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Celle qui est peut-être trop géante – Maj du 09/06/20

L'actu en bref

Cette semaine aura été une semaine de lancements : lancement, déjà dévoilé la semaine dernière, de la consultation publique sur le Digital Services Act par la Commission européenne (consultation fleuve de 60 pages ! il y en a pour tous les goûts) ; lancement de la nouvelle phase du projet GAIA-X, le projet franco-allemand d’infrastructure cloud européenne ; lancement d’une étude sur la concurrence et le eCommerce par l’ADLC ; lancement de StopCovid qui dépasse déjà le million de téléchargements ; et lancement d’une nouvelle fonctionnalité d’analyse de documents par intelligence artificielle par la legaltech Doctrine. Sinon, la position des plateformes par rapport aux contenus illicites et/ou haineux qu’elles hébergent et diffusent continue de faire couler beaucoup d’encre : le décret anti-responsabilité limitée signé par Trump la semaine dernière est déjà attaqué en justice aux USA ; la position dure de Mark Zuckerberg (“nous ne sommes pas les arbitres de la vérité“) est l’objet de lourdes critiques internes ; et Twitter a suspendu un compte qui reprenait mot pour mot les tweets de Trump, ce qui démontre que la position du président lui confère une forme d’immunité au regard des politiques de retrait du site. En d’autres news, une GAF(fe)AM d’Amazon dont les conditions sanitaires dans des entrepôts américains auraient causé la mort du COVID-19 d’une personne ; une GAF(fe)AM pour Google qui fait face à une class action prétendant que la navigation Internet des utilisateurs de Chrome est suivie même en mode incognito ; Google qui de son côté mène une veille cybersécuritaire et affirme que la campagne présidentielle américaine est déjà visée par des hackers ; la CNIL et le Défenseur des droits se mobilisent sur le sujet des discriminations algorithmiques ; la CNIL des Pays-Bas aurait été sanctionnée par la justice locale pour ne pas avoir agi assez rapidement à la suite d’une plainte ; et le Conseil constitutionnel a rendu une décision sur le statut des ordonnances non ratifiées qui fait couler beaucoup d’encrevraiment beaucoup – le CC affirmant de son côté que “circulez y’a rien à voir“. On se quitte sur de splendides photos du vol de SpaceX de la semaine dernière et sur la news qu’un Picasso a été acheté purement en cryptomonnaie.

Faites la Maj, et à la semaine prochaine !

C’est une sorte de rumeur qui, sans omettre les cris du cœur de certains, anime discrètement depuis quelques années les rues de la Silicon Valley et d’ailleurs un frémissement qui parcours l’échine à la fois des observateurs de la tech qui n’ont qu’une foi conditionnelle dans l’autorégulation du marché mais aussi des concurrents désireux de se tailler une place au soleil du cyberespace. Déjà, en 2017, le magazine Usbek et Rica organisait un procès fictif sobrement intitulé « Faut-il démanteler Google ? ». Aujourd’hui, ce procès risque bien de passer du virtuel au réel.

L’entente des procureurs contre Google

Google est grand, Google est gros, c’est un fait. Depuis quelques temps maintenant, avec 50 États fédérés impliqués, le GAFAM est sous la loupe de la quasi-totalité des procureurs généraux des États-Unis dans des enquêtes de concurrence 360° portant à la fois sur ses activités dans le secteur de la publicité, de la recherche en ligne, et des systèmes d’exploitation pour mobile. Alors que ces enquêtes touchent à leurs fins, et que les procureurs n’ont pas chômé en ces temps de pandémie, il est désormais presque acquis que l’on ne s’oriente pas vers un classement sans suite mais bel et bien en direction d’une bataille de longue haleine entre Goliath et Goliath, The United States v. Google.

Si plusieurs outils sont à la disposition des États américains, il semblerait que l’un d’entre eux est, à ce stade, envisagé comme une piste sérieuse : la séparation du lanceur « Publicité en ligne » de la fusée Google, qui lui génère la majorité de ses revenus (161 milliards). En effet, le reproche qui est fréquemment formulé à la firme américaine est qu’elle vend ses différents services de publicité dans des offres par paquets avec lesquels les compétiteurs ne peuvent rivaliser, faute d’avoir autant de choses à mettre dans les leurs, mais également que Google gère toute la place de marché de la publicité, de l’achat d’espace publicitaire à la distribution des publicités.

La scission d’une société commerciale n’est pas quelque chose d’anodin dans une économie libérale car il s’agit de l’une des formes les plus poussées d’interventionnisme étatique et cette solution ne peut être considérée que comme un dernier recours. Si les procureurs américains considèrent, comme ils semblent actuellement le faire, que la position de Google pose suffisamment de problèmes structurels pour nécessiter une régulation, la séparation de son activité de publicité en ligne ne doit pouvoir intervenir que si aucune autre mesure, comme l’interdiction de certaines pratiques, ne permet de résoudre les distorsions de concurrence. Autrement dit, la question à laquelle il devra être répondu, au stade de l’accusation, mais surtout du jugement si cette brèche aura été ouverte, est la suivante : la position de Google sur le marché publicitaire est-elle si dominante que, quelque soit les mesures alternatives qui peuvent être prises, elle ne peut qu’engendrer des abus ?

Le démantèlement de Google, du juridique au politique

Mais derrière la question du bien-fondé juridique et économique du démantèlement de Google, plutôt que de la mise en œuvre d’une règlementation plus « légère » et ciblée, se cache une autre question de nature éminemment politique : est-on simplement capable d’accepter qu’une firme soit aussi puissante que Google ? Pour le président américain Donald Trump, la question n’est que rhétorique car il est de notoriété publique qu’il n’a pas les GAFAM à la bonne en ce qu’il leur reproche sans cesse de favoriser les contenus « de gauche » plutôt que les siens et qu’il semble être prêt à tout pour leur nuire, comme en témoigne son récent décret contre Twitter. Il ne serait donc pas surprenant qu’il soit favorable à leur déconstruction. Après tout, si les GAFAM ont un tel rôle dans le façonnage de l’opinion publique, c’est surtout parce qu’ils sont gigantesques.

De l’autre côté du spectre politique, Joe Biden a également précisé que, lui président, il créerait une nouvelle branche du Département de la justice américaine qui serait dédiée à l’étude des fusions-acquisitions, y compris passées. Bien évidemment, il n’y a pas de fumée sans feu et si ce sujet trouve un écho important au sein de la classe politique américaine, c’est que cette fameuse opinion publique y est, de manière assez surprenante, très favorable : les sondages montrent en effet qu’il y a, aux États-Unis, une majorité sans couleur et non partisane qui soutiendrait une initiative tendant à démanteler les GAFAMs. Reste encore à savoir si le politique pourrait, à lui seul, reprendre la main sur Google.

Le Gif de la semaine


À la semaine prochaine, sans casser la chaine !