TRIBUNAL DE L’ACTU ET DE LA GALEJADE DE PARIS
3ème chambre, 2ème section
n°RG: 21/LOLMDR
JUGEMENT
DEMANDEUR :
Association AEON CODISLO, immatriculée au RNA sous le numéro W923006503, représentée par K, C et G;
DEFENDEUR :
L’association UFC-QUE-LIRE, représentée par Monsieur Jean Michel Saboukine;
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Pince Mi, juge
Pince Moi, juge
DEBATS
A l’audience du 22 juin 2021 tenue publiquement, à l’occasion de laquelle Pince Mi est tombé à l’eau et la question de l’identité du juge restant a été posée,
Faits et procédure
Par courrier en date du 08 juin 2021, l’association AEON CODISLO, prétendant qu’ils n’y connaissaient rien à rien, mettait en demeure les lectrices et lecteurs de la Maj de promptement procéder à une mise à jour de l’actu techno-juridique.
Par courrier en date du 15 juin 2021, ces mêmes lectrices et lecteurs contestaient le bien fondé de ces allégations et enjoignaient l’association AEON CODISLO de compenser l’affront qu’ils estimaient avoir subis par une double dose de GIF dans sa prochaine newsletter.
Alertée par de nombreux signalements de ses adhérents, l’association UFC-QUE-LIRE a assigné l’association AEON CODISLO par acte en date du 17 juin 2021, devant le Tribunal de l’Actu et de la Galéjade de Paris afin que celui-ci :
- Constate que la blague de l’avant dernière newsletter de l’association AEON CODISLO a été poursuivie au cours de la dernière, faisant d’elle une blague dite “filée”,
- Constate que ladite blague filée excède la longueur humoristiquement admise et que, par conséquent, l’association AEON CODISLO l’a privé de sa faculté d’être la meilleure qu’elle aurait pu être,
et par conséquent:
- Enjoigne l’association AEON CODISLO à cesser immédiatement ladite blague filée,
Par conclusions notifiées en date du 19 juin 2021, l’association AEON CODISLO demande quant à elle au Tribunal de :
- Débouter l’association UFC-QUE-LIRE de l’intégralité de ses demandes.
Motifs de la décision
1) A titre liminaire, sur la temporalité de la saisine du Tribunal
Attendu que, du fait des parties, le Tribunal a été contraint d’entendre leur affaire le lendemain d’une fête de la musique après avoir passé plus d’un an sans avoir entendu de la musique dans la rue.
Attendu qu’en ces circonstances, les parties auraient pu légitimement s’attendre à ce que le Tribunal ne soit pas opérationnel ce jour pour cause de grand d’amusement la veille.
Attendu que le comportement des parties est ainsi constitutif d’un abus en application du principe général du fun selon lequel nul ne peut être contraint à travailler s’il s’est amusé.
Attendu qu’il convient donc d’enjoindre l’association UFC-QUE-LIRE de se calmer.
2) Sur les demandes de l’association UFC-QUE-LIRE
Attendu que pour dire que l’association AEON CODISLO aurait manqué de faire de sa blague filée la meilleure, l’association UFC-QUE-LIRE allègue que la newsletter en date du 15 juin 2021 aurait été, selon elle, moins drôle que celle du 8 juin 2021 et que du fait de la consternation qu’ils ont ressenti, les lectrices et lecteurs de la Maj n’ont pas pu avoir pris connaissance :
- des initiatives mises en oeuvres pour créer une société de gestion collective des droits voisins des éditeurs de presse,
- du rejet du recours en excès de pouvoir de CNEWS contre le CSA pour la mise en demeure que la chaîne à reçu à la suite des propos d’Eric Zemmour,
- de cet arrêt de la CJUE qui ouvre la voie à des poursuites par les autorités de protection des données quand l’autorité cheffe de fil d’un responsable de traitement ne fait pas son job (ça flippe en Irlande),
- de la récente adoption des guidelines Schrems II du CEPD,
- des incertitudes qui règnent autour de la conformité des transferts de données UK-EU post-brexit,
Attendu que l’association AEON CODISLO allègue, quant à elle, que la newsletter du 15 juin 2021 aurait été plus drôle que celle du 8 juin 2021 par application du principe du comique de répétition et qu’en tout état de cause, les lectrices et lecteurs de la Maj, en l’absence du filage de la blague en cause et des suites de l’ennui dont ils auraient alors été pris, n’auraient pas été informés de :
- la publication du baromètre des droits et de l’accès au droit en France du CNB,
- la nomination de Lisa Khan, très critique à l’égard des GAFAM, à la tête de la Federal Trade Commission,
- la retransmission par webradio du procès des attentats du 13 novembre (partie civile only),
- l’acquisition de Boston Dynamic par Hyundai,
- cette décision de la CJUE qui confirme que le peer2peer est un acte de communication au public et que les trolls de droits d’auteur peuvent continuer de troller, sauf abus, y compris en enregistrant systématiquement des informations sur les utilisateurs des réseaux peer2peer,
- cette sanction de 500 briques de la CNIL contre Brico Privé parce que rien n’allait, ou encore
- la fusion de SYNTEC et de Tech-In-France qui donne lieu à “Numeum” (débrouillez-vous pour savoir comment ça se prononce),
Attendu que c’est à juste titre que l’association UFC-QUE-LIRE relève que la newsletter du 15 juin 2021 comporte un matériau humoristique dégradé de celui de la newsletter du 8 juin 2021, la seconde en date apparaissant manifestement comme étant la version réchauffée de la première.
Attendu que dans ces circonstances, il convient de faire droit aux demandes d’injonction de l’association UFC-QUE-LIRE à l’égard de l’association AEON CODISLO.
Attendu que compte tenu du fort risque que cette dernière poursuive la blague litigieuse, le Tribunal assortira les injonctions sollicitées d’une astreinte d’un montant de 2 gifs par jour de retard.
PAR CES MOTIFS,
Le Tribunal, statuant publiquement par jugement contradictoire rendu en ressort (boing boing),
- Enjoint l’association UFC-QUE-LIRE de se calmer par consommation de CBD,
- Enjoint l’association AEON CODISLO à cesser immédiatement la blague qu’elle file depuis ses deux dernières newsletters, et ce sous astreinte de 2 gifs par jour passé la notification de la présente décision,
- Enjoint l’association AEON CODISLO à avoir recours à tout autre procédé qu’elle jugera utile afin de susciter un fort souffle des orifices nasaux de ses lectrices et lecteurs, et
- Enjoint à tout le monde de faire la Maj.
Fait et jugé à Paris le 22 juin 2021,