La neutralité est une notion qui n’est pas inconnue de la matière juridique : on parle ainsi de neutralité du juge, de l’arbitre ou du médiateur, de neutralité de l’impôt, de neutralité de la fonction publique ou encore de neutralité d’un État en droit international. À chaque fois, il s’agit de mettre en avant le fait que l’élément neutre est indifférent, impartial vis-à-vis des objets auxquels on le confronte, dans le souci d’un traitement égal de ces objets. C’est bien cette indifférence et cette impartialité qui sont aujourd’hui en jeu aux États-Unis avec la remise en cause de la neutralité, du net cette fois, par la Federal Communications Commission (la “FCC”, l’ARCEP américain).
Qu’est-ce que la neutralité signifie, appliquée au net ? Il s’agit de l’un des principes fondateurs d’Internet, selon lequel le réseau ne doit pas établir de différences de traitement selon les contenus transmis ou selon les expéditeurs ou destinataires de ces contenus. La renier, c’est permettre aux fournisseurs d’accès de faire payer plus pour certains services, mais aussi d’empêcher la diffusion de certaines idées ou de diminuer la couverture réseau de zones trop compliquées à atteindre. Cette semaine, le chef de la FCC Ajit Pai a confirmé que cette commission majoritairement composée de républicains pro-Trump aurait à se prononcer sur le futur de la neutralité du net. À moins d’une grande surprise, ce principe cardinal du web devrait donc être enterré aux États-Unis. Si nous ne serons pas directement touchés en France et en UE, où la neutralité du net a déjà été érigée en principe juridique, il peut néanmoins y avoir des conséquences : certains services peuvent être impactés par le changement et disparaître tandis que d’autres peuvent ne jamais voir le jour, et, bien sûr, cela peut aussi donner le mauvais exemple aux régulateurs européens. Mathias vous propose une Shower Thought donnant une raison supplémentaire de se soucier de la neutralité du net.
Dans cette lignée, cette semaine les institutions européennes ont acté la fin prochaine du géoblocage, pratique consistant à traiter différemment les internautes en fonction de leur nationalité ou de leur lieu de résidence. C’était également la semaine des records : le cours du bitcoin a dépassé les 9,600$ par unité, tandis que Tencent a détrôné Facebook en Bourse et que Jeff Bezos, le patron d’Amazon, a dépassé les 100 milliards de dollars de fortune personnelle après le Black Friday. Sinon, la CNIL a sanctionné Web Editions mais pas trop et a publié un excellent logiciel pour aider à mener les fameuses PIA du GDPR.
Sinon, c’était une semaine de bad boys : on a appris que Google collectait des données de géolocalisation sans l’autorisation des utilisateurs et que Uber avait payé des hackers pour qu’ils ne divulguent pas le vol des données personnelles de 57 millions d’utilisateurs. C’est également une semaine blockchain et bitcoin : on vous parle de rémunération de services web par minage via le navigateur des internautes, compatibilité entre blockchain et GDPR, et Hugo vous propose de réfléchir aux possibilités de financement de campagnes électorales en bitcoins. À noter également le fait que l’ARJEL se penche sur la pratique des loot boxes, récompenses aléatoires dans les jeux vidéo. Enfin, c’est également une semaine d’avancées scientifiques très futuristes : des chercheurs ont augmenté la mémoire humaine grâce à un implant tandis que d’autres se préparent à effectuer une greffe de tête humaine.
Faites la Maj, et à la semaine prochaine !
Ce qu'on lit cette semaine
#neutralité
#Régulation
#USA
#durififiàlaFCC
Suite des événements dans le dossier (crucial outre-Atlantique, et non sans conséquence de notre côté) de la “dé-neutralisation du net” : comme attendu, GAFA et NATU s’entendent, pour le coup, à dénoncer d’une seule voix le geste pro-libéral de la Federal Communication Commission, et les internautes y vont de leurs protestations également, notamment en utilisant du machine learning pour prouver que la consultation publique sur le sujet a été truquée. Pas de quoi faire douter le très républicain Mr. Pai, qui précise que les fournisseurs d’accès Internet seront (quand même !) tenus d’une certaine transparence dans la fixation de leurs politiques de prix. Rassurés ? Non ? On vous comprend. Offrez-vous peut-être quelques actions de FAI américains pour vous remonter le moral…
#Transhumanisme
#bioéthique
#corpsdéconnecté
Il y a maintenant un tout petit peu plus d’une semaine, le neurochirurgien italien Sergio Canavero a annoncé avoir réalisé la première greffe de tête humaine de cadavre à cadavre. Au courant du mois de décembre, oui décembre, ce même chirurgien a programmé de réitérer l’opération, mais cette fois in vivo en transférant la tête d’un patient atteint d’une maladie d’atrophie des muscles sur le corps d’une personne récemment décédée. La communauté scientifique crie à l’hérésie et à la charlatanerie, et elle a probablement raison, mais il n’en reste pas moins que, dans le cas où l’intervention serait couronnée de succès, le dualisme corps-esprit, si fortement ancré dans nos traditions, en prendra définitivement un cou (pun intended).
#donnéespersos
#privacy
#google
#maist'esoù?maist'espaslà
Du bien beau journalisme d’investigation : ou quand Quartz découvre et révèle que pendant toute l’année 2017, n’importe quel téléphone Android pouvait être localisé par triangulation à partir des antennes relais auxquelles il se connectait, à tout moment et sans aucun réglage possible afin d’y échapper. Contactée par le site, Google affirme que la pratique ne visait qu’à améliorer la transmission des communications, et qu’aucune donnée de géolocalisation n’était conservée ou utilisée à d’autres fins ; il n’empêche : quand le législateur européen s’apprête à remettre un tour de vis sur la question de la géolocalisation des équipements terminaux, c’est à bon droit que le journaliste s’interroge.
#blockchain
#économie
#minage
#connaîtresatablede2.984.647.381
Un magazine en ligne expérimente un nouveau business model : celui d’utiliser la puissance de calcul des ordinateurs de ses lecteurs pour miner une crypto-monnaie (avec leur consentement bien sûr) le temps que leur site est consulté. Bien que l’idée soit intéressante, on peut douter de sa viabilité dans la mesure où la tendance veut que plus une crypto-monnaie est populaire et a de la valeur, plus la difficulté de l’opération de minage – qui est fonction de la puissance de calcul globale utilisée pour la miner – a tendance à croître et donc à requérir une puissance de calcul individuelle plus importante. Il semblerait donc que ce modèle devra se limiter aux crypto-monnaies moins populaires et donc moins financièrement avantageuses au risque de ne rien miner du tout, faute de puissance, ou de bloquer les appareils de leurs lecteurs, en leur en demandant trop.
#donnéespersos
#cybersécurité
#dans6moisc'était4%
L’on entend souvent que telle ou telle entreprise a été victime d’une cyberattaque et que des millions de données personnelles ont été compromises, mais rarement entend-on qu’une cyberattaque risque de donner lieu à des poursuite pénales contre les membres de son exécutif. C’est pourtant ce qui est arrivé à ce bon vieux Uber qui, trouvant toujours le mot pour rire, a payé une rançon de 100.000 $ aux hackers qui l’avaient assailli pour qu’ils suppriment les données personnelles des 53 millions d’utilisateurs et 600.000 chauffeurs qu’ils avaient recueilli et que mot ne pipent à ce sujet. Les autorités, moins taquines que d’autres, n’ont pas tardé à réagir puisque que l’avocat général de l’Etat de New York a déjà lancé des investigations et que le secrétaire d’Etat au numérique s’est empressé de réclamer des explications à la firme californienne.
#jeuxvidéo
#pari
#hasard
#jouercestperdre
#paytowin
Est-ce que votre enfant vous a déjà demandé votre carte de crédit pour acheter du contenu sur un jeu vidéo ? Si oui, il est probable que c’était pour acheter une loot box (“coffre à butin”) : il s’agit d’un gain aléatoire (une amélioration ou une modification cosmétique dans le jeu), choisi au hasard parmi une multitude de lots. Il est donc possible de beaucoup y gagner par rapport à l’apport initial mais plus souvent d’y perdre.. Concrètement, vous payez 5 euros pour ouvrir une boite qui peut contenir un nain de jardin décoratif ou l’épée suprême d’Azeroth. Ça vous rappelle le mécanisme du pari en ligne ? C’est également l’ARJEL, qui, saisie par un sénateur socialiste à la suite de la polémique créée à ce sujet par le dernier jeu Star Wars, a décidé de mener l’enquête et n’exclut pas à terme d’adopter une régulation spécifique. Affaire à suivre, et en attendant, jouez avec modération !
#blockchain
#donnéespersos
#gdpr
#partnersincrime
On vous en parlait il y a quelques semaines – c’était même la toute première Shower Thought signée Aeon : comment comprendre et analyser la blockchain selon les termes de la règlementation des traitements de données à caractère personnel ? Dans cet article à haut potentiel d’intuition, Blockchain Partner formule la proposition suivante : et si l’on arrêtait de focaliser sur les développeurs, les mineurs, les utilisateurs, pour se concentrer sur les intermédiaires, qui seuls font le lien entre l’information inscrite et l’utilisateur concerné ? A méditer, pour retendre le lien entre ces deux objets qu’on a tôt fait de croire incompatibles.
#Transhumanisme
#homme-machine
#bioéthique
#conscienceislaw
Des chercheurs de l’université de Californie du Sud ont réussi à améliorer les capacités cognitives de plusieurs patients atteints d’épilepsie par implant. Il est question d’écriture de « code neuronal » par signaux électriques, similaires à ceux naturellement produits. L’on ne peut que voir ici l’antichambre de la promesse d’Elon Musk de créer des interfaces homme-machine dans le cadre de son projet Neuralink. Cette avancée vient par ailleurs renforcer la position selon laquelle la conscience ne serait que le produit d’interactions matérielles (matérialisme philosophique versant Descartes – La Mettrie). Si la conscience n’est que de l’échange d’information selon des règles complexes mais définies, du code, et que, comme le disait si bien Lawrence Lessig, code is law, la conscience l’est-elle aussi ?
#blockchain
#crypto-monnaie
#pssstt'aspasun0,0025bitcoins?
Le Sénat a publié une proposition de loi visant à interdire l’installation et l’utilisation de bornes d’échange et de distributeurs de crypto-monnaies. Au cœur de celle-ci se trouve la lutte contre la cybercriminalité et le blanchiment d’argent : les crypto-monnaies, garantissant le pseudonymat des transactions, sont les devises d’échange de prédilection sur le Darknet pour le commerce de l’illicite. Là où les autorités arrivent à conserver une certaine visibilité lorsque la valeur des crypto-monnaies est transférée sur un compte bancaire dont le titulaire est connu, tel n’es pas le cas quand elle est convertie en argent liquide. En effet, la seule information que l’opérateur d’échange est capable de fournir est : « un compte dont le titulaire m’est inconnu m’a viré/acheté X en crypto-monnaie ». L’on regrettera simplement que l’on ait voulu sortir le bazooka alors qu’un simple contrôle d’identité au moment de l’échange aurait suffi.