Cette semaine, l’actu en bref est vraiment brève, et tourne principalement, pour changer, autour de nos géants du net préférés. Une semaine de settlements, ou protocoles transactionnels, pour Google qui enterre la hache de guerre avec le fisc français moyennant un chèque d’un milliards d’euros (500 millions d’euros d’amende et 465 de rattrapage d’impôts, mais pas de reconnaissance de culpabilité) et fait la paix avec d’ex salariés qui l’accusaient de représailles après des critiques internes. Également une semaine de précisions sur l’étendue des enquêtes pour abus de position dominante lancées outre-Atlantique : Google et DuckDuckGo auraient déjà fait l’objet de demandes de communication de documents et informations, tandis que des marchands sur Amazon ont également été interrogés. On note aussi le projet de smartphone blockchain de Samsung, l’adoption en Californie d’une loi censée forcer le statut des chauffeurs Uber en salariés – Uber a déjà annoncé ne pas partager cette interprétation de la loi et donc ne pas compter la mettre en œuvre, et Google met à jour son algorithme pour favoriser les contenus originaux par rapport à leurs reprises. Également au programme, quelques intéressantes affaires judiciaires : il semblerait qu’une décision de justice de cour d’appel américaine ait validé des pratiques de collecte de données sur LinkedIn par un tiers, la CJUE considère qu’une norme nationale empêchant à un moteur de recherche de reprendre des articles de presse est une “règle technique” devant donc lui être préalablement notifiée (petite pensée pour l’article 15 de la Directive droit d’auteur), la CEDH décidera si le fait pour un juge d’être “ami” Facebook avec une partie est une attente à l’impartialité et on note un intéressant avis de l’avocat général sur l’épuisement des droits en matière de ebooks (ne s’applique pas car la transmission de ces derniers relèverait du droit de communication au public et pas de distribution). Enfin, on accueille la nouvelle Commission européenne finalement composée et répartie, on apprend que la France et l’Allemagne s’opposent au Libra (mais on ne sait pas trop comme elles vont le faire concrètement), et qu’Emmanuel Macron a une appli de suivi des réformes. On se quitte sur un sac à dos connecté Google/Saint Laurent qui nous laisse perplexes et sur le départ à la retraite de Jack Ma, fondateur d’AliBaba, en chanson sur scène devant une foule de salariés en liesse, ce qui n’était pas sa première fois. Faites comme Jack, faites la Maj, et à la semaine prochaine !
Éditions précédentes
2021
décembre
Celle qui cherche Dieu - Maj du 07/12/21
Celle qui a la gueule de bois - Maj du 30/11/21
novembre
Celle qui joue à saute mouton - Maj du 16/11/21
Celle qui est née dans un train - Maj du 02/11/21
octobre
Celle qui gomme les frontières - Maj du 19/10/21
Celle qui fait des boulettes - Maj du 12/10/21
Celle qui se lit avec la voix de François Morel #2 - Maj du 05/10/21
septembre
Celle qui conte - Maj du 21/09/21
Celle qui a fait ses cartons - Maj du 14/09/21
Celle qui fait ses courses de rentrée - Maj du 07/09/21
juillet
juin
Celle qui force - Maj du 22/06/21
Celle qui répond au LRAR de la semaine dernière - Maj du 15/06/21
Celle que vous allez recevoir par LRAR - Maj du 08/06/21
Celle qui se vaccine - Maj du 01/06/21
mai
Celle qui se mange en terrasse - Maj du 18/05/21
Celle qui télégramme - Maj du 11/05/21
Celle qui pose la dernière question - Maj du 04/05/21
avril
Celle qui fait Bang Bang - Maj du 20/04/21
Celle qui se lit avec la voix de François Morel - Maj du 13/04/21
Celle qui atteste de manière dérogatoire - Maj du 06/04/21
mars
Celle dont vous êtes le héros - Maj du 23/03/21
Celle qui part en fumée - Maj du 16/03/21
Celle qui fait le guignol - Maj du 09/03/21
Celle qui bourgeonne et pétule - Maj du 02/03/2021
février
Celle qui se grattouille - Maj du 16/02/21
Celle qui ose le fenouil - Maj du 09/02/21
Celle qui vaut bien un meme - Maj du 02/02/21
janvier
2020
décembre
Celle qui se ramasse à la brouette - Maj du 08/12/20
Celle qui enfile son tablier de chef-cuisinier - Maj du 01/12/20
novembre
Celle qui ne rate pas son décollage - Maj du 17/11/20
Celle qui est élue - Maj du 10/11/20
Celle qui se reconfine - Maj du 03/11/20
octobre
Celle qui cherche comment se débarrasser de l'hydre - Maj du 20/10/20
Celle qui cherche la transparence - Maj du 13/10/20
Celle qui fait une overdose de cookies - Maj du 06/10/20
septembre
Celle qui retourne vers le futur - Maj du 22/09/20
Celle qui se pose des questions - Maj du 08/09/20
août
juillet
juin
Celle qui ne contient que de l'actu - Maj du 23/06/20
Celle qui administre avec autorité - Maj du 16/06/20
Celle qui est peut-être trop géante - Maj du 09/06/20
Celle qui n'a toujours pas adopté la Hadopi - Maj du 02/06/20
mai
Celle qui veut se concentrer - Maj du 19/05/20
Celle qui cherche la solution - Maj du 12/05/20
Celle qui remonte la pente - Maj du 05/05/20
avril
Celle qui doit se numériser - Maj du 21/04/20
Celle qui ne se lit qu'avec une connexion Internet - Maj du 14/04/20
Celle qui a le droit de savoir - Maj du 07/04/20
mars
Celle qui est citoyenne de chez elle - Maj du 24/03/20
Celle qui se lit de chez soi - Maj du 17/03/20
Celle qui se requalifie - Maj du 10/03/20
Celle qui s'efforce d'être originale - Maj du 03/03/20
février
Celle qui voit le roi nu - Maj du 18/02/20
Celle qui domine le monde - Maj du 11/02/20
Celle qui fait cavalier seul - Maj du 04/02/20
janvier
2019
décembre
Celle qui pense collectif - Maj du 10/12/19
Celle qui détient le biopouvoir - Maj du 03/12/19
novembre
Celle qui ne fera pas de blague sur les cookies - Maj du 19/11/19
Celle qui est bien de son temps - Maj du 12/11/19
Celle qui s'anarchise - Maj du 05/11/19
octobre
Celle qui ne fait pas de politique - Maj du 22/10/19
Celle qui géopolitise l'e-sport – Maj du 15/10/19
Celle qui voit midi à sa porte - Maj du 08/10/19
Celle qui paiera pas - Maj du 01/10/19
septembre
Celle un brin trop utopiste - Maj du 17/09/19
Celle qui replonge dans le bain - Maj du 10/09/19
juillet
Celle qui aperçoit des cyborgs - Maj du 23/07/19
Celle qui copie sans plagier - Maj du 16/07/19
Celle qui ne veut pas juger la haine - Maj du 09/07/19
Celle qui n'est pas commune - Maj du 02/07/19
juin
Celle qui choisit la pilule de vérité - Maj du 18/06/19
Celle dont la recette évolue - Maj du 11/06/19
Celle qui a trop chaud pour écrire - Maj du 04/06/19
mai
Celle qui retient son souffle - Maj du 21/04/19
Celle qui veut rester entière - Maj du 14/05/19
Celle dont ce n’est pas la dernière saison - Maj du 07/05/19
avril
Celle qui se lit rapidement - Maj du 23/04/19
Celle qui tire la sonnette d'alarme - Maj du 16/04/19
Celle qui refuse de déserter - Maj du 09/04/19
Celle qui est averse au risque - Maj du 02/04/19
mars
Celle qui ne se laissera pas terroriser - Maj du 19/03/19
Celle qui vit sa vie (privée) - Maj du 12/03/19
Celle qui ne veut pas aller travailler - Maj du 05/03/19
février
Celle qui est plus grenouille que bœuf - Maj du 19/02/19
Celle qui ne LOL pas du tout - Maj du 12/02/19
Celle qui passe du bon temps - Maj du 05/02/19
janvier
2018
décembre
Celle qui ravaude sa robe noire - Maj du 11/12/18
Celle qui ne veut pas oublier - Maj du 04/12/18
novembre
Celle qui ne casse pas les machines - Maj du 20/11/18
Celle qui ne s'est pas dédoublée - Maj du 13/11/18
Celle qui souffle ses bougies - Maj du 06/11/18
octobre
Celle qui est fracturée - Maj du 23/10/18
Celle qui doit devenir verte - Maj du 16/10/18
Celle qui doit se cyber-muscler - Maj du 09/09/18
Celle qui est virtuelle, mais bien réelle - Maj du 02/10/18
septembre
Celle qui ne veut plus d'hébergeurs - Maj du 18/09/18
Celle qui ne télécharge plus de films - Maj du 11/09/18
Celle qui entre en friction - Maj du 04/09/18
août
juillet
Celle qui va devoir payer - Maj du 24/07/18
Celle qui n'est pas championne qu'en foot - Maj du 17/07/18
Celle qui est insatisfaite - Maj du 10/07/18
Celle qui n'a pas de biais - Maj du 03/07/18
juin
Celle qui ne vous recalera pas - Maj du 19/06/18
Celle qui fait peau neuve - Maj du 12/06/18
Celle qui n'est pas si innovante que ça - Maj du 05/06/18
mai
Celle qui accueille le GDPR - Maj du 22/05/18
Celle qui ne se fait pas passer pour un humain - Maj du 15/05/18
Celle qui ose dire son nom - Maj du 01/05/18
avril
Celle qui a besoin de preuves - Maj du 17/04/18
Celle qui n'est pas autonome - Maj du 10/04/18
Celle qui ne vous trolle pas - Maj du 03/04/18
mars
Celle qui défend ses pépites et taxe les autres - Maj du 20/03/18
Celle qui détient la vérité - Maj du 13/03/18
Celle qui n'est manifestement pas illicite - Maj du 06/03/18
février
Celle du retour de la conscience - Maj du 20/02/18
Celle qui vous emmène dans les étoiles - Maj du 13/02/18
Celle du côté obscur des données persos - Maj du 06/02/18
janvier
2017
décembre
Celle qui s'envole aussi haut que le Bitcoin - Maj du 12/12/17
Celle du lièvre et de la tortue - Maj du 5/12/17
novembre
Celle où l'on parle régulation - Maj du 21/11/17
Celle du Paradis (et de ses papiers) - Maj du 14/11/17
Celle influencée par la Russie - Maj du 07/11/17
octobre
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Celle un brin trop utopiste – Maj du 17/09/19
L'actu en bref
Aujourd’hui, l’autobiographie d’Edward Snowden, intitulée “PermanentRecord“, est publiée mondialement. Dans cet ouvrage déjà communiqué à la presse (et dont les grandes lignes ont donc déjà fait l’objet d’articles), Snowden revient bien entendu sur les événements qui l’ont conduit à divulguer à la planète l’étendue des programmes de surveillance du gouvernement américain, basés en grande partie sur une collaboration passive-active des géants du net, mais aussi, voire surtout, sur les raisons profondes qui l’ont poussé à agir, pour finalement se retrouver exilé en Russie, quémandant un droit d’asile à la France.
Internetopia
On apprend ainsi que Snowden est l’un de ces nombreux enfants du net : né au début des années 80, il était préadolescent lorsque la révolution Internet a commencé à bousculer le monde et que les ordinateurs personnels ont fait irruption dans les foyers. Comme de nombreux jeunes, Snowden s’est immergé dans l’environnement numérique, abandonnant un pseudonyme (et donc un embryon de personnalité) pour un autre pour interagir avec le reste de la communauté sur des forums de discussion où tout était permis. C’est l’époque dorée du net, celle de la concrétisation des idéaux libertariens, anarchistes et utopistes, des premiers utilisateurs du web : le cyberespace était censé être hors de portée du contrôle étatique, un portail vers le partage infini de connaissances et de culture, un espace de liberté d’expression totale et protection de la vie privée grâce au pseudonymat, régulé uniquement par les règles du réseau et le rejet par la communauté elle-même des éléments perturbateurs. La “Déclaration d’indépendance du cyberespace” de John Perry Barlow en est la cristallisation parfaite : “Gouvernements du monde industriel, géants fatigués de chair et d’acier, je viens du cyberespace, le nouveau foyer de l’esprit. Au nom de l’avenir, je vous demande de nous laisser tranquilles. Vous n’êtes pas le bienvenu parmi nous. Vous n’avez aucune souveraineté là où nous nous réunissons“.
L’utopie n’a pas fait long feu, et c’est en partie ce qui a poussé Snowden à agir. Il était en effet non seulement convaincu par l’utopie, mais y voyait en plus la concrétisation des valeurs fondatrices américaines. Snowden se décrit ainsi lui-même comme un fervent patriote, et justifie des actions décriées par le gouvernement américain justement par son adhésion aux valeurs fondamentales de la construction américaine, selon lui dévoyées par ces programmes de surveillance massive qui portaient atteinte non seulement à la liberté du cyberespace, mais aussi au principe même de vie privée.
Que reste-t-il de nos débuts ?
L’utopie n’a pas fait long feu, et c’est non seulement le fait de la concrétisation du pouvoir étatique sur le réseau, mais également de la manière dont celui-ci s’est développé de manière autonome. En ce qui concerne le premier point, il aurait dû être évident qu’Internet ne pouvait rester une “zone de non droit”, surtout au fur et à mesure de son développement exponentiel. L’expression même de “zone de non droit”, si fréquemment employée par un régulateur trop zélé, est un non sens : le droit a toujours été applicable au net, il a seulement mis du temps à considérer que cela en valait la peine. Cela se comprend aisément par la mutation du réseau : il était peu nécessaire de se soucier des quelques forums de discussion des débuts, tandis que la lutte contre le terrorisme et la pédopornographie justifient l’emploi des grands moyens. On oublie ainsi trop souvent que ce réseau si peu “régulé” des débuts n’était également qu’un épiphénomène ne concernant qu’une poignée de geeks : l’accès au réseau restait un luxe, et les débits étaient mille fois inférieurs à ceux que nous connaissons aujourd’hui.
La croissance du réseau a paradoxalement été la mort de son utopie : la perspective de l’impact colossal d’une telle innovation sur l’économie mondiale a attiré les entrepreneurs et innovateurs du monde entier, qui ont rivalisé d’ingéniosité pour créer des services qui répondaient à cette utopie – Google, eBay, Amazon, PayPal, ou comment s’extraire des carcans habituels et accéder plus aisément à l’information, au commerce, au paiement. Qui aurait pu prédire que les effets de réseau inciteraient à la concentration des services entre quelques mains, et donc à la centralisation d’un réseau censé être décentralisé ?
Le net d’aujourd’hui est ainsi l’opposé de l’utopie de ses débuts. La vie privée n’y est qu’une chimère, la surveillance étatique rivalisant de virtuosité avec les services de profilage publicitaire des géants du net. La liberté d’expression y est de plus en plus encadrée, et la perspective de nouvelles régulations européennes à ce sujet ne laisse pas présager de relâchement. Surtout, il existe peu de marchés aussi centralisés et monopolistiques que ceux du web, ce qui a d’ailleurs permis de renforcer le contrôle étatique au travers des géants du net. Le signal d’alarme à ce sujet ne cesse d’être lancé, sans grand effet : peut-être que cette deuxième alerte lancée par Snowden sera aussi efficace que la première, et permettra une réévaluation de la réalité du web d’aujourd’hui à l’aune de ce qu’il pourrait être ?
Ce qu'on lit cette semaine
C’est probablement le livre de la rentrée, et l’un de ceux que l’on identifiera, dans les cours d’histoire des générations futures, parmi ceux qu’il faut lire pour comprendre notre époque actuelle. Le 19 septembre prochain paraîtra l’autobiographie d’Edward Snowden, Mémoires vives (Permanent Record). L’on y découvre ainsi sa scolarité fade et sans diplôme, sauvée par sa passion de l’informatique et d’Internet, son début de carrière en tant que bon petit soldat-ingénieur enrôlé dans les renseignements pour participer à la war on terror post 9-11, sa prise de conscience progressive de l’existence de PRISM à mesure que ses habilitations lui permettaient d’accéder à des masses de documents confidentiels, le turning point des mensonges de James Clapper à ce sujet lors de son audition devant le Sénat puis son parcours de lanceur d’alerte. S’il s’agit d’un livre qu’il faudra surement avoir lu, l’on s’interrogera sur la question de savoir si l’acheter ne revient pas à financer indirectement sa cause avec les royalties qu’il percevra. Just saying.
How the world will change as computers spread into everyday objects
A bien y regarder, l’Internet of Things, à savoir le développement massif d’objets connectés (ou, pour le dire plus crûment, la mise en lien, via un seul et même réseau – Internet – de tout et n’importe quoi, de la brosse à dents au pèse-personne), a tous les caractères d’une véritable révolution industrielle et sociétale – les deux n’ayant d’ailleurs jamais, dans l’histoire, été l’une sans l’autre. De la conception du droit de propriété à la structure même de la concurrence, nul doute, dès lors, que des enjeux juridiques fondamentaux s’en trouveront bientôt (s’en trouvent déjà) affectés. Mais l’on peut aller encore un cran plus loin : lorsqu’un objet d’ordinaire inerte semble soudain animé (au sens étymologique) par les puissances du réseau pour mieux nous servir, les ressorts de notre comportement ne sont jamais seulement rationnels, c’est la sphère même de l’émotivité qui est atteinte, sans parler aussi du saut du simple confort à de nouvelles formes de dépendance. Qu’en devient-il alors au jour de la panne – ou pire, du piratage, du détournement ? Voilà vers quoi la réflexion doit tendre, sur un fil d’équilibriste, entre émerveillement béat d’un côté et rejet en bloc de l’autre, pour ces technologies bientôt largement propulsées par la 5G.
Margrethe Vestager risquerait-elle l’abus de position dominante ? Faudra-t-il bientôt un droit de la concurrence du droit de la concurrence ? Autant de questions fantaisistes auxquelles ni nous ni cet article ne répondrons. Et pourtant : la commissaire européenne à la concurrence, récemment reconduite dans ses fonctions, auxquelles s’adjoignent désormais des attributions spécifiques étendues à l’ensemble de l’économie numérique, semble devenue, en fait et en droit, le régulateur le plus puissant en matière de numérique – comme en témoigne le titre de l’article, qui ne recule devant aucune comparaison. Si ce n’est pour la critiquer, que nous dit, du moins, cette situation, sur l’état du monde ? Que l’Union Européenne a conscience d’avoir trouvé dans le droit (paradoxalement ?) le contre-pouvoir qu’elle saura manier contre les forces (extérieures, notamment) qui menacent ses valeurs. A défaut de pouvoir économique comparable, grinceront certains, et l’on ne saurait leur donner entièrement tort ; mais c’est déjà quelque chose.
Enquête sur la vie après un lynchage en ligne : « Humilier l’ego social, c’est blesser l’autre profondément »
C’est la mue contemporaine d’une pratique ancienne. De la mise au pilori sur l’espace public moyenâgeux au name and shame sur les réseaux, l’humiliation publique et le harcèlement n’ont rien de nouveau. Pourtant, ils font toujours aussi mal lorsque l’on en est victime, voire plus encore aujourd’hui. Car, comme on le dit souvent, internet n’a pas de frontière et n’oublie jamais et il “suffit” désormais de montrer la voie pour que la réputation et tranquillité de quelqu’un soit définitivement ternie et dérangée par une marée d’individus à travers le monde et ce de manière irrémédiable. S’il y a une chose que les portraits de victimes dressés par cet article, parfois antipathiques – il faut le reconnaître -, nous apprennent, c’est l’extrême vulnérabilité dans laquelle notre existence en ligne nous place et qu’internet, malgré tout, reste un lieu où les justices individuelles trouvent terreau fertile.
Si la technophobie peut ainsi gagner jusqu’à l’un des fondateurs de la Quadrature du Net, c’est qu’il y a de quoi vraiment s’inquiéter : voilà ce qu’amène à penser, naturellement, la crépusculaire analyse du livre de Félix Tréguer, L’Utopie déchue : une contre-histoire d’Internet. Reprenant le constat, que nous faisons ici-même, il est vrai, de semaine en semaine, d’un recul du potentiel émancipateur d’Internet, détourné au profit d’un contrôle toujours plus puissant, parce qu’insidieux, de nos propos et comportements, l’auteur dresse un portrait accablant de notre propre propension à la servitude volontaire, sans manquer de rappeler les tenants historiques de la situation. La technique comme instrument de pouvoir ? Cela sonne (et ce n’est pas une immense surprise) comme du Marx dans le texte. A ceci près que la conséquence pratique tiendrait moins ici dans une action dirigée contre les titulaires de ce pouvoir que contre les moyens de ce pouvoir lui-même : tous déconnectés ! Il ne s’agit même pas tant de boycott que d’un nouveau modus vivendi – une décroissance ? Le mot est à la mode ; il mérite au moins que l’on s’y penche.
Robotique et intelligence artificielle : parlons-en !
Si l’on parle beaucoup des difficultés posées par l’intelligence artificielle, l’on parle un peu moins de ceux que rencontrent la robotique, si ce n’est pour évoquer la « vallée de l’étrange ». Pourtant, le hardware rencontre presque autant de défis que le software. Ainsi, là où l’on s’accommode bon an mal an des erreurs des assistants vocaux et des algorithmes d’aide à la décision car nous restons maître de la décision finale ou de corriger sans coût ces erreurs, les robots, en ce qu’ils interagissent physiquement avec le monde, doivent répondre à des obligations de sécurité. Leur mise sur le marché connaîtra nécessairement une progression plus lente que celle de l’IA car plus ils seront capables d’interactions complexes (autres que le simple maintien en équilibre) plus ils devront répondre à des normes strictes. A côté de cela, la robotique est également confrontée à une difficulté d’ordre sémantique et dialogique qui consiste en la recherche de l’emploi du juste vocabulaire pour les décrire : comment communiquer sur les robots malgré la polysémie des termes comme « autonomie » ou « décider » et ainsi être sûr que tout le monde comprend la même chose ? Il est vrai que cette question a son importance car si l’on veut parler éthique des robots, encore faut-il le faire dans la même langue.