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Celle qui administre avec autorité – Maj du 16/06/20

L'actu en bref

Cette semaine a été marquée par une forte actualité judiciaire ou précontentieuse, partout dans le monde : Apple est la nouvelle victime de la vendetta de l’UFC contre les clauses abusives, avec notamment de nombreux manquements au RGPD ; le Health Data Hub, qui fait l’objet d’un article dédié par la CNIL, est attaqué devant le Conseil d’État pour le choix de prestataire (Microsoft plutôt qu’un français => all eyes on OVH) ; le projet Gutenberg de bibliothèque en ligne est interdit en Italie par un tribunal local ; le PNF est saisi par Anticor pour le coût de l’hébergement de StopCovid (200 000 €/mois) ; Amazon est dans le viseur de la Commission pour pratiques anticoncurrentielles à l’encontre des marchands sur sa marketplace ; la CNIL est saisie par la Ligue des droits de l’Homme pour défaut de réponse satisfaisante à l’exercice du droit d’accès par des chauffeurs (les données ainsi obtenues étant clefs pour de potentiels litiges en requalification de contrat de travail) ; le rapporteur public du Conseil d’État semble s’être opposé à la vision de la CNIL sur les cookie walls (voir notre edito ci-dessous) – la décision devrait intervenir dans la semaine ; et la CNIL espagnole sanctionne Twitter pour ses cookies et Glovo pour défaut de nomination d’un DPO. Beaucoup de news tech aussi, la première étant que la crise sanitaire n’a pas de conséquences économiques pour tous, surtout pas pour Apple qui passe un nouveau record de valorisation à 1 500 milliards ; un rapport sur les créateurs de startups en France montre qu’il s’agit principalement d’hommes diplômés ; il y aurait eu une énorme attaque par déni de service contre les USA, mais rien n’est encore sûr ; Facebook sort un dataset de deepfakes pour aider à entrainer des modèles de lutte contre les deepfakes ; on en sait un peu plus sur la monnaie électronique chinoise, en cours de déploiement progressif ; l’enchère pour la 5G en France est désormais prévue pour fin septembre, les premières offres devraient arriver d’ici la fin de l’année ou le début 2021 ; après Google il y a quelque temps, c’est désormais Amazon, IBM et Microsoft qui annoncent refuser de vendre leurs technologies de reconnaissance faciale aux forces de police ; et un rapport sur les compétences en cybersécurité de la génération Y montre qu’elles sont loin d’être aussi bonnes qu’on pourrait l’espérer de la part de digital natives. Un petit point policy pour finir, avec d’abord des demandes de transparence accrue de la Commission sur ses liens avec Palantir ; la France semble emboiter le pas du Royaume-Uni sur la vérification de l’âge avant d’accéder à un site porno – pour rappel, le Royaume-Uni a fini par laisser tomber son projet ; la CNIL publie son rapport d’activité, avec beaucoup de contrôles et peu de sanctions ; les avocats peuvent désormais afficher jusqu’à 3 “domaines d’activités dominantes” sur leurs supports de com’, mais toujours pas parler de “spécialisation” à moins de passer le certificat du CNB.  On se quitte sur des notes plus sérieuses qu’à l’accoutumée, avec un article sur la sphère de désinformation russe en France et un autre tout droit sorti du Bureau des Légendes sur l’utilisation des vibrations d’une ampoule pour espionner.

Faites la Maj, et à la semaine prochaine !

Dur dur d’être une autorité ! La semaine écoulée prend en effet des airs de revers, alors que le rapporteur public du Conseil d’Etat s’inscrit en faux contre la CNIL sur le sujet des cookie walls – une position d’autant plus menaçante pour la Commission que le Conseil a ouvert grand les vannes, par une décision du 12 juin, aux recours en excès de pouvoir contre les « lignes directrices » de l’administration, en ce qu’elles sont « susceptibles d’avoir des effets notables sur les droits ou la situation d’autres personnes que les agents chargés, le cas échéant, de les mettre en œuvre ».

Dans un registre similaire, chez nos voisins néerlandais, c’est (apprend-on sur Twitter) une cour de Rotterdam qui sanctionne l’autorité de protection des données locales pour n’avoir pas exercé ses pouvoirs en faveur d’un requérant dans le délai imparti. Simple conjonction de faits, ou faut-il y voir une défiance ? C’est du moins l’occasion de s’interroger sur le rôle et la fonction, loin d’être anodins, des autorités administratives, et leur inscription dans le schéma plus général d’un ordre juridique.

L’autorité administrative face à la loi

L’essor des autorités administratives est une caractéristique du droit contemporain – du moins de cette portion du droit, semble-t-il toujours plus grande, qui se pense selon le modèle du regulatory ou de la compliance. L’idée est simple, de prime abord libérale, et sous ce rapport séduisante : le législateur pose les règles, les acteurs s’organisent (pour ne pas dire s’en débrouillent), une autorité dédiée les accompagne et sanctionne, à l’occasion, les sorties de route.

Ce modèle présente, il est vrai, un certain nombre d’atouts : efficacité accrue par la réunion de fonctions « pédagogiques », d’investigation et de sanction au sein d’une même entité ; agents hautement spécialisés dans leur domaine d’intervention ; budget propre… L’autorité administrative – indépendante, il faut ici le souligner – répond en grande partie à l’impossibilité matérielle du juge « traditionnel » d’éponger le lot de recours et de contentieux qui va de pair avec la création d’une nouvelle couche de règlementation – en particulier lorsqu’elle est aussi vaste, et d’application aussi universelle, que la règlementation des traitements de données à caractère personnel.

L’autorité administrative est également la source de droit souple par excellence, à travers ses attributions « pédagogiques » précitées : lui est ainsi confié, en-dehors de tout pouvoir règlementaire à proprement parler, de préciser ou clarifier les règles de droit qui l’ont vu naître.

Pour autant, l’autorité administrative n’est pas extérieure à l’ordre juridique dans son ensemble, ni à la fameuse pyramide des normes. Son action est à la fois enfermée dans les limites processuelles et matérielles de sa mission, telles que fixées par les textes, et soumise au contrôle du juge – le juge administratif, qui rappelle la nature fondamentale de ces autorités. D’où un contentieux non négligeable, et peut-être en vérité de plus en plus fréquent, en ce qu’il vise non plus seulement les décisions individuelles de sanction des autorités, mais les lignes directrices qu’elles publient à des fins « d’éclaircissement » de la règlementation.

Interprétation créative et contradictoire

Comme nous l’expliquions il y a quelques mois déjà dans un article au titre un brin provocateur, toute la tension qui entoure l’action des autorités administratives (et en particulier de la CNIL) naît de ce qu’indépendamment de toute situation particulière, elles fixent dans des recommandations, avis et lignes directrices ex ante le contenu des positions qu’elles se réservent le droit de faire respecter dans le cadre de leurs fonctions de contrôle et de sanction. Ce que le secteur cible y gagne en sécurité juridique, il y perd nécessairement en liberté voire, en deux mots, de faculté d’innovation juridique, face à un droit textuel qui bien souvent admettait plusieurs interprétations divergentes.

Les recours contre le droit souple des autorités ont ainsi pour fonction de ramener ce dernier dans le giron des règles supérieures, lorsqu’il les excède manifestement, mais aussi, surtout, de ramener une dose de liberté dans l’interprétation et la mise en œuvre des textes ; c’est là, à l’évidence, un mécanisme de « contrôle des contrôleurs » tout ce qu’il y a de plus sain. Certes – au-delà de ces cas litigieux, il n’en reste pas moins, dans l’ensemble, une originalité radicale dans la manière d’organiser l’application de la règle de droit.

On imagine difficilement, en effet, les juges pénaux spécialistes d’une matière (la comparaison se tient – ne parle-t-on pas de sanctions quasi-pénales ?) se réunir et exercer une activité éditoriale commune, par laquelle ils informeraient par avance de leur manière d’appréhender telle ou telle situation encore inédite. La raison en tient probablement, pour une part, à la sociologie des modes d’exercice de l’activité des magistrats ; il y a aussi, en matière pénale du moins, où gouverne le principe d’interprétation stricte de la loi, que les juges ne sont pas censés, dans un pays de tradition écrite, faire d’interprétation créative de la loi.

C’est peut-être être ce dernier présupposé (en vérité un mythe) que le droit souple des autorités administratives heurte le plus chez le juriste français. Sans nier le principe de ce paradigme radicalement nouveau, l’activité « tempérante » du Conseil d’Etat, de plus en plus marquée à mesure que se multiplient les recours, vient du moins y réintroduire la mesure de contradictoire qu’il y manquait parfois.

Le Gif de la semaine


À la semaine prochaine, en se déconfinant avec innovation !