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Celle qui ne connait pas de repos – Maj du 26/02/19

L'actu en bref

Cette semaine aura été une belle semaine pour la (French) tech : le producteur d’insectes Ÿnsect a levé 125 millions, la mutuelle Alan en a levé 45, et ce pendant que Pinterest et Lyft préparaient leur entrée en bourse prochaine et que Samsung, Oppo et Huawei dévoilaient les premiers smartphones pliants et qu’une entreprise privée lançait une expédition vers la Lune. Notons également le changement de direction chez Nintendo, une nouvelle polémique sur YouTube sur les contenus pédopornographiques et une nouvelle polémique sur Facebook et les données personnelles. Quelques infos cybersécurité également, alors que des blockchains se font finalement hacker, que l’ICANN met en garde contre des risques d’attaques sur le cœur même d’Internet et qu’un classement des plus grandes puissances du piratage est rendu public. Du côté de chez nous, pas mal de news de la CNIL qui nomme la formation restreinte, donne des conseils pour un Brexit no-deal, ouvre une consultation conjointe avec la CADA sur un guide sur l’open data et les données persos, et aurait épinglé Europe 1 pour un fichier illicite en 2017 (révélation cette semaine par Mediapart), les dernières versions en date de ePrivacy et la directive droit d’auteur rendues publiques, un rapport de la DGE sur l’IA en France, la volonté conjointe de la France et de l’Allemagne de réformer le droit de la concurrence après la décision Alstom/Siemens, des réglementations blockchain en Italie, une action lycéenne contre de la reconnaissance faciale, plus de détails sur la future proposition de loi contre la haine sur Internet, et les voeux de Bruno Le Maire pour faire de la France un foyer à data centers. Une semaine également haute en rebondissements judiciaires, avec les victoires de François Ozon pour son film “Grâce à Dieu”, le titulaire d’un compte Facebook reconnu directeur de publication (et donc responsable), et le blocage de sites de streaming à nouveau ordonné à Google et les FAI, pendant qu’outre-Atlantique, on se demande comment interpréter les emojis. On se quitte sur des licences de réutilisation responsable d’une IA pour vos contrats, les résultats des Oscars et un petit jeu faisant suite à la semaine dernière : saurez-vous deviner si cette image est réelle ou générée artificiellement ?

Faites la Maj, et à la semaine prochaine !

Le numérique s’est immiscé dans toutes les branches de nos vies” – voilà probablement l’une des phrases d’introduction les plus courantes aujourd’hui. Les implications de cette banalité sont cependant nombreuses : en plus des exemples classiques comme celui de la numérisation de l’économie, notre sommeil, nos relations sexuelles ou encore notre nourriture sont en passe d’être bouleversés par le numérique. Il en est même ainsi de notre mort.

La mort pour un juriste : question de définition

Comme tout phénomène de masse qui affecte l’ensemble de la société, la mort connait une définition juridique et est appréhendée comme objet de droit. Il en effet déterminant de s’accorder sur la définition de la mort, afin d’en tirer ensuite toutes les conséquences nécessaires. Un excellent article de blog sur le sujet détaille ainsi comment la modernisation de la science a provoqué un séisme dans la conception juridique de la mort : alors que la définition était auparavant assez simple et directe (“Une personne doit être considérée comme morte […] à l’instant où les battements du cœur ont cessé, où le lien vital qui relie toutes les parties de l’organisme a été rompu et où le fonctionnement simultané des différents organes nécessaires à la vie a été définitivement paralysé“, Tribunal de la Seine, 28 août 1889, DP 1892-2-533), la médecine moderne a permis de distinguer entre le coma, la mort cérébrale et la mort tout court, cette dernière ne survenant pas nécessairement à l’instant où le cœur cesse de battre puisque des greffes de cœur sont désormais possibles. Le progrès médical, favorisé par le numérique, a ainsi permis de largement complexifier la notion de mort, au point même où il est désormais question de réglementer l’euthanasie et les conditions auxquelles une personne peut être maintenue en état de vie pendant un certain temps (cas de Vincent Humbert et de Vincent Lambert, notamment).

Un certain nombre de textes encadrent donc aujourd’hui la définition de la mort – on peut ainsi citer l’article R. 1232-1 du Code de la santé publique, qui permet au médecin de réaliser un “constat de mort” en cas simultané d’absence totale de conscience et d’activité motrice spontanée, d’abolition de tous les réflexes du tronc cérébral et d’absence totale de ventilation spontanée. L’article R. 1232-2 va même jusqu’à définir le nombre d’encéphalogrammes plats et l’intervalle de temps minimal entre les mesures lorsque la ventilation était assistée avant le décès. Au-delà de la notion de décès, c’est également la manière dont on dispose du corps qui est encadrée, notamment par le Code général des collectivités territoriales, qui prévoit ainsi un délai minimal (24h) et maximal (6 jours) pour procéder à l’inhumation – on précise que le dimanche et les jours fériés ne sont pas compris dans le calcul.

La mort moderne, entre héritage et oubli

Bien que le degré de détail puisse prêter à sourire, il est évident qu’il est nécessaire. Pour éviter des désastres humains, d’abord – on imagine bien la raison d’un délai minimal de 24h avant de procéder à l’inhumation. Également pour s’accorder sur le point de départ des effets juridiques du décès : il s’agit bien sûr des successions et héritages. L’immatériel a très vite bouleversé ces étapes traditionnelles : comment gérer l’héritage d’une œuvre protégée par le droit d’auteur ? Toujours l’objet de débats (est-il légitime pour un héritier de pouvoir disposer de l’œuvre de son parent, alors que l’œuvre est l’empreinte de la personnalité de ce dernier ?), la question est aujourd’hui réglée par une fiction juridique qui fait durer les droits patrimoniaux 70 ans à compter du décès de l’auteur. La mort est également le point de départ de la perte de droits : ceux que l’on nomme les droits personnels s’éteignent logiquement avec la personne. C’est ainsi que la protection des données personnelles ne s’applique pas aux données relatives à une personne décédée. Une forme de protection persiste avec les délais d’accès à certaines archives publiques, mais elle relève plutôt d’une volonté de conserver la confidentialité des documents que de protéger les personnes.

Le numérique, et en particulier Internet, viennent à nouveau bouleverser cet état de fait. Alors qu’auparavant, le deuil était grandement fondé sur notre capacité à accepter progressivement, douloureusement, la disparition de la personne décédée, même cette période si intime est chamboulée : comment procéder alors que sur Internet rien ne s’efface, et que Facebook, Twitter et YouTube gardent “vivant” le profil de la personne ? Potentiellement inspirés par un épisode de Black Mirror, certaines sociétés travaillent déjà à générer une personne artificielle à partir de ces profils pour discuter après la mort. C’est sans compter les espoirs transhumanistes de prolonger considérablement nos vies, voire de lutter contre la mort elle-même. En attendant, le droit commence à prendre en compte ce nouvel état de fait : la France a été l’un des premiers pays à accorder le droit de donner des directives sur le sort de ses données personnelles après sa mort. Comme souvent, la question est désormais celle de l’effectivité de ce droit, question encore plus complexe lorsque l’on n’est pas là pour s’en assurer.

Le Gif de la semaine


À la semaine prochaine, cette fois ci avec un salto avant !