ici.


Celle qui change de décennie comme de chemise – Maj du 07/01/20

L'actu en bref

Cette semaine, c’est la rentrée, mais l’actu tech et juridique n’a pas eu l’air d’avoir été mise au courant que les fêtes de fin d’année avaient lieu : il y a beaucoup, beaucoup à rattraper, donc on s’y met !

Une fois n’est pas coutume, on commence par la jurisprudence, parce que les juridictions n’ont pas chômé : la CJUE a été la plus prolifique : la France aurait dû notifier à la Commission européenne les obligations imposées à AirBnB de disposer d’une carte professionnelle d’agent immobilier ; les violations de licences logicielles sont des contrefaçons et peuvent ainsi être poursuivies comme telles, même si le régime de responsabilité est contractuel ; la revente de ebooks d’occasion est interdite sans l’autorisation de l’ayant droit ; et à noter aussi l’avis de l’avocat général qui considère que le Privacy Shield remplit sa fonction. Nos juridictions nationales ne sont pas en reste : le Conseil d’État a reconnu la possibilité d’engager la responsabilité de l’État en cas d’application de lois inconstitutionnelles (tout en refusant d’appliquer cette nouvelle jurisprudence en l’espèce) ; le Conseil constitutionnel a validé sous conditions #BigBrotherBercy, la surveillance de masse des réseaux sociaux par le fisc ; la Cour de cassation a confirmé la redevance sur les musiques libres diffusées dans les magasins ; et la Cour d’appel de Paris condamne la Manif pour tous pour reprise d’un hashtag (et d’une campagne de com’) de la SPA – Brigitte Bardot 2 – 0 Frigide Barjot. À noter aussi les mises en demeure de la CNIL de plusieurs établissements scolaires pour vidéosurveillance excessive ; le CSM ne retient aucune faute à l’encontre des magistrats de la Cour de cassation soupçonnés d’impartialité ; Bloomberg condamné pour fausses informations par l’AMF (5M €) ; et Google condamné par l’Autorité de la concurrence à 150 millions d’euros d’amende pour règles de fonctionnement de sa plateforme Google Ads considérées opaques et difficilement compréhensibles – #legaldesign ?

On embraie sur les news tech : 2019 a été une « année record » en termes de violations de données ; d’ailleurs, le ministère des affaires étrangères autrichien est le dernier en date touché tandis qu’il est révélé qu’Ameli souffrait également d’une grosse faille ; Stanford publie son index 2019 sur le développement de l’IA ; et 2019 aura aussi été l’année où, mondialement, l’audience d’Internet aura dépassé celle de la télé. Dans votre feuilleton #GAF(fe)AM de l’hiver, Apple et Google sont cités dans un procès sur la mort de travailleurs mineurs (aux deux sens du terme, enfants et mineurs dans des mines de cobalt) congolais ; le Brésil condamne Facebook à une amende de 1,5 million d’euros pour Cambridge Analytica ; et Uber va transiger pour plusieurs millions sur une enquête pour harcèlement sexuel.

On termine avec une section régulation qui n’est pas en reste : depuis le 1er janvier, on ne dit plus tribunal d’instance ou de grande instance mais tribunal judiciaire – ce n’est d’ailleurs pas le seul changement et on vous incite vivement à faire le point sur les modifications entrées en vigueur – à noter par ailleurs que les avocats contestent un certain nombre de dispositions devant le Conseil d’État – en attendant, un avocat met des modèles d’actes à disposition ; après le RGPD/GDPR, le nouvel acronyme à connaitre est le CCPA, la loi californienne de protection des données personnelles – petit comparatif ; faisons le point sur la loi Avia contre la haine en ligne après son toilettage par le Sénat ; alors que le débat autour de la reconnaissance faciale continue de faire rage, Cédric O semble faire marche arrière sur Alicem ; l’AMF a délivré son premier visa à une initial coin offering en France ; et l’OMPI appelle à des contributions sur l’IA et la propriété intellectuelle.

On se quitte sur cette bande-annonce d’un jeu vidéo qui nous chagrine assez puisqu’il veut notre mort, et sur cette initiative assez drôle du Guardian : puisque Mark Zuckerberg refuse de lui accorder une interview, le quotidien britannique a entrainé un bot avec des interviews du dirigeant de Facebook et publié les réponses de son Zuckerbot. Parfois drôles, souvent incompréhensibles, et dans l’ensemble assez flippantes.

Faites la Maj tout en recevant nos meilleurs vœux, et à la semaine prochaine !

Comme chez Aeon, on aime bien ne rien faire comme tout le monde, on ne vous souhaite pas une bonne année. Non – mieux : on vous souhaite une bonne décennie ! On sait bien que, l’an “0” n’ayant pas existé, les décennies commencent au 1er janvier des années dont l’unité est “1”. Qu’importe, nous ne sommes pas des ordinateurs binaires, et 0 ou 1 nous conviennent tous deux pour compter les décennies ! Puisque personne, pas même quelque ancêtre inca, n’a jugé bon cette fois-ci de nous prédire la fin du monde pour dans deux ans, gageons en effet qu’on sera encore là dans dix, même jour même heure, même pomme (du moins pour les utilisateurs de Mac), et souhaitons-nous le meilleur d’ici là.

C’est qu’une décennie, ça n’est pas rien – surtout par les temps qui courent. C’est une durée suffisante pour changer de paradigme, voir naître et s’effondrer des empires, passer de l’espoir à la défiance. En faut-il quelques exemples ?

En 2010, le magazine Time élisait pour « personnalité de l’année » un certain Mark Zuckerberg ; en 2019, c’est Greta Thunberg. En 2010, Instagram venait de se lancer : on ne parlait pas d’influenceur ou si peu, et Norman ne faisait pas encore des vidéos ; les marques ont depuis eu le temps tout à la fois d’apprivoiser, d’exploiter cet outil marketing et finalement d’en reconnaître les limites. En 2010, on pouvait encore faire des blagues sur les produits de contrefaçon chinois, de supposément piètre qualité ; à l’orée de 2020, on les redoute pour bien d’autres raisons. En moins de dix ans, Wework a accompagné et symbolisé, avec ses espaces de travail partagés, l’essor de l’écosystème startup, avant que d’en cristalliser tous les défauts.

Lire les grandes lignes

Ce qui frappe naturellement, c’est l’accélération du temps. On admettra, pour faire beau jeu, que l’auteur de ces lignes n’avait pas sa majorité à l’aube de la décennie écoulée – il n’empêche que chaque semaine apporte un lot si grand d’événements d’une telle ampleur, aux ramifications si complexes à élucider, que n’en paraissent même plus suffire la présente newsletter et son humble petit format hebdomadaire. Que faire alors ? Ici comme ailleurs, prenons du recul.

Qu’ont donc été les années 2010 ? A bien des égards, on ne s’en cachera pas, un beau paquet de désillusions – du moins pour ce qui nous concerne, à savoir le droit de la tech (pour le reste, à chacun ses petits bonheurs, on n’est pas ici pour juger). La décennie s’achève sur des condamnations en série, judiciaires mais pas que, pour ces mêmes géants qui portaient avec eux nos aspirations vers un monde plus ouvert, plus équitable et plus créatif il y a quelques années encore : droit de la concurrence, données personnelles, évasion fiscale – nous apprenons ainsi à nous méfier des plus grands.

De manière générale, la technique ne fait plus rêver – ou alors d’un rêve mesuré, encadré, sous réserve, mis en balance avec les droits et libertés, bref un songe qui n’est pas celui du technophile. Entre les mains d’un État qui s’exerce enfin au numérique, cette technique inquiète : c’est la vie privée menacée par la reconnaissance faciale peur, et appelle partant des formes nouvelles ou renforcées de régulation, c’est le formidable (au sens étymologique) potentiel de la technique, et notre incertitude de ce que son usage, une fois déployée, sera effectivement limité à faire le bien, ou du moins à la dose de violence légitime tout juste nécessaire à la préservation de l’ordre, qu’elle soit chez Alicem ou dans les lycées, ou encore par la surveillance des réseaux sociaux côté Bercy.Dans toutes ces hypothèses, ce qui fait social. La compliance n’est pas affaire d’autre chose.

Sortir de l’hiver

Aussi nous sommes-nous habitués à douter – de la faisabilité de tel ou tel projet, de son impact social et environnemental, de la capacité de ceux qui nous gouvernent à comprendre et orienter le monde d’aujourd’hui, de la possibilité même enfin de réglementer les technologies contemporaines et leurs exploitations.

Ce doute est sain, à l’évidence, dans une large mesure ; il est aussi probablement conjoncturel, pour ne pas dire cyclique : comme d’aucuns parlent d’une périodicité de l’engouement autour des sujets liés à l’IA, qui verrait se succéder des phases d’émulation et des AI winters, la fin des années 2010 correspond sans doute à une phase de désamour, un « hiver technologique » (et non pas technique).

Seulement, comme chaque enfant (que nous avons tous été) le sait pertinemment, après l’hiver vient nécessairement le printemps – alors parions que 2020 nous donnera des raisons d’espérer. Les germes sont déjà visibles : la tech for good n’est pas, après tout, qu’un slogan marketing ; mais pour le droit, dont il est plus précisément question chaque semaine dans ces colonnes, voici ce qu’on aimerait voir cultiver sur les dix années à venir (en bio et en local, s’il vous plaît) : des réglementations raisonnées, co-construites, durables, qui ne soient pas systématiquement boostées à coups de procédure accélérées ; du droit souple, qui plie mais ne rompt pas ; enfin des citoyens au jardin, qui mettent la main à la terre, et une Union Européenne fière de ses produits.

D’ici là, il ne nous est que de vous souhaiter tout le plaisir et la réussite, individuelle et collective, personnelle et professionnelle, que le temps sait apporter, et que ce printemps soit aussi le vôtre. Pour cette bientôt troisième année, nous serons dans vos inbox chaque mardi matin à 9h30 (modulo les soirées de la veille), et vous remercions encore une fois pour votre confiance, vos lectures attentives (et intransigeantes !), et surtout votre fidélité. Tiens, si on se donnait rendez-vous dans dix ans ?

Le Gif de la semaine


À la semaine prochaine, en développant des compétences particulières !