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Celle qui ne casse pas les machines – Maj du 20/11/18

L'actu en bref

Cette semaine aura été bien chargée, sur plusieurs pans de l’actualité. Comme souvent en ce moment, Facebook a fait les gros titres : le New York Times a publié une enquête détaillée sur la manière dont les dirigeants de Facebook ont fait face à l’adversité et sur certains choix douteux effectués. Pendant ce temps, Facebook annonçait la création d’une “cour d’appel” des contenus et un partenariat avec l’Élysée pour lutter contre les contenus haineux, sur fond de nouvelle plainte contre le réseau pour violation de données personnelles par Internet Society France. Les réseaux sociaux sont également à la une en raison de l’annonce de Bercy de vouloir les surveiller pour lutter contre la fraude fiscale, idée qui ne plait pas trop à la CNIL, qui n’apprécie pas non plus l’élargissement du FNAEG, le fichier national des empreintes génétiques. Une semaine également marquée par la lutte contre le harcèlement du côté des grandes entreprises du net et contre l’exposition précoce aux écrans chez les sénateurs. Notons par ailleurs que la France est bien notée en neutralité du net, l’Allemagne est la nouvelle sur la liste des futures super-puissances de l’IA, Blablacar va mieux et reçoit un investissement de la SNCF, Waymo va lancer un service commercial de voitures autonomes le mois prochain, Microsoft a des problèmes GDPR aux Pays-Bas sur Office, SpaceX a eu l’autorisation de déployer ses 7000 satellites dans l’espace pour amener Internet partout, et le kilo a changé de masse. On se quitte sur un point sur la réforme de la réforme du droit des contrats par le CNB, une belle vidéo récapitulative du discours du Premier Ministre au Grenelle du Droit 2, et, sur une note un chouia plus légère, la bande-annonce du film Détective Pikachu, parce que pika pas, et sur un serious game de l’UFC sur la maitrise des données personnelles.

Faites la Maj, et à la semaine prochaine !

La destruction en 1811 et 1812 des machines par les luddites est probablement l’exemple le plus connu des tensions très fortes que le progrès technologique peut engendrer : des professions centenaires (tondeur de drap ! tisserand sur coton ! tricoteur sur métier !) ont disparu en moins de dix ans, cédant la place aux machines à tisser, qui permettaient d’obtenir le même résultat, plus rapidement, à moindre coût. Cette histoire mérite réflexion, puisque les luddites, au fond, avaient raison : leur avenir était véritablement menacé par le développement de la technique, et leur réaction n’était donc qu’un ultime réflexe de défense face à une réalité qu’ils n’avaient que trop bien anticipé, sans trouver d’autre solution que de se battre.

De la machine à tisser à Uber

Il serait aujourd’hui bien difficile de détruire les machines qui semblent menacer certains emplois, mais le progrès technologique continue de susciter les mêmes crispations : on se souvient des affrontements, parfois violents, entre taxis et Uber. Comment détruire Uber ? Même à l’époque, les luddites n’étaient parvenus qu’à détruire que la matérialisation du concept de métier à tisser, mais ne pouvaient lutter contre le développement de l’idée de la machine. À supposer qu’il soit possible de faire sauter tous les serveurs hébergeant Uber, l’idée, elle, existerait toujours et se perpétuerait, comme elle le fait déjà avec les autres types de VTC. Les luddites avaient raison sur le fond, mais leur réaction était vouée à l’échec : il s’agissait d’une confusion entre le support de l’invention et l’invention en elle-même, celle qui aujourd’hui fait l’objet d’une protection au titre du brevet.

Face à ce constat, comment concilier les deux camps ? Si l’on admet que les inquiétudes pour le futur de l’emploi suscitées par le développement de certaines technologies sont légitimes, comment y répondre ? En 1812, les luddites firent face à une répression violente qui fut même condamnée par Lord Byron. En France, les taxis obtinrent gain de cause avec l’adoption d’un décret imposant un délai de 15 minutes entre réservation et prise en charge pour les VTC, qui fut annulé par la suite, pour qu’un autre décret le remplace. Si la solution moderne a pour elle d’être pacifique, elle ne semble pas pour autant la plus adaptée : il ne s’agit que de traiter le symptôme, sans guérir le malade.

Le luddite à la machine à tisser

En vérité, on le constate, depuis la première révolution industrielle jusqu’à la présente, aucune réponse satisfaisante n’a été trouvée pour apaiser les luddites de toutes époques. Un regard à une échelle plus macroscopique peut néanmoins nous permettre de constater que, jusqu’à présent, si les professions défendues par les luddites de toutes époques ont bien été menacées, elles ont toujours été remplacées : la fameuse destruction créatrice de Schumpeter a pour le moment été à l’œuvre dans de tels cas. Elle l’a même été de manière très efficiente puisque ces périodes de destruction créatrice sont celles à la plus forte croissance. C’est ce qui permet à de nombreux penseurs tels que l’économiste Nicolas Bouzou d’affirmer que la solution au problème réside tout simplement dans une politique généreuse et massive de formation et d’accompagnement à la transition. La solution peut paraitre simpliste, et pourtant : si les luddites s’étaient formés à la machine à tisser, qui de mieux placés qu’eux, qui maitrisaient déjà l’art du tissage, pour manœuvrer ces machines ?

Le 6 novembre dernier, le Conseil National des Barreaux a perdu pour la cinquième fois (tribunal correctionnel, cour d’appel, Cour de cassation, tribunal de grande instance, cour d’appel) contre le site demanderjustice.com. L’avènement du numérique suscite dans le monde du droit des réaction proches de celles des luddites : l’expression de “justice prédictive” engendre des craintes qui se concrétisent aujourd’hui par des dépôts d’amendement à l’Assemblée, tandis que les instances représentatives des professions réglementées multiplient les actions en justice contre les legaltechs, avec une réussite mitigée. Les luddites avaient raison sur le fond, mais leur réaction était vouée à l’échec : il aurait mieux fallu se former à la machine à tisser plutôt que de chercher à la détruire.

Le Gif de la semaine


À la semaine prochaine, avec quelques amis !