4,34 milliards d’euros, ça permet d’acheter 2,17 milliards de cheeseburgers au McDo, 384 voitures “Sweptail” de Rolls Royce, les dix meilleures équipes de baseball ou même 3 navettes spatiales. Ça permet aussi de s’acquitter de l’amende record que la Commission européenne a (de nouveau) infligé à Google pour abus de position dominante.
La sanction de l’abus
L’abus de position dominante est une infraction intéressante en ce qu’elle rejoint quelque peu l’adage “la fraude corrompt tout” : contrairement à ce que ses détracteurs affirment, il ne s’agit pas de sanctionner une entreprise qui aurait trop de succès, mais d’interdire des pratiques qui ne sont possibles que parce que la société en question a tant de succès, et qui empêchent d’autres acteurs d’émerger. Dans un secteur où les effets de réseau sont rois, il est fréquent que des entreprises acquièrent une position dominante sur un marché. Ce qui est reproché n’est donc pas tant la réussite, mais l’utilisation d’une position de force pour s’y maintenir.
Le coupable du jour est bien connu des services puisqu’il s’agit d’un récidiviste : déjà l’année dernière, l’amende Google Shopping avait défrayé la chronique avec son montant vertigineux de 2,34 milliards d’euros. Les faits sont assez similaires : dans Google Shopping on reprochait au géant de la recherche de favoriser son comparateur de prix dans les résultats de son propre moteur, tandis qu’aujourd’hui avec Android, c’est le fait d’imposer son moteur de recherche et ses services liés sur la plateforme mobile qui est sanctionné. Dans les deux cas, la Commission a considéré que la pratique nuisait à la libre concurrence, et donc était défavorable au consommateur.
L’UE face à l’économie du web
Google a annoncé faire appel, chiffres à l’appui : Android est utilisé sur plus 24 000 téléphones différents, créés par plus de 1 300 marques, donnant accès à plus d’un million d’applications mobiles. Cela ne serait possible que parce que Google a imposé ses règles, créant une expérience utilisateur harmonisée (ce qui devrait plaire à l’UE) tout en laissant suffisamment de marges de manœuvre pour que chacun ajoute ses spécificités. Le système serait vertueux : plus les utilisateurs plébiscitent Android et son app-store Google Play, plus les marques créent de téléphone Android, plus les utilisateurs ont de choix et utilisent Android… #effetderéseau.
L’UE semble simplement, une fois n’est pas coutume, se démarquer du mode de pensée des géants américains en faisant passer un autre message. On pense évidemment à la lutte contre l’économie de la donnée personnelle qui a également lieu en parallèle avec l’arrivée du GDPR, et potentiellement de ses amendes. Dans les deux cas, ce sont bien des modèles de pensée qui paraissent s’opposer : pour les géants du net, les croisements de données et de produits permettent de faire fonctionner les effets de réseau à leur maximum, en garantissant ainsi des services d’une très grande qualité qui restent (monétairement) gratuits ; pour l’UE, cette accentuation des effets de réseau est factice car non naturelle (ce n’est pas l’algorithme de Google qui a fait remonter Shopping dans les résultats de recherche) et l’économie de la donnée existe au détriment de la vie privée.
Face à cette situation, il n’y a pas 36 solutions, surtout quand des entreprises comme Spotify et Netflix montrent déjà la voie : préparez-vous à payer.
Ce qu'on lit cette semaine
#brevet
#loipacte
#ceciestune(relative)révolution
S’il est un champ du droit de l’innovation qui ne remuait pas trop récemment jusqu’ici, c’est bien celui de la propriété industrielle, et tout particulièrement des titres protecteurs des inventions que sont le brevet et le certificat d’utilité. C’était sans compter sur le gouvernement français, qui a inséré dans le gigantesque et surtout très varié projet de loi PACTE (Plan d’Action pour la Croissance et la Transformation des Entreprises) plusieurs propositions de mesures relatives à ces deux instruments : “demande de brevet provisoire”, opposition administrative aux brevets délivrés devant l’INPI, élongation de la durée de protection par le certificat d’utilité – les initiatives sont nombreuses, mais toutes ne se valent pas. Adrien, cofondateur Aeon, vous en propose un tour d’horizon critique dans cet article publié (cette fois) chez Les Echos.
#google
#concurrence
#UE
#hattrick?
C’est la grosse news de la semaine. Un doublé de la Commission sur le terrain de la concurrence, à bien des égards : seconde sanction à l’encontre de Google pour abus de position dominante après Google Shopping, mais également multiplication presque par deux du montant de l’amende infligée. C’est ainsi que le géant du numérique se voit reprocher tout de go (i) la distribution liée d’Android et des applications Google Search et Chrome, lesquelles venaient préinstallées sur tout nouveau smartphone, (ii) la création de fortes incitations économiques pour que les fabricants de téléphones pré-installent exclusivement Google Search et (iii) l’interdiction que Google imposait d’installer des versions alternatives d’Android qui n’avaient pas été préalablement validées par elle. Tout ça pour un montant de 4,34 milliards d’euros. Ça peut sembler faire beaucoup, mais il est probable que cette amende de la Commission ait le même effet que les précédentes sur la valorisation de Google : aucun, mais ça peut tout de même permettre à la France de gagner 650 millions. En attendant, Google à 90 jours pour se conformer à la décision de la Commission, qui va désormais pouvoir se concentrer sur le troisième dossier qu’elle couve : Adsense.
#histoiredel’IA
#connexionisme
#apple
#seperceptromper
Même si l’engouement qu’a connu l’intelligence artificielle ces dernières années lui a donné quelque chose de la nouveauté, elle a, en réalité, déjà une histoire de plusieurs décennies. Cet article, le premier d’une série de cinq, nous ramène jusqu’à la fin des années 50, où la rencontre de la biologie et des mathématiques a donné lieu à l’émergence de la première tentative de simulation de système neuronaux par la structuration de l’information. Les faits d’armes du Perceptron, le Alphago des anciens, capable d’apprendre à reconnaître des motifs simples, déjà à l’époque faisaient dire à certains que la singularité était proche. C’est donc l’histoire de la première hype de l’IA, mais aussi de ses premières déceptions. L’on sera d’ailleurs surpris d’apprendre que c’est des décombres de ces grands espoirs que naquit le premier Macintosh.
#portrait
#siliconvalley
#Transhumanisme
#lhommequivalait3milliards(oumemeplus)
C’est le portrait d’un homme à la fois méconnu mais hautement paradigmatique de l’époque que nous propose ici Usbek & Rica : Peter Thiel, investisseur au flair ultra-fin, est un personnage central et incontournable de l’histoire de la Silicon Valley, dont il incarne à lui seul toutes les ambivalences. Thiel, qui a vu pousser (et aidé à pousser) Paypal, Facebook, Airbnb et tant d’autres, mais qui a également fondé la controversée Palantir, multiplie en effet les casquettes sans souci de cohérence, si ce n’est celle d’une ultra-modernité dont on sait pas toujours bien que prendre et que laisser : républicain, libertarien, élitiste, transhumaniste, antisocial – est-ce seulement l’esprit du temps passager, ou ce de quoi l’avenir des sociétés occidentales doit être fait ? A en croire sa fortune, et celles de ceux qui partagent peu ou prou ses idées, on serait tenté de craindre le chemin tout tracé. Face à ce constat, ce n’est même plus seulement d’éthique que nous avons besoin (la “discipline” étant à la mode, mais présentant le risque de finir par être cantonnée à de simples réflexions stratégiques d’entreprises), mais d’une vraie philosophie politique pour penser, collectivement, les grands choix de demain.
#esanté
#alexa
#pirequedoctissimo
#IA
A l’heure où l’automédication devient de plus en plus fréquente et où les consommateurs-patients sont plus prompts à chercher eux-mêmes de l’information pour se faire leur propre idée de leur pathologie (réelle ou imaginée), la qualité des outils disponibles devient presque une question de santé publique. Parmi eux se trouvent Alexa, l’assistant personnel d’Amazon, que les utilisateurs laissent entrer bien volontiers dans leur intimité médicale. Cependant, l’audit des différentes applications (skills) disponibles au téléchargement laisse entrevoir une longue vie à la médecine de proximité. Cet audit catastrophique de l’état du marché Amazon de l’e-santé mené par des journalistes montre que même si certains programmes menacent des domaines spécialisés comme la radiologie, l’on reste encore bien loin d’atteindre le niveau d’un bon médecin des familles. Question d’algo et de dataset.
#Robots
#chine
#nosvoisinsleshommes
La Chine est-elle si avancée dans la course à l’IA qu’on voudrait le prétendre ? A en croire cet article, on en douterait finalement presque : parmi toutes les démonstrations de force récentes de la tech chinoise, le fail et la gaudriole occuperaient en réalité beaucoup de terrain, entre les robots serveurs qui se cassent la margoulette et les serre-têtes liseurs de pensée qui ne lisent rien du tout. Le véritable atout de l’Empire du Milieu dans cette vaste compétition se situerait davantage dans un esprit d’ouverture toujours favorable à la nouveauté, qui le rend prompt à toutes les expérimentations, même les plus gadgets, sans souci d’une véritable réussite ou application technique. Si certains mettent en garde contre la perte de temps et d’énergie précieuse que peut représenter une telle attitude collective, d’autres y voient la garantie que la Chine ne manquera jamais d’être la première sur l’innovation vraiment utile et décisive. En attendant, le business des spectacles de robots danseurs se porte bien du côté de Pékin.