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Celle qui paiera pas – Maj du 01/10/19

L'actu en bref

Cette semaine, énormément de choses au menu. On commence par un petit changement dans la Maj : plus de résumés d’articles en fin de Maj, mais seulement les liens vers ces derniers, et ce pour nous préparer à de nouveaux projets à l’horizon. Vous remarquerez peut-être de légers changements de style de temps en temps dans nos éditos, la plume étant désormais tournante. Ceci étant précisé, plongeons dans l’actu foisonnante de cette semaine, si foisonnante qu’on a du mal à savoir par où commencer. Peut-être par les deux énormes décisions de la CJUE, qui constituent grosso modo des victoires pour Google : il n’y a aucune obligation (ni interdiction) d’appliquer le droit à l’oubli hors des frontières européennes (la décision / le commentaire par Hugo en tweets) ; et les restrictions aux traitements de données sensibles s’appliquent aux moteurs de recherche, mais pas trop (la décision / le commentaire par Adrien dans un article / le commentaire par Hugo en tweets). Ou encore par la décision de Google de se conformer à la lettre de la directive droit d’auteur et de modifier ses services pour bénéficier des exceptions aux droits voisins des éditeurs de presse plutôt que de leur verser un centime : un sujet si sensible qu’on revient dessus en édito – l’annonce de Google / la réaction de Franck Riester / l’analyse par NextINpact. Mais on ne peut pas ne pas mettre en premier chef cette nouvelle assez inquiétante dévoilée par NextINpact d’incorporation au PLF 2020 d’un projet d’analyse par le fisc (notamment par machine learning) de tous (même les vôtres) les posts publics sur les réseaux sociaux : point sur la situation / délibération de la CNIL à ce sujet.

Sinon, côté tech, Snap dévoile un “dossier Voldemort” (sic) fustigeant la copie systématique de ses produits par Facebook (qui, rappelons-le, fait l’objet d’une enquête antitrust aux États-Unis) ; Facebook qui n’est pas en reste de l’actu puisqu’on parle de la rupture de sa promesse de communiquer des données sur la désinformation, tout en annonçant un univers en réalité virtuelle ; Amazon a dévoilé une série de nouveaux gadgets, dont une bague connectée ; Louis Vuitton se lance dans l’eSport avec un partenariat avec Riot Games, éditeur de League of Legends ; Uber revoit son app pour en faire une seule app pour régner sur toutes les autres ; et Framasoft annonce la fermeture progressive de la plupart de ses services pour ne pas devenir le monopole du libre. Une semaine également sous le sceau des grandes déclarations internationales puisque la France a rendu publique la Charte pour un Internet libre et sûr et qu’une déclaration commune sur le même thème était prononcée à l’initiative des US.

De notre côté de l’Atlantique, l’actu n’est pas en reste non plus, notamment judiciaire. Audience attendue au Conseil d’État sur le recours de la Quadrature du Net contre la CNIL pour s’opposer à la tolérance de cette dernière sur les cookies – compte-rendu en tweets par Hugo ; cookies que le Conseil d’Etat reverra prochainement puisque les associations représentatives des médias et de la publicité se sont alliées pour également contester la position de la CNIL à ce sujet (mais dans le sens inverse) ; Vestager gagne et perd sur des arrangements fiscaux d’États membres avec de grandes sociétés : victoire sur Fiat, défaite sur Starbucks ; et des enfants dont la fameuse Greta Thunberg ont saisi un comité de l’ONU d’une plainte contre la France. À noter aussi la réforme de la première instance avec la fusion du TGI et du TI pour former un Tribunal judiciaire – qui s’accompagne d’une modification du taux de ressort (le tout applicable au 01/01/20) et la prise de position de la CNIL sur les jeux mobiles gratuits. On se quitte sur la vision de la fusée de SpaceX censée nous amener sur Mars, et sur 3 petites vidéos : la mise sur le marché de chiens robots, l’étonnante capacité de ce robot gymnaste, et une mignonne petite vidéo de la NASA sur les trous noirs.

Faites la Maj, et à la semaine prochaine !

La nouvelle Directive droit d’auteur a fait couler énormément d’encre, y compris dans nos colonnes. On aurait pu se dire qu’une fois adoptée, les choses se calmeraient : que nenni, elles ne faisaient que commencer. En témoigne le très houleux débat de la semaine sur la position de Google face à l’application de la loi de transposition du droit voisin des éditeurs de presse, résumée en deux mots “Paiera pas !“.

Plus royaliste que le roi

Pour rappel, la nouvelle directive droit d’auteur prend position dans le débat sur le partage de la valeur dans l’univers numérique notamment en permettant aux éditeurs et aux agences de presse d’interdire la reprise (sans contrepartie) de leurs contenus par d’autres sites Internet. Ce droit voisin du droit d’auteur, en ce qu’il ne constitue pas la reconnaissance d’un droit d’auteur (qui aurait nécessité la recherche d’une originalité, qui n’est pas forcément évidente dans tous les contenus publiés par la presse aujourd’hui), connait quelques exceptions : il reste loisible de faire des liens hypertexte vers le contenu et d’en reprendre des “mots isolés” ou de “très courts extraits” qui ne dispensent pas de sa lecture (nota : les utilisations privées sont également exclues). Tout le tollé repose sur le fait que Google a annoncé se conformer littéralement à la loi : plutôt que de payer pour indexer les contenus en cause, le géant du net a annoncé réduire leur exposition sur l’ensemble de ses services à leur plus simple appareil : un lien et le titre de l’article. Plus de résumé, plus d’images, plus de contexte, ainsi que l’interdit la nouvelle loi, à moins que l’éditeur lui-même ne fasse le choix de rétablir ces éléments de lui-même à partir d’un outil mis à disposition par Google, gratuitement, cela s’entend. Il s’agirait alors d’une autorisation explicitement consentie à Google par l’éditeur de réutiliser les contenus gratuitement. Une fois le nouvel affichage mis en place (dans quelques semaines, à l’entrée en application de la loi), il fait peu de doutes que le nombre de visites des éditeurs de presse s’effondrera, et que la tentation de revenir sur Google sera forte.

Censure“, “position inacceptable“, “contournement de la loi” : la levée de boucliers a été immédiate et virulente. Pourtant, peu de choses paraissent mériter de tels qualificatifs en l’espèce : il est évident qu’on ne peut forcer un acteur, quel qu’il soit, à appliquer la loi d’une manière plutôt que d’une autre, tant qu’il la respecte. Si les changements de Google correspondent aux exceptions, sur quel fondement les forcer à reprendre le contenu entier et à passer à la caisse ? La situation traduit une forme de gêne : il semble que, contrairement à ce que l’ensemble des observateurs avaient prédit, se basant sur de précédents exemples allemands et espagnols où la débâcle avait été similaire, la presse et certains politiques avaient la ferme conviction que Google s’assiérait à la table de négociations pour déterminer le juste prix de la reprise des contenus des éditeurs de presse. “No way” a répondu Google, rappelant que le moteur de recherche est à l’origine de plus de 8 milliards de visites par mois sur les sites des éditeurs de presse européens et d’un fonds pour la presse de plus de 300 millions d’euros.

L’histoire se répète

Le fond du débat reste extrêmement intéressant : il est indéniable que Google produit de la valeur, et qu’une partie de cette valeur provient notamment de l’indexation des contenus de presse vers lesquels le moteur renvoie lorsque la requête de l’internaute le requiert. La question est la suivante : est-ce que Google doit être redevable envers les sites qu’il indexe pour la création de cette valeur ? On voit mal en effet pourquoi les sites de presse seraient les seuls concernés, leurs visites ne dépassant probablement pas celles d’autres sites comme les réseaux sociaux, Wikipédia ou encore Aeon. Le cas échéant, comment déterminerait-on cette rémunération ? Les éditeurs répondent que Google se rémunère grâce à de la publicité qui n’est attractive que parce que leurs contenus sont présents sur la page, ce qui, d’après les déclarations de Google, serait faux : il n’y aurait que très peu de publicité autour des articles de presse, les publicitaires ayant peu d’intérêt à choisir “mort jacques chirac” ou encore “incendie rouen” comme mots-clefs publicitaires. Se pose par ailleurs une question de légitimité de ce droit voisin, choisi spécifiquement parce qu’il ne requiert pas d’appréciation de l’originalité : est ainsi opérée une forme de privatisation de l’information, car il devient impossible de reprendre même des articles purement factuels de l’AFP – il serait intéressant de confronter ce droit voisin au droit fondamental d’accès à l’information.

Au fond, on peut voir là une situation semblable à celles des débats du milieu des années 2000 sur le “piratage” ou “téléchargement illicite” : sous la pression des ayants droit, le législateur avait adopté la loi Hadopi, dont on connait bien le bilan. Dans notre cas comme dans celui-ci, une industrie exsangue est parvenue à faire adopter un texte néfaste pour la liberté sur Internet, avec pour seule justification une perception de baisse de leurs revenus et de captation de ces derniers par le numérique. À l’époque déjà, des solutions alternatives avaient émergé et n’avaient pas été écoutées : la licence globale, forme de taxe généralisée sur les abonnements Internet, pour redistribution au prorata de la consommation culturelle – si ça vous fait penser au modèle de Spotify et Netflix, ce n’est pas une coïncidence. De la même manière, la presse européenne, dont il est indéniable qu’elle souffre, cherche un coupable tout trouvé à sa situation, sans, semble-t-il, se demander comment ses voisins du New York Times parviennent à être rentables ou comment ceux de NextINpact font pour tourner. On peut ainsi se demander si la question du partage de la valeur est la bonne. La question revient encore, comme à l’époque du téléchargement illégal, à se demander s’il faut mettre sous perfusion une industrie qui n’a pas su s’adapter au numérique (et non pas une industrie dont on se partagerait les restes morceau par morceau) plutôt que de réfléchir à de nouvelles solutions : sociétalement,combien de fois souhaitera-t-on ainsi sauver de tels marchés ?

La question est d’autant plus pertinente que la loi ainsi adoptée est inutile et néfaste. Inutile, car on voit bien que ses effets escomptés ne se produiront jamais, et ce sans surprise. Bien entendu, il est légitime de réfléchir au rapport de force entre géants du net et États et à l’effectivité de la loi face aux premiers, mais notre cas particulier est simplement un cas de mauvaise écriture et de dilemme insoluble : il était impossible, en vertu de la liberté d’expression et d’information, de ne pas prévoir d’exceptions à ce droit conçu spécifiquement pour brider le partage sur Internet, et il était évident que Google s’engouffrerait dans ces exceptions, notamment parce qu’il en a la force de frappe. Disons le concrètement, la presse européenne a plus besoin de Google que l’inverse. Les petits sites sont donc ceux qui se trouveront pénalisés : eux ne peuvent se priver du contenu perdu en appliquant les exceptions à la lettre, et devront passer à la caisse. Le consommateur, lui, ne s’en trouve pas dans une meilleure position : sur son moteur de recherche, l’information sera moins lisible et accessible, tandis que les plus petits sites qu’il consulte en pâtiront. Espérons que nous saurons nous poser les bonnes questions la prochaine fois qu’une telle situation se produira.

Signé Aeon


#droitàl'oubli

#rgpd

#donnéespersos

#thefuturewillbebacktothecjue


Droit à l’oubli et données sensibles : back to the CJUE !

Commenter un arrêt de la CJUE en moins de 24h, c’est le challenge qu’Adrien a relevé cette semaine, en nous livrant une première analyse de l’une des deux bombes lâchées par la Cour : celle sur l’application des restrictions des traitements de données sensibles aux moteurs de recherche et au droit à l’oubli. Le résultat : une bien étrange relation qu’Adrien tente d’éclaircir.

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Le Gif de la semaine


À la semaine prochaine, comme si on était devant un film d'horreur !