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Celle un brin trop utopiste – Maj du 17/09/19

L'actu en bref

Cette semaine, l’actu en bref est vraiment brève, et tourne principalement, pour changer, autour de nos géants du net préférés. Une semaine de settlements, ou protocoles transactionnels, pour Google qui enterre la hache de guerre avec le fisc français moyennant un chèque d’un milliards d’euros (500 millions d’euros d’amende et 465 de rattrapage d’impôts, mais pas de reconnaissance de culpabilité) et fait la paix avec d’ex salariés qui l’accusaient de représailles après des critiques internes. Également une semaine de précisions sur l’étendue des enquêtes pour abus de position dominante lancées outre-Atlantique : Google et DuckDuckGo auraient déjà fait l’objet de demandes de communication de documents et informations, tandis que des marchands sur Amazon ont également été interrogés. On note aussi le projet de smartphone blockchain de Samsung, l’adoption en Californie d’une loi censée forcer le statut des chauffeurs Uber en salariés – Uber a déjà annoncé ne pas partager cette interprétation de la loi et donc ne pas compter la mettre en œuvre, et Google met à jour son algorithme pour favoriser les contenus originaux par rapport à leurs reprises. Également au programme, quelques intéressantes affaires judiciaires : il semblerait qu’une décision de justice de cour d’appel américaine ait validé des pratiques de collecte de données sur LinkedIn par un tiers, la CJUE considère qu’une norme nationale empêchant à un moteur de recherche de reprendre des articles de presse est une “règle technique” devant donc lui être préalablement notifiée (petite pensée pour l’article 15 de la Directive droit d’auteur), la CEDH décidera si le fait pour un juge d’être “ami” Facebook avec une partie est une attente à l’impartialité et on note un intéressant avis de l’avocat général sur l’épuisement des droits en matière de ebooks (ne s’applique pas car la transmission de ces derniers relèverait du droit de communication au public et pas de distribution). Enfin, on accueille la nouvelle Commission européenne finalement composée et répartie, on apprend que la France et l’Allemagne s’opposent au Libra (mais on ne sait pas trop comme elles vont le faire concrètement), et qu’Emmanuel Macron a une appli de suivi des réformes. On se quitte sur un sac à dos connecté Google/Saint Laurent qui nous laisse perplexes et sur le départ à la retraite de Jack Ma, fondateur d’AliBaba, en chanson sur scène devant une foule de salariés en liesse, ce qui n’était pas sa première fois. Faites comme Jack, faites la Maj, et à la semaine prochaine !

Aujourd’hui, l’autobiographie d’Edward Snowden, intitulée “PermanentRecord“, est publiée mondialement. Dans cet ouvrage déjà communiqué à la presse (et dont les grandes lignes ont donc déjà fait l’objet d’articles), Snowden revient bien entendu sur les événements qui l’ont conduit à divulguer à la planète l’étendue des programmes de surveillance du gouvernement américain, basés en grande partie sur une collaboration passive-active des géants du net, mais aussi, voire surtout, sur les raisons profondes qui l’ont poussé à agir, pour finalement se retrouver exilé en Russie, quémandant un droit d’asile à la France.

Internetopia

On apprend ainsi que Snowden est l’un de ces nombreux enfants du net : né au début des années 80, il était préadolescent lorsque la révolution Internet a commencé à bousculer le monde et que les ordinateurs personnels ont fait irruption dans les foyers. Comme de nombreux jeunes, Snowden s’est immergé dans l’environnement numérique, abandonnant un pseudonyme (et donc un embryon de personnalité) pour un autre pour interagir avec le reste de la communauté sur des forums de discussion où tout était permis. C’est l’époque dorée du net, celle de la concrétisation des idéaux libertariens, anarchistes et utopistes, des premiers utilisateurs du web : le cyberespace était censé être hors de portée du contrôle étatique, un portail vers le partage infini de connaissances et de culture, un espace de liberté d’expression totale et protection de la vie privée grâce au pseudonymat, régulé uniquement par les règles du réseau et le rejet par la communauté elle-même des éléments perturbateurs. La Déclaration d’indépendance du cyberespace” de John Perry Barlow en est la cristallisation parfaite : “Gouvernements du monde industriel, géants fatigués de chair et d’acier, je viens du cyberespace, le nouveau foyer de l’esprit. Au nom de l’avenir, je vous demande de nous laisser tranquilles. Vous n’êtes pas le bienvenu parmi nous. Vous n’avez aucune souveraineté là où nous nous réunissons“.

L’utopie n’a pas fait long feu, et c’est en partie ce qui a poussé Snowden à agir. Il était en effet non seulement convaincu par l’utopie, mais y voyait en plus la concrétisation des valeurs fondatrices américaines. Snowden se décrit ainsi lui-même comme un fervent patriote, et justifie des actions décriées par le gouvernement américain justement par son adhésion aux valeurs fondamentales de la construction américaine, selon lui dévoyées par ces programmes de surveillance massive qui portaient atteinte non seulement à la liberté du cyberespace, mais aussi au principe même de vie privée.

Que reste-t-il de nos débuts ?

L’utopie n’a pas fait long feu, et c’est non seulement le fait de la concrétisation du pouvoir étatique sur le réseau, mais également de la manière dont celui-ci s’est développé de manière autonome. En ce qui concerne le premier point, il aurait dû être évident qu’Internet ne pouvait rester une “zone de non droit”, surtout au fur et à mesure de son développement exponentiel. L’expression même de “zone de non droit”, si fréquemment employée par un régulateur trop zélé, est un non sens : le droit a toujours été applicable au net, il a seulement mis du temps à considérer que cela en valait la peine. Cela se comprend aisément par la mutation du réseau : il était peu nécessaire de se soucier des quelques forums de discussion des débuts, tandis que la lutte contre le terrorisme et la pédopornographie justifient l’emploi des grands moyens. On oublie ainsi trop souvent que ce réseau si peu “régulé” des débuts n’était également qu’un épiphénomène ne concernant qu’une poignée de geeks : l’accès au réseau restait un luxe, et les débits étaient mille fois inférieurs à ceux que nous connaissons aujourd’hui.

La croissance du réseau a paradoxalement été la mort de son utopie : la perspective de l’impact colossal d’une telle innovation sur l’économie mondiale a attiré les entrepreneurs et innovateurs du monde entier, qui ont rivalisé d’ingéniosité pour créer des services qui répondaient à cette utopie – Google, eBay, Amazon, PayPal, ou comment s’extraire des carcans habituels et accéder plus aisément à l’information, au commerce, au paiement. Qui aurait pu prédire que les effets de réseau inciteraient à la concentration des services entre quelques mains, et donc à la centralisation d’un réseau censé être décentralisé ?

Le net d’aujourd’hui est ainsi l’opposé de l’utopie de ses débuts. La vie privée n’y est qu’une chimère, la surveillance étatique rivalisant de virtuosité avec les services de profilage publicitaire des géants du net. La liberté d’expression y est de plus en plus encadrée, et la perspective de nouvelles régulations européennes à ce sujet ne laisse pas présager de relâchement. Surtout, il existe peu de marchés aussi centralisés et monopolistiques que ceux du web, ce qui a d’ailleurs permis de renforcer le contrôle étatique au travers des géants du net. Le signal d’alarme à ce sujet ne cesse d’être lancé, sans grand effet : peut-être que cette deuxième alerte lancée par Snowden sera aussi efficace que la première, et permettra une réévaluation de la réalité du web d’aujourd’hui à l’aune de ce qu’il pourrait être ?

Le Gif de la semaine


À la semaine prochaine avec beaucoup d'ingéniosité !